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Les animaux sont loin d’être bêtes. Illustration avec le dernier ouvrage de Peter Wohlleben : « La vie secrète des animaux »

Les animaux sont loin d’être bêtes. Illustration avec le dernier ouvrage de Peter Wohlleben : « La vie secrète des animaux »

Que lire cet été ? Une suggestion d’info-chalon.com.

Celles et ceux qui savent encore s’émerveiller devant le spectacle envoûtant de la nature connaissent certainement Peter Wohlleben, ce garde-forestier à qui l’on doit un magnifique ouvrage sur La vie secrète des arbres, devenu en assez peu de temps un bon best-seller, autrement dit le contraire d’un énième roman de Marc Lévy. Et s’ils ont aimé ce livre, ils aimeront probablement celui qu’il a publié il y a quelques mois : La vie secrète des animaux.

Dans le droit fil de son conte naturaliste sur les arbres, Peter Wohlleben raconte les animaux comme, peut-être, on ne les devine pas assez, anthropocentrés que nous sommes, plus cartésiens que nous ne l’imaginons. D’ailleurs, c’est probablement l’un des heureux partis pris de Peter Wohlleben, celui-ci ne voit pas et ne veut pas voir les animaux avec les yeux d’un rejeton de René Descartes, ce philosophe français pour qui l’animal était une machine, quelque chose dont l’homme, à l’instar de la nature en général, devait se rendre « maître et possesseur ». Au contraire, il prend le contrepied de cette façon d’envisager le monde. Sur la base d’études scientifiques sérieuses qu’il vulgarise à bon escient et à partir des observations qu’il a pu faire dans son métier de tous les jours ou dans sa vie quotidienne, Peter Wohlleben dresse même un portrait pour le moins iconoclaste des animaux.

Sous sa plume, ceux-ci apparaissent par exemple capables d’altruisme. Le chapitre éponyme (« De l’altruisme »), pour une large partie consacrée aux chauves-souris vampires, est à ce propos sidérant. De quoi troubler les honnêtes thuriféraires de l'Ayn Rand de La source vive, remarque roman, soit dit en passant.

Bien sûr, quand on découvre, un peu interloqué, que les biches, qui deviennent acariâtrissimes avec l’âge ne semblent pas s’éloigner fondamentalement de ces vieillards nous incitant à accorder quelque crédit à l’idée selon laquelle plus on deviendrait vieux, plus on deviendrait con, on se demande si, d’aventure, il ne prêterait pas indûment aux « bêtes » des propriétés assez typiquement humaines.  

Ceci étant, lorsque Peter Wohlleben nous apprend que des corneilles peuvent, par temps de neige of course, faire de la luge sur les toits à l’aide d’un petit couvercle rond, simplement pour le plaisir que ça leur procure, on se dit que l’on est peut-être passé à côté de quelque chose. A tout le moins qu’on a peut-être un peu trop facilement tendance à classer ces volatiles dans la catégorie des « nuisibles à cerveau de piaf ».

Serait-il possible que l’homme ne soit en définitive pas, comme il l’a cru et le croit encore, au sommet de la pyramide des espèces ? Peut-il continuer de se comporter à l’égard des animaux comme il le fait depuis trop longtemps ? Ce sont autant de questions que suscite la lecture de La vie secrète des animaux. Une fois celui-ci refermé, vous aurez certainement des réponses à leur apporter, selon que vous aurez été partiellement ou totalement convaincus par ce qu’avance Peter Wohlleben. Vous aurez mieux que cela encore : des doutes et toute une flopée d’interrogations. Or, quiconque doute et s’interroge, pense.

Samuel Bon

Peter Wohlleben, La vie secrète des animaux, Les Arènes, 2018, 272 p, 20,90 (prix conseillé)