Faits divers

TRIBUNAL DE CHALON - Le braquage du tabac de Montret devant la barre

TRIBUNAL DE CHALON - Le braquage du tabac de Montret devant la barre

Accablante audience de comparution immédiate ou plutôt accablants prévenus : deux minots de 18 ans auteurs d’un braquage pendant l’été. Un bureau de tabac à Montret, qui était encore ouvert à 18h46 le 26 août dernier, et tenu « par une femme seule », « c’est plus facile ». Le butin : 569 euros et 15 paquets de cigarettes. Pourquoi ? Pour une dette de stups, de 320 euros disent-ils.

Naturellement on ne sait pas si ce qu’ils disent est vrai, on se contente de le rapporter. « Ces deux-là » comme les désigneront leurs avocates, sont aussi différents physiquement que fusionnels dans leur amitié. « Ils ne font quasiment qu’un » dira Maître Trajkovski. Etaient-ils à la même soirée d’été lorsqu’ils ont tâté de la cocaïne, puis gardé tous deux le nez dans la farine ? Ce qu’on pensait être encore une goutte de lait qui leur pendrait du nez, à les voir, c’est donc de la drogue dure.
Ils carburent plus ou moins au cannabis depuis quelques années, ils ont tous deux entamé des CAP qu’ils n’ont pas menés à bien, ils disent avoir arrêté de se droguer depuis quelques semaines, ils n’ont qu’une mention à leur casier, pour des faits commis ensemble : le 8 décembre 2016, « remise à parents pour vol avec effraction ». Il y a rarement de la fumée sans feu. Ils vivent toujours chez leurs parents respectifs, lesquels sont dans la salle, accablés, en colère, douloureux, inquiets.

Le 26 août dernier, les minots ont décidé d’aller voler l’argent pour régler leur dette. Ils prospectent, ils tournent dans la campagne autour de Louhans, éliminent certains lieux, soit tenus par des costauds, soit trop proches de regards extérieurs, et ils se fixent sur un bureau de tabac à Montret. Ils choisissent des tenues particulières, se dissimulent le visage, l’un prend un couteau, l’autre une bombe lacrymogène, ils mettent leurs téléphones hors tension, et ils se dopent d’un peu de cocaïne. Sans drogue ils n’auraient pas pu, parce que « ça fait peur, de braquer ».

Il se trouve que ça fait peur aussi aux victimes. Madame R., gérante du tabac, s’avance à la barre, brassée « de les voir si jeunes ». Le 26 août elle n’a vu qu’un casque de moto et un grand bonnet, elle a aussi vu un couteau braqué sur elle, elle a vidé sa caisse tout en leur disant que d’aller gagner sa croûte soi-même, c’est mieux. Sur le coup elle a bien fait face, ce n’est qu’en audition qu’elle réalise, « heureusement que ma fille n’était pas là ». Depuis elle a modifié une foule de pratiques : elle se ferme à clé lorsqu’elle installe sa presse ou lorsqu’elle nettoie sa boutique. Elle a modifié ses horaires d’ouverture, elle a aussi acheté une bombe lacrymogène. Elle a évalué les préjudices, car l’extraction de la vidéo pour les besoins de l’enquête lui a coûté 300 euros, les heures de fermeture imposées par les démarches administratives se chiffrent aussi en perte de gain, les fermetures les samedis après-midi en attendant que les douanes entérinent ses changements d’horaire (la vente de tabac est strictement encadrée) aussi. Elle n’est pas vindicative, elle est droite,  et accablée de découvrir deux minots qui s’étaient shootés, et qui ont trouvé le moyen de rester « très polis », tout en la pointant.

Les apprentis majeurs ont fui dans une Fiat Punto verte, avec le A réglementaire de jeune conducteur sur la vitre arrière. Les gendarmes ont extrait toutes les Fiat Punto verte du fichier des immatriculations, puis ils ont réduit la voilure jusqu’à ne conserver qu’une petite poignée de véhicules possibles, dont le bon. Puis au fil des semaines, de recoupements en recoupements, ils finissent par confondre Zig et Puce : ces deux-là sont contrôlés le 28 septembre pour avoir pénétré ensemble dans une cave. Les enquêteurs font pot commun de leurs infos, et l’affaire est résolue.

Les jeunes prévenus regrettent. Ils veulent indemniser la victime et « sortir de la drogue », se « remotiver » pour aller travailler. « C’est pas être un homme que de s’en prendre à une femme ».  Ils regrettent, mais finalement continuaient leurs larcins ou tentatives de larcins, et le parquet ne va pas les rater car « pour la loi, un braquage c’est tout vol avec usage d’une arme, et c’est passible des Assises ». « C’est pas des pros, mais ce sont des gens qui font des dégâts dans la vie des autres, sciemment, pour une dette de stups, et qui pensaient recommencer, ils faisaient de nouveaux repérages. » Aline Saenz-Cobo, substitut du procureur, requiert 4 ans de prison avec maintien en détention dont 2 ans assortis d’un sursis mis à l’épreuve.

Maître Bernard et maître Trajkovski plaident leur jeunesse, leur immaturité, leur passage cocaïnomane, « sans l’emprise de la drogue, il n’y aurait jamais eu ce vol ». Elles plaident un casier quasi vierge, leur peur, et la possibilité pour l’un comme pour l’autre de changer le cours de leurs vies, ils n’ont que 18 ans, leurs familles sont dans la salle.

Le tribunal condamne le tandem à 4 ans de prison dont 18 mois assortis d’un sursis mis à l’épreuve, comportant obligation de soins, de travailler, d’indemniser la victime, interdiction de porter une arme, et de paraître à Montret.
18 ans, 2 ans ½ de détention, et 8000 euros à payer solidairement à la victime pour les préjudices matériels et moraux. Pour une dette de 500 euros, pour de la cocaïne goûtée en soirée, pour des faits de petites délinquances qui ont ftourné au braquage.

FSA