Faits divers

TRIBUNAL DE CHALON - Elle avait été prise en charge par un automobiliste sur une petite route de Bresse...

TRIBUNAL DE CHALON - Elle avait été prise en charge par un automobiliste sur une petite route de Bresse...

Malaise diffus, sensation désagréable partagée par ceux qui assistent à la comparution de F. X., 47 ans devant une juge unique, mais avec un mode de convocation ultra-rapide pour violences et menaces de mort sur sa compagne. La victime est venue ce jeudi 30 novembre préciser à la barre qu’il n’y a pas eu de menaces de mort parce que « il ne l’a dit qu’une fois (il faut une répétition pour caractériser l’infraction, ndla), et puis les coups, en fait, c’était une seule claque, le reste c’était des propos dénigrants ».

Quel chemin parcouru depuis ce matin du 1er novembre où une automobiliste la récupère à Saint-Etienne en Bresse où elle vit, chez elle mais avec lui, courant le long de la route, en pantoufles, complètement terrorisée, et réclamant instamment d’aller à la gendarmerie ! Quel revirement, même. La présidente Catala en a vu d’autres, et se contente de lire, sur le ton monocorde qui est le sien en audience : « ‘Pauvre fille, va faire des pipes ! T’es qu’une pute. Cours, sale pute, sauve-toi, je vais te péter, cramer ta voiture.’ ‘Je vais te péter’, ce n’est pas une menace de mort, ça ? – Non, non, je courais, j’ai pu mal entendre. » Elle est aussi grignette qu’il est grand. 

La victime ne veut pas se constituer partie civile. « Vous demandez protection ? – Non. – Vous n’avez pas peur de lui ? – Non. » Pourtant, le 1er novembre, elle se réveillait tout juste d’un anormalement long sommeil, lié à la plaquette de Xanax qu’elle avait absorbée le 28 octobre, parce que ce jour-là, il l’avait frappée. Et dès son réveil, les insultes reprennent. Insultes habituelles depuis septembre, le moment où, à cause d’une « rumeur » sur la prétendue infidélité de sa compagne, F. X. a découvert qu’elle avait une autre relation au début de la leur, en 2011.
« Et vous avez exigé le mot de passe de sa boîte mail ?
- Oui, j’ai eu accès à sa messagerie, et j’ai vu qu’elle avait une relation au début de la nôtre, répond F. X. en se tournant vers la femme assise un peu en arrière.
- Regardez le tribunal, on a bien compris que vous êtes ensemble. » La présidente Catala a eu tout le loisir, au cours des affaires précédentes, de bénéficier du spectacle que le couple offrait, assis l’un contre l’autre, monsieur tenant madame serrée contre lui, un bras passé à sa taille, faisant démonstration d’une union sacrée, exactement comme ils se sont présentés ensemble à la gendarmerie pendant le temps de garde à vue de monsieur. Il a un sérieux problème de santé, et ne pouvait dormir en cellule à la caserne, il a pu rentrer chez lui pour la nuit, et pendant cette nuit-là, « on a eu une prise de conscience, on avait mal communiqué. »

Entre le « j’ai eu accès à sa messagerie » versus « vous avez exigé son code d’accès », le « on » constant, au lieu d’un « je » qui serait plus approprié, et un comportement ostentatoire en salle d’audience (du moins perçu ainsi, peut-être à tort, mais les bancs d’un tribunal ne sont pas les bancs publics sur lesquels on peut se bécoter en se fichant des regards obliques) on a un sentiment de malaise. Placé sous contrôle judiciaire le 2 novembre dernier, F. X. a pris des rendez-vous avec une psychologue de Chalon. « On a bien enclenché. Elle aussi va faire une thérapie. Et puis on va faire une thérapie de couple, pour évacuer tout ça et repartir sur de bonnes bases. » Décidément, les places d’agresseur et de victime se fondent dans la bouche du prévenu, il n’y a rien à y faire. Mais lorsque Caroline Locks aura requis, pour le ministère public 5 mois de prison assortis d’un SME de 2 ans, en expliquant « je suis un peu gênée, car dans ses discours je sens mal sa responsabilisation. Il ne faut pas minimiser les faits et il faut que madame soit reconnue comme victime. », F. X. se tourne vers le perchoir du parquet pour expliquer « quand j’ai dit ‘on’, c’est parce qu’on est deux. On va faire une thérapie, crever les abcès. »

F. X. est en attente d’une greffe pour un problème de poumon, il est en arrêt maladie depuis 2 ans, et pense que c’est un facteur qui a joué dans les ruminations qui l’ont conduit à insulter quotidiennement sa femme puis à la frapper, puis à attendre qu’elle se réveille après ce qui reste une tentative de suicide ou au moins ce qu’on appelle « un appel au secours », pour repartir dans les menaces et les mots dégradants. « Ça n’aurait jamais dû arriver, soutient-il à la juge, c’était un engrenage. » Maître Charbonnel déplore qu’on ait voulu « faire une leçon de morale » à la victime, et cite F. X. qui en audition a déclaré « j’ai ressenti de la culpabilité et du dégoût ». « Ce sont des faits exceptionnels. Le contrôle judiciaire lui impose des soins ? Il obtient 2 rendez-vous immédiatement, c’est un exploit. »

Le tribunal déclare F. X. coupable, y compris des menaces de mort et le condamne à 4 mois de prison assortis d’un sursis mis à l’épreuve de 2 ans. Il devra faire un stage de sensibilisation aux violences conjugales, et la présidente insiste : « vous avez dit que vous continueriez les soins, le tribunal estime qu’il n’y a pas lieu de vous y condamner, puisque vous devez les continuer, tous les deux. Vous ferez le stage à vos frais, mais attention, il ne s’agit pas d’un stage ‘comme ça’, vous serez en lien avec un CPIP, c’est un stage dans un cadre judiciaire. »

FSA