Chalon dans la rue

CHALON DANS LA RUE 2017 : « Le désir, c’est pas que sucer, encore et encore…sucer…à mort »

CHALON DANS LA RUE 2017 : « Le désir, c’est pas que sucer, encore et encore…sucer…à mort »

Retour sur un spectacle que votre serviteur d’info-chalon.com a beaucoup aimé : Plateforme, de la Compagnie Plateforme.

« Parce que vous avez des glandes à vider ! »…. « Parce que ça coûte moins cher que d’inviter une femme au restaurant ! »…. « Parce que c’est votre 35ème anniversaire de mariage ! »« Parce que… »… « Parce que… »… « Et vous, pourquoi êtes-vous là ? »… D’emblée, Trafic, le spectacle de la Compagnie Plateforme, Place Thévenin, vous prend à la gorge, vous fait passer du côté obscur du sexe : celui de la traite des êtres humains, des pulsions de domination et d’agression, du viol, des perversions en tout genre, du glauque le plus XX…L.

Il vous prend à la gorge et ne la lâche plus, jusqu’à la fin. Toute personne intellectuellement honnête et bien informée sait qu’on ne se prostitue que très rarement par plaisir, plus souvent sous la contrainte. Les bons articles de presse sur cette réalité que des politiques peu scrupuleux nient ou relèguent en périphérie pour se refaire la cerise à bon compte ne manquent pas. Les rapports sérieux, eux, ne manquent pas non plus. Autrement dit, tout un chacun a à sa disposition l’information nécessaire pour comprendre que le sexe tarifé est un marché lucratif que se partagent des soudards cyniques à la tête de réseaux mafieux traitant des êtres humains comme des bestiaux, comme de la marchandise. Sauf que ceux que cette réalité émeut sont rares, peut-être parce que les mots ne suffisent pas toujours à lui donner corps. Le spectacle de la Compagnie Plateforme, précisément, en montrant les corps, y parvient avec une redoutable efficacité. Ce qui selon Bertrand Noël était la quintessence du mal, la transformation des corps en marchandise limitant la relation humaine à la possession*, vous saute littéralement à la gueule. Et ce n’est pas le moindre des exploits de Trafic que de parvenir à vous sensibiliser de la sorte, à vous faire gamberger toute une nuit sur cette tirade, lâchée avec brio par l’un des acteurs : « Sauf si vous êtes client ou putain… vous pouvez pas savoir ce que c’est que faire face à un désir qui cherche à éveiller le vôtre alors que vous n’en avez pas, que vous n’en avez plus… ».

Dans ses Mémoires**, le juriste Léo Hamon écrivait qu’on ne peut véritablement se faire une idée de la nature d’une société qu’en observant la façon dont elle traite ses marges. A observer celle que donne à voir la Compagnie Trafic, notre société, celle de « la patrie des droits de l’homme » et de la devise républicaine scandée pour n’importe quoi, elle a sacrément du plomb dans l’aile…

Quoi qu’il en soit, c’est un (très bon) spectacle à voir, de préférence sans vos enfants, si vous en avez.

Samuel Bon

* Bernard Noël, « La Machine en tête », préface aux 120 journées de Sodome du marquis de Sade, éditions P.O.L.,1992 , p. X

**Léo Hamon, Vivre ses choix, Laffont, 1991, 556 p

 

Infos pratiques :

Compagnie : Plateforme

Spectacle : Trafic

Lieu : Place Thévenin (pastille 54)

Dates : jeudi 20, vendredi 21, samedi 22 juillet

Horaire : 21 h 45

Durée : 1 h 15