Chalon sur Saône

A Chalon sur Saône, c'est parti pour une grève perlée pour les avocats

A Chalon sur Saône, c'est parti pour une grève perlée pour les avocats

Demain, vendredi 14 février : journée justice morte pour l’ensemble des avocats du pays. Puis les activités judiciaires reprennent dès samedi pour les avocats du barreau de Chalon-sur-Saône, qui ont voté une grève d’un jour par semaine, aujourd’hui.

« Le calendrier parlementaire relatif à l’examen du projet de réforme des retraites, auquel nous nous opposons, va jusqu’en juillet prochain, nous ne pouvons pas ne pas travailler jusque-là, aussi avons-nous décidé, à l’issue d’une assemblée générale tenue ce lundi 13 février, de maintenir une grève perlée sans délai, sauf changement significatif en accord avec nos demandes » explique Jean-Luc Seriot, bâtonnier, au nom de l’ensemble des avocats du barreau de Chalon-sur-Saône.

Ce mercredi 12, des membres (une centaine) de la conférence des bâtonniers se sont rendus à l’Assemblée nationale où les travaux sur le projet de réforme déposé par le gouvernement ont commencé. A noter que la commission spéciale qui planchait sur les textes a interrompu son travail dès mardi dernier car le délai de 15 jours qu’on lui avait octroyé était impossible à tenir : cela entraîne que le projet reviendra à partir du 17 février devant l’Assemblée, dans son état d’origine, et jusqu’au 2 mars. Le but du gouvernement est d’obtenir un premier vote avant le premier tour des élections municipales. Puis le projet part au Sénat, reviendra ensuite à l’AN, ce circuit mène tout le monde au 6 juillet, date à laquelle le gouvernement souhaite avoir un vote définitif.

« Une grève dure est inenvisageable pour nous jusque-là, nous devions trouver un mode d’action qui ait un impact, tout en nous permettant de travailler : la grève ainsi organisée est une grève illimitée » nous dit le bâtonnier de Chalon-sur-Saône, qui rapporte que des députés sont scandalisés par le rythme du calendrier qui leur est imposé, ainsi que par l’interruption du travail de la commission dédiée à ce projet.

Ce lundi, le Conseil national des barreaux a adressé une lettre ouverte à Nicole Belloubet, garde des Sceaux, ainsi qu’à Laurent Pietraszewski, secrétaire d’Etat chargé des retraites. « L’avocat, dans notre République démocratique, est indépendant. Il exerce au sein d’un Ordre lui aussi indépendant. Les avocats ne prennent de consigne nulle part ailleurs que dans leur conscience, guidée par l’intérêt général. Le gouvernement, dont vous faites partie, porte seul la responsabilité de ce mouvement de grève, et c’est donc à lui de trouver les solutions pour en sortir aujourd’hui, en suspendant, ou mieux, en retirant son projet de désintégration de notre régime autonome de retraite. »

Le courrier s’achève sur la question des conséquences de cette grève : « Vous ne pouvez pas désigner les avocats comme responsables de la dégradation du service public de la justice. Grève ou pas grève, la justice est au bord de l’implosion. Vos récentes réformes ne sont pas étrangères à cet état historiquement alarmant. Notre système judiciaire tient aujourd’hui grâce au dévouement et à la conscience citoyenne et professionnelle des magistrats, des greffiers et des avocats, trois professions à bout de souffle. »*

Florence Saint-Arroman

* La journaliste judiciaire Olivia Dufour a publié en 2018 un livre intitulé « Justice, une faillite française ? » dont voici la 4ede couverture : « Au pays des droits de l'homme, la justice est épuisée. Personnel insuffisant, factures impayées, système informatique indigent, délais de procédure qui s'allongent, stocks de dossiers qui s'accumulent... Tandis que les justiciables la sollicitent de plus en plus, l'institution judiciaire au bord de la rupture ne cesse de crier au secours dans l'indifférence générale. Quant aux établissements pénitentiaires (1), ils sont dans un état que le Comité européen pour la prévention de la torture s'en est ému. Comment un pays comme la France peut-il tolérer une telle situation depuis des décennies ? Est-ce uniquement une question de crédits ou existe-t-il des raisons plus complexes ? Ce livre recueille le témoignage de juges, d'avocats et de greffiers pour mesurer l'étendue du désastre et tenter d'en identifier les causes. (…) Les politiques ont-ils à ce point peur des juges qu'ils les maintiennent volontairement dans l'indigence comme on le prétend ? Ou bien faut-il aller chercher ailleurs les raisons de cette situation ? D'anciens gardes des Sceaux ont accepté de lever le voile sur le fonctionnement de la Chancellerie et livrent leur analyse sur la manière dont on peut sauver la justice française. Contrainte par la pauvreté à renoncer aux principes qui fondent l'Etat de droit, elle est en train de perdre son âme. Il y a urgence. »

(1) La cour européenne des droits de l’homme (CEDH) vient de condamner la France pour l’état de ses prisons https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/01/30/surpopulation-dans-les-prisons-la-france-condamnee-par-la-cour-europeenne-des-droits-de-l-homme_6027767_3224.html