Chalon sur Saône

Des lettres et des mots parlants pour déclarer sa flamme à Aubépine Lampion

Des lettres et des mots parlants pour déclarer sa flamme à Aubépine Lampion

Aubépine Lampion est cette marionnette à la taille démesurée, confectionnée en osier, qui est née, puis a effectué ses premiers pas début 2014. Elle a poussé ses vagissements dans le quartier des Aubépins, là où les habitants l’ont assistée durant sa vie intra-utérine, puis aidée à devenir grande dans les deux sens du terme. Une paire d’années plus tard elle s’apprête à faire sa réapparition consécutivement au vœu des autochtones. L’on s’affaire autour d’elle en coulisse pour que son retour en grande pompe lors du Quartier de lune des Aubépins (du 6 au 9 avril) soit une complète réussite.

Des mots à déplanter da sa matière grise, puis à façonner

Mais au fait, qu’est Aubépine devenue ? « Elle a pu réemménager. Je crois qu’elle est partie en voyage, car nous n’avons pas de nouvelles d’elle. J’espère qu’elle aura plein de choses à nous raconter », décrit de manière onirique le plasticien Benoît Mousserion de la Compagnie l’Homme Debout, pierre angulaire de ces odyssées aptes à être modulées en fonction des péripéties. Côté organisationnel, ils s’y mettent à plusieurs afin que ce projet participatif estampillé « Lettres à Aubépine » ne souffre d’aucune lacune : l’Abattoir/Centre national des arts de la rue et la Maison de quartier des Aubépins en l’occurrence. Une première session a eu lieu à l’amorce de 2016 à la Maison de quartier, où il s’est agi de dégrossir le sujet avant d’entrer de plain-pied dans l’érection de vocables en osier. Il a fallu d’abord pour les volontaires faire preuve d’imagination et coucher sur le papier des mots qui leur tenaient à cœur, nourrissant de facto une relation épistolaire et fantasmagorique sous forme d’une, ou plusieurs lettres à l’adresse de la marionnette surdimensionnée. Le matin c’étaient les élèves des écoles Jean-Moulin et Romain-Rolland (une classe de C.M. 2 de chaque établissement) qui s’y collaient, tandis que l’après-midi les groupes préalablement inscrits se fondaient dans le décor (personnes handicapées, âgées, lycéens, des adultes apprenant le français…), indépendamment des individualités désireuses d’apporter leur quote-part à l’édifice commun. Car le principe phare des retrouvailles avec Aubépine réside dans le regroupement de gens qui, sans cela, ne se croiseraient pas forcément.

 

Pour l’heure, cinq mots significatifs sont sortis du lot

La perception de la résurrection de l’héroïne s’est fait donc jour dans son microcosme, à charge pour Benoît de présenter ensuite un aspect reluisant du casse-tête collectif. «Je vais piocher les idées les plus intéressantes, les associations de mots, et tenter de faire un long texte entendable le soir du spectacle, comme si Aubépine se baladait dans toutes ses lettres le samedi soir du Quartier de lune. Il n’y aura qu’une représentation, mais des déambulations le jeudi et le vendredi après-midi pour les écoles. » En parfaite complémentarité, la matérialisation des termes retenus puisque symptomatiques de l’état d’esprit en vigueur jouera sa partition. « De tous les écrits on a retiré quelques mots que l’on aime bien, et on les réalise en osier. C’est moins compliqué que pour la fabrication d’Aubépine, qui demandait de la rigueur, là, les enfants peuvent le faire. » Si la création d’une dizaine de mots est souhaitée dans l’idéal, cinq ont d’ores et déjà été sélectionnés : LIBRES – OUI (un préalable d’ouverture) – MIROIR – SOURIRE – MAMAN -   

 

Aiguiser l’aptitude à la songerie

Ce caractère d’accessibilité à la socialisation n’est pas mineur. » Plusieurs familles du quartier ont participé très activement. Elles ne parlent pas beaucoup le français, mais ont envie de s’impliquer et de faire quelque chose. Elles sont tellement adorables, personne ne fait de chichis », s’émerveille Benoît. Dans ces moments hors du cadre habituel la jeunesse triomphante n’a également pas failli à la tâche. «Avec les gamins c’étaient exclusivement des ateliers d’écriture. Ca a consisté à développer leur imagination par ce biais. Au fil des quinze jours on a vu une évolution. Ils se sont prêtés au jeu et ont produit des choses super, grâce aux instits », renchérit le plasticien, lequel a souvenance d’un passé certes révolu, toutefois garni de bienfaits. « En 2014 il y a eu plein d’émotions. En comptant tout le monde, ça donne plus de mille personnes ! Les gens ont projeté un peu de leur histoire. C’est agréable de partager quelque chose d’un peu fantastique et exceptionnel avec des personnes que l’on ne connaît pas obligatoirement, mais qui font partie du même territoire. Il faut y arriver, ce sont des espaces qui aident à se connaître, et nous sommes ainsi plus capables d’apprécier autrui sous l’angle de la compréhension. Derrière Aubépine il y a tout ça, et ça émeut les gens. Le lien est évident.» Benoît Mousserion pousse même plus loin son raisonnement. «Le problème, c’est que politiquement ce n’est pas à l’ordre du jour, ni dans les discours, encore moins dans les actes. On pense aux premiers effets des attentats, mais pas aux seconds effets, car il y a des tensions après entre les différents groupes culturels. Ca me choque. »

 

Membre à part entière de la communauté, Aubépine trônera dans un environnement familier

A l’issue de ses prestations la géante sera fixée pour l’éternité sur la Maison de quartier ; « Il y a des études en cours avec les architectes de la ville. On va se servir du mur du pignon pour mettre Aubépine à demeure. On a des expériences dans d’autres villes. Le lycée Thomas-Dumorey participera, des élèves appliqueront des produits de protection à la marionnette. Elle montera à la fin du spectacle si tout va bien», confie Benoît. Quant aux mots, ils seront installés dans les deux parties du parc des Aubépins nord, accrochés dans les airs, le souhait du coordinateur étant qu’ils y restent un mois, pour que les passants aient le temps de se rendre compte de leur force attractive.

 

Derniers coups de rein fin mars

Le chantier couvrant l’écriture et l’édification des mots reprendra le 22 mars, et s’achèvera le 3 avril, au gymnase de l’école Romain-Rolland, de 14h30 à 20h pour tout un chacun (le matin est destiné aux groupes constitués). Ce sera ouvert le week-end, et fermé le lundi.

                                                                                                     Michel Poiriault