Chalon sur Saône

Greffé d’un rein, Adolphe Dubois retrouve des sensations d'antan, au point d’envisager de faire mordre la poussière aux 100 km de Millau

Greffé d’un rein, Adolphe Dubois retrouve des sensations d'antan, au point d’envisager de faire mordre la poussière aux 100 km de Millau

Sérieusement amoindri par la polykystose rénale, Adolphe Dubois a dû ingurgiter du fait d’un système naturel d’épuration défaillant, dialyse sur dialyse durant pas loin de trois ans. En combattant qui ne lâche jamais le morceau grâce à un moral de lutteur éprouvé à la force du jarret lors de la course à pied, le Chalonnais a patiemment attendu que la délivrance soit. Et elle le fut au mois de juillet dernier, consécutivement à une ô combien précieuse greffe de rein génératrice de bain de jouvence. Libéré d’un poids sclérosant, il entend progressivement reprendre le cours normal de sa vie en lui rendant au centuple ce merveilleux cadeau.

L’hérédité lui a légué un drôle d’héritage 

C’est le 1er mai 1984 que ses déconvenues ultérieures devaient sans crier gare ébaucher un rôle de trouble-fête. « En courant le semi-marathon de Montceau-les-Mines, j’ai vu que je commençais à uriner du sang. Après, j’ai vécu normalement. Puis j’ai rencontré le professeur Chalopin à Dijon, néphrologue. Il m’a donné un traitement pour me tester, et il est ensuite parti à Besançon comme chef de clinique. Mon dossier médical a alors été basculé sur le Centre hospitalier de Chalon-sur-Saône, auprès de M. Dubot, néphrologue. Il me suit depuis le milieu des années 80, je le vois toujours tous les deux mois. La prochaine fois, ce sera le 8 septembre. » Las, l’état de santé du sportif se dégrada en 2010. A partir du 15 octobre 2012 la fastidieuse et fatigante dialyse tomba sous le sens (réduisant par voie de conséquence son traitement lourd) à raison de trois séances hebdomadaires (lundi, mercredi, vendredi après-midi) au Centre chalonnais William-Morey avant de pratiquer l’autodialyse à Saint-Rémy au mois de janvier 2013, lui apprenant à être autonome, responsable. Et un jour, une bonne fée se posa sur son attirail, punaisant sur le calendrier le lundi 13 juillet 2015 comme devant être celui de la dernière série des séances de filtration artificielle. Pris au collet par son terrain atavique (sur la fratrie de onze enfants, cinq ont été victimes de la polykystose rénale, dont trois furent l’objet d’une transplantation), Adolphe Dubois savait où il allait. Celui qui a affaire à Chalon et Dijon (ici pour l’inscription sur la liste nationale des receveurs, les grands examens, etc.) se trouvait devant trois ans de délai avant l’adjonction d’un rein. Au final l’attente lui aura épargné quelques mo

« J’ai l’impression d’avoir 15-20 ans de moins »

Psychiquement, il lui aura fallu une gymnastique de l’esprit afin de consentir à l’introduction d’un organe dans ses chairs. Accepter une greffe de qui que ce soit ne coulait pas de source s’agissant de son for intérieur. Et puis tout bascule le 14 juillet en fin de journée. En famille avec son épouse et sa petite-fille aînée, Clara, c’est cette dernière qui réceptionne un coup de fil. Au bout, le C.H.U de Dijon… »Vous êtes le premier sur la liste. Il y plein de choses qui arrivent, se mélangent : la joie, la tristesse…On était trois, c’était assez fort. J’ai pensé ensuite à mon donneur, décédé. Le rein n’était pas encore arrivé. Par sécurité on m’a dialysé avant de m’opérer, ca s’est terminé vers 2h. A 3h30 j’étais bon pour la greffe. » Ce qui suivra restera à jamais comme un haut fait dans son parcours de vie. « Le 15 juillet à 10h32, l’entrée au bloc restera gravée dans ma mémoire. Normalement cette transplantation dure entre trois et quatre heures. Je me suis réveillé à 16h10, et à 16h45 on m’a ramené dans ma chambre. J’ai ensuite passé trois jours dans une chambre stérile sans aucune visite, hormis celles du docteur et de l’infirmière. Au bout d’une semaine je n’avais plus de sonde, de perfusions, de drains. » La métamorphose s’avère spectaculaire au plan du ressenti. « J’ai l’impression d’avoir quinze-vingt ans de moins » », savoure ardemment celui qui a bénéficié d’autre part des précieux dires de deux psys et a quitté le C.H.U le 30 juillet. Toutes les semaines l’ex-patient s’en remet à Dijon au Professeur Mousson pour le suivi. Après, les rencontres vont s’espacer (au départ il devait y aller deux fois, cependant sa solide constitution n’a pas nécessité cette double présence). Les médicaments ont déjà été baissés, même s’il n’aura d’autre choix que d’ingérer des cachets anti-rejet ad vitam aeternam. Egalement pris en charge par le docteur Dubot à partir de septembre, mois de ses 58 ans (le 18), le transplanté se sent entre de bonnes mains, et ne manque pas de rendre hommage à ses bienfaiteurs. « Je voudrais remercier tout le personnel du service de néphrologie du C.H.U. de Dijon, et tous mes remerciements aussi au service de néphrologie du Centre hospitalier de Chalon. Enfin, une dédicace spéciale à tout le personnel qui intervient au Centre d’autodialyse de Saint-Rémy, lequel est adorable et très compétent. J’aimerais souhaiter une très bonne retraite à André (« Dédé »). »

