Chalon sur Saône

TRIBUNAL DE CHALON - Mobilisation des avocats chalonnais contre la nouvelle loi

TRIBUNAL DE CHALON - Mobilisation des avocats chalonnais contre la nouvelle loi

« Ça ne sert à rien », entend-on ici et là dans le hall du TGI de Chalon-sur-Saône. Entendez : « ça ne sert à rien car le projet de loi va passer ». Pourquoi protester encore, alors ? « Par principe, pour assurer jusqu’au bout notre position de défense d’une justice la plus équitable possible, la plus sensée possible aussi », nous dit un avocat.

Ce matin le barreau de Chalon s’est réuni, suspendant les audiences pendant quelques minutes, pour réaffirmer son opposition à un projet de loi qui « va limiter l’accès au juge », entre autres. Une loi qui ôtera encore un peu de chair à une carcasse déjà bien déplumée.
Pour mémoire, un des députes du ressort a procédé il y a quelques mois à des auditions des corps de métiers du judiciaire. Raphaël Gauvain a donc écouté juges et greffiers dont les critiques, fortes, rejoignent souvent celles que les avocats soulèvent. Un exemple parmi d’autres : la pension alimentaire en cas de divorce. « Les montants des pensions alimentaires seront arbitrés par le directeur de la CAF, reprend ce matin madame le bâtonnier, maître Agnès Ravat-Sandre. Outre son statut, au sein d’une organisation de droit privé assurant la délégation d’une mission de service public, il ramènera la question ‘pension alimentaire’ à une question purement arithmétique alors que nous savons bien qu’elle cristallise bien d’autres enjeux. C’est souvent l’arbre qui cache la forêt. » Un des juges en fonction aux affaires familiales disait la même chose en mai dernier : « « je suis un peu inquiet. Il y a de vrais enjeux. La pension alimentaire n’est jamais le seul problème, jamais, donc les gens saisiront le JAF. On ne s’y retrouvera pas en termes de volume »*.
Autre exemple : le tribunal criminel départemental, qui sera expérimenté, on ne sait où encore. Il s’agira d’y juger les crimes aux peines encourues inférieures ou égales à 20 ans de réclusion, seraient réservées aux cours d’assises les crimes aux peines supérieures à 20 ans. Jusqu’ici, pourquoi pas. Mais le projet de loi prévoit de faire siéger 5 magistrats professionnels : « on les prendra où ? demande madame le bâtonnier. Alors qu’on en manque ? » Le problème des sous effectifs des magistrats et des greffiers est crucial mais les solutions imaginées tendent plutôt à passer outre en imaginant d’autres circuits, d’autres façons de faire.
 Or les professionnels du droit ici ont tous tâché de faire preuve de discernement, de faire la part des choses, mais la conclusion est unanime (on a quand même vu des journées « justice morte » un peu partout, et ça n’est pas rien) : ça n’ira pas. D’une part parce que même les « circuits courts », à supposer que les justiciables s’y retrouvent, ne sauront compenser le manque de personnel (circuit court ou pas, le greffe aura du travail à faire), d’autre part parce que ce projet s’en prend aux principes fondateurs de cette grande institution, si décriée, si mal connue, si essentielle. Or ses principes fondateurs sont fondateurs pour tous, tous les citoyens, pas seulement pour elle-même : le projet de loi tel qu’il est conçu s’en prend aux fondations, et c’est bien ce qui a mobilisé tout le monde, « sans corporatisme », rappelait au printemps une juge.
Le barreau de Chalon-sur-Saône s’associe au mouvement national de ce jeudi 15 novembre. Partout on dénonce des « opérations de com’ » du gouvernement qui évite ainsi d’exposer clairement quelle représentation de la justice il veut promouvoir, qui n’est pas celle qui existe encore (le souci central est là, en dépit de quelques aménagements qui auraient pu être les bienvenus) et qui monte contre elle tous les corps de métiers, dans un milieu qui n’est pas réputé pour être un repaire de gauchos. De quoi s’interroger.

Florence Saint-Arroman

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