Faits divers

TRIBUNAL DE CHALON - 9e comparution pour un Bressan habitué aux délits routiers

TRIBUNAL DE CHALON - 9e comparution pour un Bressan habitué aux délits routiers

Les prévenus rentrent tous à leur façon dans le box, certains cherchent du regard leurs proches, d’autres jouent la fronde, d’autres encore jouent les blasés. Lui n’a aucune arrogance, aucune morgue, et ne cherche aucun regard. Tête baissée, l’air doux, Omar, né au Niger il y a 34 ans, est pourtant une sorte d’habitué, c’est sa 9e comparution, en tous cas sur le papier, car dans son esprit les choses semblent enfin s’organiser différemment.

Ce jeudi, jour de comparutions immédiates, Omar sort de garde à vue, on l’y a placé la veille. Les faits remontent à une semaine. Le 17 août, les gendarmes sont en service de contrôles sur des routes de campagne et stoppent Omar qui est au volant alors que son permis a été annulé en 2014. Il est en outre alcoolisé dès le matin, il a déjà été condamné pour cela.

Omar, sa compagne (depuis 10 ans) et leur enfant, vivent dans un bled perdu en Bresse, aux confins de la juridiction. Omar travaille, et reconnaît prendre régulièrement la voiture. Pas de transports en commun, co-voiturage contraignant sur les horaires, bref. Un suivi mise à l’épreuve en cours l’oblige à des soins, et on croit comprendre que cela commence à porter des fruits, en terme d’élaboration :
« J’ai mal priorisé les soucis. On avait des difficultés, j’ai pensé qu’il fallait d’abord rentrer de l’argent. Mais quand je vais au travail, je ne suis pas alcoolisé. Ce qui m’arrive là me fait réfléchir autrement à mon problème. Je suis suivi par une association à Louhans, on m’a donné une méthode pour contenir les quantités d’alcool, mais quand ma femme est en vacances, je ne contrôle plus, cependant je n’ai pas une consommation qui cherche l’ivresse. »

Pour Omar, il y a « un avant » et « un après ». « Avant », c’était sa vie en région parisienne. 1ere condamnation en 2010 : « C’est mon passé, j’ai laissé ça derrière moi. »

Pour le tribunal, le temps, et surtout son casier, sont linéaires : « C’est pourtant votre présent, monsieur. »
Pour la procureur, c’est pire que ça : « C’est la 9e fois qu’on le voit, et toujours pour la même chose, des délits routiers, et malgré le danger qu’il représente pour les autres. La justice, notre justice, n’a jamais mis monsieur X là où il doit aller, c’est-à-dire en prison. »

Le réquisitoire est long, comme si, en tous points, il fallait opposer au prévenu une contre-position. Là où il dit commencer à penser les choses, à les structurer dans son esprit, on lui renvoie une autoroute, une ligne droite. Là où il parle d’anxiété, d’angoisse, de stress, on lui répond « deuil, morts, blessés, traumatisés ». Bien sûr on n’est pas sur le même plan et c’est normal, le tribunal n’est pas un lieu de thérapie (il impose toutefois des soins à tour de bras) mais l’écart entre les niveaux de discours est très frappant ici.

« Cela ne peut passer que par de l’emprisonnement ferme et un mandat de dépôt, développe madame la vice-procureur Saenz-Cobo. Son casier n’est pas lisible, il n’y a pas de pédagogie dans ce casier judiciaire, il n’a aucun sens. ( …) La route est un espace partagé, la justice est aussi là pour protéger l’espace public. Aussi je me fiche des beaux discours de monsieur, je me fiche qu’il ait un emploi, je me fiche que sa femme reste avec le petit, parce que si des victimes étaient là, ça leur ferait une belle jambe de savoir que c’est parce que c’était lourd pour sa femme de faire les trajets. Aujourd’hui il faut payer l’addition de tout ce qu’on n’a pas fait, aujourd’hui c’est 1 an avec mandat de dépôt, et interdiction de conduire tout véhicule pendant 2 ans. »

 

Maître Jérôme Duquennoy rappelle l’obligation de travail à laquelle son client est soumis, et à laquelle il souscrit, alors même que son lieu de vie et l’annulation de son permis rendent la situation cornélienne. Et l’avocat insiste : le cadre de soin est opératoire mais insuffisant (comme souvent).  A ce stade du cheminement d’Omar, « toute peine de détention aurait un effet pervers. »

Omar ne répète qu’une chose au tribunal : « J’ai mal placé les choses, je les ai mises dans le désordre. »

La comparution immédiate, « procédure énergique », selon le ministère, « procédure scélérate » selon l’avocat pénaliste Bruno Nicolle, va accomplir son être : Omar est incarcéré immédiatement, pour 5 mois. Il paiera 200 euros d’amende, et poursuivra ses suivis dans le cadre de la mise à l’épreuve.

« Pensez-vous avoir besoin de voir un médecin en urgence ?

- Oui.

- Pourquoi ?

- Pour comprendre ce qui m’arrive et pour ce qui relève de l’angoisse, du stress, de l’anxiété. »

 

FSA