 

 

Renvoyer l’ascenseur à sa manière

Adophe Dubois, qui a subi l’ablation d’un rein en 2012, n’a rien d’un ingrat. Percevoir, o.k., mais sans réciprocité, non, ce n’est pas le genre de la maison. « J’espère que ça donnera de l’espoir aux malades, qu’ils ne disent pas : je suis malade, que la vie s’arrête. Le mercredi 12 août j’ai reçu Georges Rollin, le président de France Adot 71. Je lui ai demandé ce que je pouvais faire, car je suis  redevable. C’est à moi de partager pour les autres. J’aimerais savoir si c’est réalisable avec France Adot de faire connaître l’Adot 71 aux sportifs, eux qui sont en forme. Ont-ils pensé au don d’organes ? Il faut savoir qu’un donneur décédé peut sauver ou améliorer les conditions de vie d’une dizaine de personnes. Je vais prendre ma carte, et faire un genre de bulletin de soutien avec tous les gens que je connais, et que ça aille directement à l’Adot (milieux sportif, professionnel). Et pourquoi pas une conférence ? En France il y a une faillite des dons d’organes assez incroyable, par rapport aux pays nordiques ou anglo-saxons. J’ai deux devises : je ne marcherai plus jamais seul, et carpe diem. »

La machine se remet en branle

S’il avait commencé de mettre un pied devant l’autre en hâtant le pas, Adolphe prit sa première licence au C.O.O.C (Club Olympique Ouvrier Chalonnais), débaptisé in fine «Grand Chalon Athlétisme », dont la validité couvrait la saison 1983-1984. Consommateur récurrent de bitume (une quinzaine de marathons, des semi-marathons en pagaille), il a participé au feu Paris-Gao-Dakar en 1988-1989), ainsi qu’à nombre de cross. Les hormones du plaisir déclenchées par l’endurance ne sont pas son unique motivation. « Courir, c’est pour se vider la tête. Il y a aussi les rapports humains. On est tous habillé de façon identique, et il n’y a pas de niveau social. » La belle époque, mise sous l’éteignoir depuis pas mal d’années, son organisme s’y montrant réfractaire, laisse entrevoir des monceaux de bravoure. « Physiquement je ne pouvais plus, j’étais essoufflé, je n’avais plus de forces. Moralement il y a un truc qui était cassé. Toutefois je suis toujours resté fidèle à mon club d’origine, en étant président de 1998 à 2009, et maintenant vice-président du Grand Chalon Athlétisme, je suis par ailleurs secrétaire-adjoint de l’OM.S. de Chalon. Durant mes problèmes de santé, ça faisait comme si j’étais un peu au ralenti, et que d’un seul coup je me réveille. Je reprends de la vitesse ! » Sa dernière compétition en date remonte à huit ans en arrière : l’homme bataillait ferme vis-à-vis de lui-même durant la mythique épreuve des 100 kilomètres de Millau, réalisée pour ses cinquante printemps. Rebelote neuf années plus tard, pour peu que ça veuille bien sourire. Son second 100 kilomètres serait alors réalisé le 24 septembre 2016, encore à Millau. « C’est pour les échanges, on se tutoie. On prend le départ tous ensemble, et on passe les cent bornes avec pratiquement les mêmes personnes. » Il dispose d’ores et déjà d’une flopée d’accompagnateurs afin de l’aider à mener à bien cette folle aventure. Néanmoins maîtrisée bien en amont, avec une préparation visant simultanément corps et mental. « Tous les jours je m’impose une heure de marche le matin, je me freine un peu pendant deux mois. A la suite de quoi j’enchaînerai en alternant le vélo et la marche durant trois-quatre mois, programme dans lequel j’ajouterai la natation, mais là il faudra que je me fasse violence ! Je compte recourir au printemps prochain –ou en hiver éventuellement- en faisant surtout de la pelouse. » En admettant que l’athlète ait recouvré la pleine possession de ses moyens et rempli sa mission jusqu’au bout, il nouerait une relation avec un dessein se différenciant totalement du précédent. « Si mon 100 bornes se déroule correctement, je vais à ce sujet voir ce qu’il est possible de monter au bénéfice du don d’organes, il me plairait de rallier Saint-Jacques de Compostelle pour mes 60 ans, sur deux-trois mois, en marchant, histoire de faire le point. J’aimerais que ma femme me retrouve à certaines étapes, ainsi qu’à l’arrivée. » C’est tout le mal que l’on peut lui souhaiter dans ce redéploiement de l’énergie vitale longtemps contenue et mise à mal…

 

 

De belles âmes pour un chouia de philanthropie ?

Adolphe Dubois est actuellement au chômage, et donc pas en mesure d’avoir un train de vie l’autorisant à dépenser sans compter. D’où cette requête lancée en attendant une hypothétique bouée de sauvetage. « Je suis à la recherche d’un club de gym qui m’accueillerait gracieusement cet hiver pour me remuscler le dos et effectuer du gainage, car je n’ai pas les moyens de payer 30 ou 50 euros par mois. » Du monde sur les rangs ? Prière de contacter l’intéressé à l’adresse suivante : [email protected], ou au 07.71.04.16.59

                                                                                            Michel Poiriault