Chalon sur Saône
Rencontre avec Philippe Buquet à l'heure où s'ouvre le 15e festival de danse Instances
Publié le 15 Novembre 2017 à 09h00
Entretien avec le Directeur de l'Espace des Arts, Scène nationale Chalon-sur-Saône qui vit là ses dernières éditions du festival et qui nous dit pourquoi Instances est un rendez-vous à ne pas manquer !
C'est la deuxième et dernière édition "Hors les murs" d'Instances, cela représente-t-il un défi que d'organiser ce festival de danse en dehors du bâtiment de l'Espace des Arts ?
Les défis sont multiples. Il est vrai qu'en termes d'organisation, la 1ère édition "Hors les murs" nous a un peu bousculés et cette deuxième édition en tire les leçons. Bien sûr, le partenariat avec le Conservatoire du Grand Chalon reste fort, et je veux dire que ce n'est pas qu'une simple mise à disposition, c'est un vrai engagement de sa part. Ensemble, notre travail est très fructueux et c'est toute la communauté du spectacle qui en bénéficie, il n'y a aucune concurrence, ni compétition. Vient s'ajouter, cette année, un projet avec La Méandre qui accueillera, elle aussi, quelques spectacles de danse. Pour faciliter les déplacements, nous avons choisi que chaque soirée, 4 au total soit 2 séquences de 2 jours, soit organisée dans un même lieu. Instances est un défi en soi, un pari assez audacieux ! C'est un temps fort Danse contemporaine qui propose des formes ouvertes ou déroutantes. Nous sommes un théâtre et un territoire tournés vers la modernité. Instances s'inscrit pleinement dans cette démarche. C'est également un temps de découvertes qui s'adresse à tous les publics, où se côtoient des formes audacieuses et uniques comme La Mort et l'extase de Tatiana Julien et des formes plus ouvertes comme Oscyl, coproduction Espace des Arts, des chorégraphes Héla Fattoumi et Éric Lamoureux.
À propos de Tatiana Julien, artiste associée depuis 2014, l'Espace des Arts a une affection particulière pour cette jeune chorégraphe de 26 ans...
Et c'est réciproque ! L'Espace des Arts et Chalon-sur-Saône comptent dans la carrière de Tatiana. Nous croyons au talent des artistes que nous accompagnons, dans ce sens, il est tout naturel d'avoir à leur endroit une affection particulière. C'est vrai pour Tatiana Julien, comme c'est vrai pour Mathilde Delahaye, Maëlle Poesy et Pauline Bureau, entre autres, qui se sont épanouies au travers de cet accompagnement de 3 à 5 ans. Toutes bénéficient aujourd'hui d'une reconnaissance nationale. Tatiana Julien qui est, aujourd'hui, présente à Chaillot, aborde les grands rendez-vous nationaux avec beaucoup de maturité. Mais on ne la lâche pas parce qu'il faut du temps pour mettre en place tout cela. Nous sommes très attentifs à ce que cela ne soit pas un one shot. Aussi, nous ne sommes pas seulement focalisés sur la jeunesse ; pour exemple, nous accompagnons Claire Devers qui a fait une carrière de réalisatrice et qui se tourne vers le théâtre avec une remarquable création, Bluebird, qui sera présentée en janvier à l'Espace des Arts, avec le comédien Philippe Torreton.
Burkina Faso, Congo, Afrique du Sud, l'Afrique est bien représentée, pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ?
Ce point fort Danse est aussi un temps d'ouverture sur le monde. Si l'Afrique a toujours été représentée dans les éditions successives, cette année elle est très présente avec 3 spectacles. On pense que ce continent, dont certains pays souffrent de pauvreté intense, subit la guerre qu'elle soit larvée ou non, se désintéresse de la culture, mais on a là des artistes pour lesquels la danse est une nécessité vitale et synonyme d'espoir. En Occident, se pose la question de ce qui nous impulse et l'Afrique est un rappel à l'ordre. Elle n'a pas d'état d'âme parce que la danse est un élément central qui n'est pas à part du monde. C'est une nécessité vitale. En France, foyer fort de créations, on a la chance de montrer l'exemple en aidant la danse à s'affirmer. Chalon-sur-Saône, 1ère scène pour la danse en Bourgogne-Franche-Comté, est appréciée et nous distingue. Elle réunit un public de connaisseurs et de curieux. L'une des lignes que l'on développe - l'enjeu d'Instances - c'est affirmer que dans un territoire rural post-industriel, nous pouvons avoir une politique culturelle forte. C'est important de venir voir les spectacles proposés. On y fait des découvertes. Ce sont des mirages et des miracles de danse, des curiosités très jolies. On y rencontre des personnes qui nous racontent leur ailleurs.
Le programme présente une 1ère en France, une coproduction, une création, c'est aussi cela Instances ?
Oui, c'est important que le festival Instances propose de la nouveauté. La presse nationale et les professionnels qui se déplacent sur cet événement font écho à ce travail. C'est une rencontre qui capte des personnalités parce qu'elles savent qu'elles verront ces spectacles en premier. C'est aussi une dynamique de soutien aux Compagnies, une politique artistique ; ce n'est jamais qu'un programme même s'il est bon et je veux dire qu'Instances n'est pas facile à programmer. C'est certes un travail d'équipe mais un travail de recherche intense, des endroits de découvertes à explorer et cela nous oblige à ne pas rester sur nos acquis. Vous l'aurez compris, Instances est très important dans la politique culturelle globale de l'Espace des Arts, qui a trouvé sa place aussi bien dans le territoire que dans la grande région et au niveau national. Instances est un temps de curiosité ouvert à tous ; d'ailleurs, des tarifs spéciaux sont pratiqués pour favoriser cette accessibilité qui invite la proximité entre le public et les artistes. Les rendez-vous programmés dans le cadre de ce festival se retrouveront ensuite dans les plus grands théâtres !
En 2018, le festival, dont ce sera la 16e édition, regagnera ses pénates, que peut-on lui souhaiter ?
À chaque fois que l'on fabrique Instances, c'est un pari - un pari que l'on espère tenu. La particularité de cet événement, c'est de produire de l'émerveillement, de susciter la surprise car comme je l'ai dit, c'est un temps de découverte où l'on a à coup sûr des révélations, des coups de coeur, et où l'on est parfois bousculé aussi par des formes plus déroutantes. Lorsque le festival regagnera le bâtiment de l'Espace des Arts, après la phase de travaux, nous retrouverons là-bas ces petits miracles qui révèlent des figures de spectacles. C'est aussi une grande fierté que, grâce à l'EDA*, le Théâtre du Port Nord reste après nous pour accueillir des manifestations culturelles et associatives. Lorsque tout sera bien installé, dans 2 ou 3 ans, je rendrai les clefs de la maison avec le sentiment d'avoir vécu une formidable aventure et de laisser derrière moi un magnifique équipement de diffusion, de médiation et de création. Enfin, je veux redire que la danse est programmée toute l'année. Après Instances, "EDA Chalon Battle, Challenge hip-hop" va inaugurer Let's Dance. Nous sommes très attachés à ce que l'on ne soit pas coupé des "quartiers". Nous voulons capter ce public afin qu'il se sente chez lui. Nous ne devons pas négliger les cultures urbaines qui sont également de forts foyers de création et nous mettrons en place des rendez-vous réguliers qui constituent un autre type de propositions - une diversité des propositions - Instances rentre dans cette diversité et est cette diversité.
Propos recueillis par SBR - Photo transmise par Communication, Espace des Arts, Scène nationale Chalon-sur-Saône - Crédit photo : Julien Piffaut
* Espace des Arts
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