Faits divers
TRIBUNAL DE CHALON - Sous l'emprise de stupéfiants et sans permis, il avait mené une course poursuite de 10 kilomètres contre les gendarmes
Publié le 23 Janvier 2018 à 07h54
Adrien X. a 18 ans depuis juin dernier. Dès juillet il obtient son permis de conduire. Le 20 octobre, il grille un feu rouge à Chalon, « parce que j’étais pressé, le kebab allait fermer et j’avais fait une commande ». Alcoolémie de 0.56 mg/l au second souffle. Son permis est suspendu pour 4 mois, il en est clairement averti. Le 16 janvier, il cumule conduite sans permis, conduite sous l’empire de stupéfiants, inobservation de l’arrêt à un feu rouge, mise en danger de la vie d’autrui, refus d’obtempérer, violence sur une personne dépositaire de l’autorité publique. Il a toujours 18 ans, un casier vierge, mais le voilà en comparution immédiate.
Il trouve que tout le monde « exagère »
Placé en détention provisoire le 18, on le juge ce lundi 22 janvier en visioconférence car son extraction n’a pas été possible, il semble que les hommes de l’escorte pénitentiaire, basée à Dijon, aient été empêchés de sortir par le blocage de la prison. Adrien tâte donc du centre pénitentiaire et trouve qu’on y « réfléchit autrement », sur le reste il trouve que tout le monde exagère, gendarmes et magistrats compris, parce que « je conduis bien ». La présidente Caporali lui refait alors le si bref historique de son permis, lui fait remarquer qu’il n’a que 6 mois de permis, et le jeune homme lui renvoie « ah ben non, je l’ai gardé 3 mois ! »…
Parents inquiets et démunis
Adrien savait pertinemment le 16 janvier qu’il n’avait pas le droit de prendre le volant, mais estime que c’était nécessaire. « J’en avais besoin, mais pour vous (les magistrats, les gendarmes) ça passe pas, alors… je n’ai pas d’autre explication à donner. » La présidente insiste. « J’allais voir mon avocate pour parler de l’audience du 2 février. » Le jeune majeur était convoqué suite aux faits du 20 octobre, on le juge du coup aujourd’hui pour l’ensemble de ses infractions. Il avait d’ailleurs pris sa convocation « pour un avertissement », et à l’écouter on comprend qu’un « avertissement » ne pouvait suffire. Ce garçon est surprenant. Ses parents sont à l’audience et sa mère est très émue de voir son bébé incarcéré. Emue et démunie.
10 km de course avec les gendarmes
Le 16 janvier les gendarmes voient, à Tournus, la Peugeot d’Adrien dépasser en mordant sur un terre-plein, et alors qu’une autre voiture arrive en sens inverse. Avertisseurs sonores et lumineux des forces de l’ordre. Adrien accélère. « Conduire sans permis, ça comporte des risques, j’avais pas envie de me faire attraper. » Il manque verser dans un fossé tant il va vite, puis il grille un stop à une intersection. Les conducteurs qui passent par-là doivent s’écarter pour l’éviter. « Mais non ! C’est parce qu’il y avait le gyrophare. » Nouveau refus de priorité, des zigzags pour bloquer le passage aux gendarmes. La Peugeot arrive à Cuisery et s’engouffre… dans une impasse. Un des gendarmes sort en criant « halte ! gendarmerie ! » mais Adrien fait une marche arrière, percute l’aile avant droit du véhicule de la gendarmerie, l’homme qui était dehors a dû bondir sur le côté pour l’éviter, il passe son buste par la fenêtre avant et arrache la clé du contact. Fin de la course.
Addiction au cannabis
L’interpellation se fait sans difficultés, Adrien dit immédiatement qu’il n’a pas de permis de conduire. L’alcoolémie est ok, mais son comportement interroge : le test au cannabis est positif, il a fumé, le week-end qui précédait, dit-il. Il fume depuis qu’il a environ 13 ans. « Avant, j’alignais bien 10 grammes par jour, mais maintenant 1 gramme maximum », « ça reste illégal » rétorque la présidente. « Vaut mieux me voir quand je suis sous influence du cannabis, parce que sinon… non, je me tais », il tapote nerveusement la table de ses doigts, semble très agacé. Le grand ado est frondeur. Il a déjà fréquenté le SDIT, mais « leur espèce de psychologue m’a dit que si c’est bénéfique pour moi, il vaut mieux fumer du cannabis que de prendre des médicaments. » Il aurait été diagnostiqué « hyperactif », et le cannabis l’apaise.
Les gendarmes en représentants de la loi et de la figure paternelle
« Totalement consterné et inquiet » le parquet requiert 10 mois de prison dont 6 mois assortis d’un sursis mis à l’épreuve de 2 ans. « Il a un comportement totalement irresponsable, cela relève de l’inconscience alors qu’il y a mise en danger de la vie des autres. » Sur ce point maître Leray, qui intervient pour Adrien, est d’accord : « On se dit qu’on a affaire à un mineur, il est inconscient. » L’avocate a d’abord un mot pour les gendarmes : « Ils ont couru des risques réels. Lors du défèrement ils étaient trois, particulièrement bienveillants à son égard, et pourtant c’était eux les victimes. Ils se sont montrés quasiment paternels. » Elle va même plus loin en se demandant si, avec une telle collection d’infractions, le garçon n’avait pas cherché l’interpellation, la confrontation avec ces figures qui ont de paternel de représenter la loi, et de la dire. « Sa mère dit de lui que c’est un bébé. Il lui faut un cadre, il lui faut une structure, car l’autorité de la loi il ne l’a pas comprise. Pour répondre de ses actes il faut en avoir conscience, mais on n’en est pas encore là. Il y a tout un travail à faire, et ce n’est pas en prison qu’il se fait. »
« Il faudra prendre vos responsabilités, un jour »
Adrien vit chez ses parents à Sennecey-le-Grand, travaille plus ou moins selon les opportunités, ne participe pas aux charges du foyer, c’est son père qui règle l’assurance de l’auto. Adrien a flingué en 7 mois son permis, son casier judiciaire qui était néant, et sa liberté. La présidente Caporali lui reproche de ne raisonner qu’en terme de sanction judiciaire et pas en terme de dangerosité, « il faudra prendre vos responsabilités, monsieur, un jour ».
Maintien en détention
Le tribunal le condamne à 10 mois de prison dont 8 assortis d’un sursis mis à l’épreuve de 2 ans. Obligation de soins (addiction aux stupéfiants), de se former ou de travailler, et de faire un stage de sensibilisation à la sécurité routière. Son permis de conduire est annulé, il devra attendre 1 an pour le repasser. La Peugeot est confisquée. Adrien devra payer 50 euros d’amende.
« Si pendant 2 ans vous respectez vos obligations et ne commettez pas d’infraction, les 8 mois de prison disparaîtront. Tout dépendra de votre comportement. » Adrien ne comprend pas tout, croit qu’il peut récupérer sa voiture s’il paie « une caution ». Le tribunal ordonne son maintien en détention.
FSA
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