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« L’homme qui tua Lucky Luke », de Mathieu Bonhomme : tout simplement bluffant

« L’homme qui tua Lucky Luke », de Mathieu Bonhomme : tout simplement bluffant

Créé par le dessinateur belge Morris dans l’Almanach 1947, un hors-série du journal Spirou, Lucky Luke aura bientôt 70 ans. D’où l’arrivée, dans les librairies, d’albums conçus comme autant d’hommages au légendaire cowboy. Parmi ces derniers, celui de Mathieu Bonhomme, « L’homme qui tua Lucky Luke »*, a particulièrement retenu l’attention de votre site d’information en ligne préféré, qui attend avec fébrilité les prochains à paraître, notamment celui de Guillaume Bouzard.

Bandes-dessinées parmi les plus connues et les plus vendues en Europe, les 70 et quelques albums des aventures de Lucky Luke n’ont guère besoin d’être présentés, si ce n’est aux (très) jeunes générations, dont on ne doute pas un instant qu’elles sauront également en faire leur miel. En effet, les personnages de la « galaxie Lucky Luke », à commencer par le fameux « cowboy solitaire », mais aussi son cheval qui parle (Jolly Jumper), « le chien le plus bête de l’Ouest » (Rantanplan) et « Quand est-ce qu’on mange ? » (Averell Dalton)… tous ces personnages font désormais partie de la culture populaire, de même que leur univers, bien balisé à présent. Tellement balisé qu’il aura fallu beaucoup de patience et de travail à Achdé – le scénariste qui a succédé à René Goscinny à la mort de celui-ci en 2001 – pour ne pas finir pendu haut et court par les fans de « l’homme qui tire plus vite que son ombre ». Tellement balisé et codifié que « s’attaquer » à Lucky Luke revient presque à jouer à la roulette belge, celle où il y a une balle dans chaque trou du barillet… En le faisant, Mathieu Bonhomme (le dessinateur du remarquable Texas Cowboys, avec Lewis Trondheim), n’a donc pas eu froid aux yeux. Il a en tout cas pris un risque. Un risque d’autant plus grand que, au lieu de se glisser dans la peau du maître (Morris), ce dernier a fait le choix d’incorporer le cowboy à son propre univers, pas franchement raccord avec celui des aventures de Lucky Luke.

Mathieu Bonhomme a-t-il bien fait de prendre ce risque, de se mettre ainsi en danger ? Si, de prime abord, les premières planches de L’homme qui tua Lucky Luke désoriente sacrément le lecteur assidu de la série, force est toutefois d’admettre que, « passé le choc » initial, et malgré l’ambiance très sombre, parfois glauque, de cet album, il se laisse assez facilement captiver, voire séduire par l’audace de Bonhomme. Certes, Lucky Luke paraît beaucoup plus tourmenté, l’humour paraît avoir été congédié, les « méchants » sont infiniment plus complexes que les frères et Dalton, seulement « bêtes et méchants »… Mais l’on n’a pas l’impression d’être face à autre chose qu’une aventure de Lucky Luke. Pour le dire autrement, bien que Mathieu Bonhomme se montre infidèle au dessin, l’esprit est là, qui souffle comme jamais, même si c’est d’une autre façon. Bref, s’il a joué gros, son album est bluffant. Une performance qu’Info-Chalon.com ne peut que vous inciter à découvrir.

S.P.A.B.

*Mathieu Bonhomme, L’homme qui tua Lucky Luke, Lucky Comics, 2016, 64 p, 15 euros