Faits divers

TRIBUNAL CHALON - Apologie publique d'un acte de terrorisme : "Moi je voulais juste faire une guerre, et je ne pouvais pas m'engager"

TRIBUNAL CHALON - Apologie publique d'un acte de terrorisme : "Moi je voulais juste faire une guerre, et je ne pouvais pas m'engager"

"Je voulais avoir une arme. Je me sens inutile. J'ai aucun but dans ma vie de tous les jours, j'arrive pas à trouver un sens. Je voulais faire parler de moi. J'avais pour ambition de m'engager dans l'armée mais ce n'est pas possible, à cause d'un problème auditif, alors je m'étais dit que dans le djihâd, j'aurais une arme à la main. Moi, je veux juste faire une guerre, et je ne pouvais pas, je voulais juste servir à quelque chose. Je regrette énormément."


Devant la Chambre des comparutions immédiates, Kevin (prénom changé), 20 ans. Visage poupin, corps trapu, boule à ras, un jean, un polo noir, des chaussures à bouts pointus, un sac à dos motif treillis et une jeunesse isolée, qui comble sa grande solitude avec des jeux de guerre et de combats, qui finit par s'identifier à certains personnages et qui part en orbite dans des fantasmes, sans limites et hors sol, par définition. Il est poursuivi pour apologie publique d'un acte de terrorisme.

"J'en avais marre d'être seul", répète le jeune homme. Le 7 juin dernier il poste sur son compte Facebook une photo de 3 hommes encagoulés, kalach pointées vers le ciel, devant un coucher de soleil, et titre le cliché "Vive le djihâd !".

"Il est seul, reprendra Maître Jérôme Duquennoy pour sa défense, et là, on lui parle. On lui dit qu'il est fou, qu'il faut arrêter, mais on lui parle."

La présidente lit quelques échanges :

"Reprends tes esprits.

-J'en ai juste trop marre de cette vie. Je vais partir en Syrie, j'ai déjà acheté mon billet.

-Tu es malade, réveille-toi !

-Non, je vais bien."

Un des interlocuteurs imprime la page, fait un signalement. Branle bas de combat aux parquets de Dijon, et de Chalon, et dans les gendarmeries : le jour même Kevin est en garde à vue.

Entre le 6 et le 7 juin il avait échangé des SMS avec sa petite amie, lui disant qu'il irait en Syrie, qu'il aurait "une kalach", qu'il crierait "Allah akbar", qu'un ami à lui est mort là-bas, que "les frères" lui ont envoyé une vidéo où il se fait "exploser", qu'il en a "marre".

C'est marre : l'instruction le secoue sur les éléments de réalité. "Vous ne vous êtes pas trouvé de héros positifs ?", "votre mère a élevé un fils dont l'ambition est de tuer des gens ?", "il y a un an il s'est mis à fumer des joints pour faire le malin".

Addiction aux jeux vidéos, confusion réel/virtuel, pas d'échanges avec son entourage à ce sujet, et, en audition : "J'ai expliqué aux gendarmes qu'une fois là-bas, on me donnerait une arme et que j'irai au combat. Mais je ne voulais pas partir, ce n'était pas vrai."

Contre qui ? Pourquoi ? Quelle guerre exactement ? Il ne sait pas, ce n'est pas l'objet de ses ruminations. Il voulait juste "être utile" (à qui ? à quoi ?), il voulait surtout "se faire remarquer".


Toujours lors d'une audition : "Depuis 4 à 5 mois je suis attiré par Daesh et le terrorisme. J'aime les armes et c'est un phénomène de mode."

La présidente : "Les attentats, c'est un phénomène de mode ?

-Non, pas du tout, c'est de la barbarie, je voulais juste faire parler de moi. "


"Vous êtes très influençable, insiste la procureur, vous êtes capable de faire n'importe quoi pour vous faire des amis. Que sera la prochaine étape ? Passer à l'acte avec une carabine, un fusil de chasse ? Vous avez regardé des photos de décapitations, vous employez un vocabulaire précis, vous n'avez "pas respecté Allah", dites-vous ? Cette blague a mobilisé quantité de personnes qui ont mieux à faire."

Le parquet requiert 9 mois de prison avec sursis assortis d'un suivi mise à l'épreuve de 2 ans.


"Vu la gravité des faits et un profil psychologique inquiétant", le tribunal va au-delà des réquisitions et condamne ce jeune homme en noyade dans ses fantasmes à 12 mois de prison, dont 9 avec sursis assortis d'un suivi mise à l'épreuve de 2 ans, avec exécution provisoire. Les 3 mois de prison ferme pourront être aménagés. Le tribunal insiste : si Kevin ne se rend pas à la convocation du juge d'application des peines, il serait incarcéré. S'il commettait une nouvelle infraction dans les 5 ans à venir, les 9 mois de sursis pourraient être révoqués. "On est dans du concret, de la réalité effective. Vous avez une obligation de soins : voir la psychologue ne suffira pas, il faudra voir un psychiatre et prendre rendez-vous dans un centre d'addictologie pour guérir des jeux vidéos. Vous avez l'interdiction de détenir et de porter une arme."

 


FSA


Kevin est relaxé de la prévention d'apologie du terrorisme par SMS, le tribunal considérant que le caractère public n'est pas constitué.