Chalon sur Saône

Expulsée du foyer Adoma, une famille macédonienne vit dans la rue à Chalon-sur-Saône

Expulsée du foyer Adoma, une famille macédonienne vit dans la rue à Chalon-sur-Saône

Sur injonction du préfet de Saône-et-Loire, une famille originaire de Macédoine du Nord qui résidait au sein du foyer Adoma de Chalon-sur-Saône, a été expulsées de leur logement en début de semaine. Suite à cette expulsion, la famille est dans la rue. Plus de détails avec Info Chalon.

Alerté par des habitants des Aubépins, inquiets sur le sort, Info Chalon est allé à la rencontre des Emin, une famille de Roms, originaire de Macédoine du Nord (ex-ARYM*), qui vit et dort dans la rue depuis 4 jours.


«C'est inadmissible que des gens et des enfants se retrouvent à la rue!», gronde une habitante du quartier, «inquiète sur leur sort».


Arrivés en France en 2013, les Emin sont 6. Naser, sa femme et leurs 4 enfants, 1 fille de 10 ans et 3 garçons dont le petit dernier, âgé de 5 ans, qui est né en France et le cadet, Arif, âgé de 15 ans. Scolarisé à l'ULIS-école de Châtenoy-le-Royal, ce dernier a un taux d'handicap de 80%.


N'ayant ni cartes de séjour ou pièces d'identité, les parents n'ont pu obtebnir de promesse d'emploi.


Or, conformément à la circulaire du 28 novembre 2012 (dite circulaire Valls), une des conditions en vue d'une régularisation des ressortissants étrangers en situation irrégulière impose un contrat de travail ou une promesse d'embauche.


Le 1er juillet, la préfecture de Saône-et-Loire notifiait aux Emin leur expulsion du foyer Adoma de Chalon-sur-Saône dans lequel ils logeaient.


«Nous ne demandons que ça de travailler! Donnez-nous notre chance, nous voulons nous intégrer», s'exclame le père de famille, dans un français parfois approximatif.


C'est Mahmud, son fils aîné de 17 ans, qui se charge de traduire la plupart de nos questions en romani**.


«Nous respectons la décision du préfet mais c'est douloureux pour nous. Notre situation est plus que précaire. Nous vivons en France depuis 7 ans, nos enfants sont scolarisés ici et nous ne causons aucun problème à quiconque. Nous préférons mourir en France que de retourner en Macédoine (du Nord)c'est comme aller en enfer!», rajoute Naser, pour qui l'idée de retourner «là-bas» est impensable.


Le père de famille nous explique qu'ils vivent près de la voie ferrée, en bordure du quartier des Aubépins, depuis maintenant 4 jours. Lorsqu'il pleut, ils se réfugient sous un abribus. Pour faire leur besoin, ils se rendent dans les grandes surfaces. Depuis leur expulsion du foyer Adoma, ils n'ont pas pu prendre une douche. Ils font sécher leurs vêtements sur des branches d'arbres. Leur nourriture provient des dons que leur font des riverains solidaires et émus par leurs conditions de vie. Ils dorment sur un grand tapis entouré des quelques effets personnels contenus dans un caddie et des sacs plastiques et deux tabourets de bar en guise de mobilier.


Pour ne rien arranger, sa femme, qui souffre d'une sciatique, a très mal au dos.


Naser Emin nous explique qu'un retour dans cette république des Balkans, enclavée entre la Bulgarie, la Grèce, l'Albanie, le Kosovo et la Serbie, aboutirait à une dégradation rapide de leurs conditions de vie voire à une mise en danger de sa famille surtout avec un jeune porteur de handicap.


«Mon petit qui est né en France n'a jamais connu la Macédoine. Il ne parle pas le macédonien, tout juste quelques mots dans notre langue. Nous avions fait le choix de lui parler parler français car son avenir est ici. Là-bas, nous n'aurons pas d'emploi ni un toit», précise Naser.


Bien qu'officiellement, la Macédoine du Nord fait figure d'exemple dans les Balkans, les autorités locales faisant montre d'une certaine volonté d'intégration de cette communauté à la société et travaillent à l'amélioration de leurs conditions de vie ***, les Roms n'en restent pas moins des citoyens de seconde zone du point de vue économique et social.


La plupart vivent généralement dans des conditions difficiles, sans emploi ni accès aux produits de première nécessité.


On comprend mieux les vives inquiétudes de la famille.


Surtout que le fils aîné, Mahmud, qui a été accepté en CAP mécanique et qui était en 3ème prépa-métier à Camille du Gast, a obtenu son brevet avec la mention «Bien». Ne ménageant pas ses efforts d'intégration, le jeune homme a été félicité à maintes reprises notamment pour son investissement dans la vie scolaire.


Voici une belle preuve, s'il en faut, de la volonté d'intégration!


Pendant 7 ans, les Emin ont multiplié les démarches en vue d'une régularisation, notamment auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) ou de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA).


Après une enième tentative sollicitation auprès de la préfecture de Saône-et-Loire, à Mâcon, la famille a reçu en guise de réponse une OQTF**** et une expulsion du foyer Adoma.


En attendant une solution, cette nuit encore, les Emin vont dormir près de la voie ferrée.

 

* Ancienne République Yougoslave de Macédoine.
** Langue indo-aryenne, originaire du nord de l’Inde, le romani (rromani ou rromanès) est la langue parlée par les groupes composant le peuple Rom. Il existe 17 dialectes différents mais les locuteurs de chacune des variantes peuvent se comprendre entre eux. Le nombre de locuteurs est difficile à déterminer, mais le romani est probablement parlé par 3 ou 4 millions de personnes dans presque tous les pays d'Europe, ce qui en fait la langue d'Europe la plus diffusée.
*** Ce pays compte enfin un grand nombre d'ONG dédiées à l'amélioration du sort des Roms.
**** Obligation de quitter le territoire français.

 


Karim Bouakline-Venegas Al Gharnati