Opinion
Osez le Féminisme rappelle que 230 femmes sont violées chaque jour en France et regrette les «indignations à géométrie variable»
Publié le 12 Janvier 2016 à 18h25
Pour chaque femme violée, notre indignation est totale
Dans la nuit du 31 décembre au 1er janvier, des centaines de femmes ont été victimes d’agressions sexuelles et de harcèlement de rue à Cologne. Plus de 200 d’entre elles ont déposé plainte pour ces faits dont 2 pour viol. Nous leur apportons notre indéfectible soutien et condamnons ces agressions, d’une ampleur inconnue jusqu’alors. Leurs témoignages sont édifiants, et l’indignation massive.
Si nous saluons cette indignation collective et la rejoignons, nous ne pouvons que regretter que celle-ci soit à géométrie variable. En effet, chaque année, 84 000 femmes majeures sont violées en France, soit 230 par jour. Toutes doivent faire preuve d’un immense courage pour se reconstruire. Mais seules 10% d’entre elles réussisent à porter plainte et 2% des viols amènent à une condamnation des agresseurs. Le viol est donc le crime le plus impuni qui soit : dans notre pays existe un réel permis de violer. Face à cela, faisons-nous face à 365 jours d’indignation en France ?
Qui s’indigne quand des articles de presse relatant des affaires de viol prennent le soin de décrire la tenue de la victime, son goût prononcé pour l’alcool (comme dans le cas de cette jeune touriste canadienne qui a porté plainte pour viol contre des policiers) ou son attitude, sous-entendant qu’elle en serait responsable ? Les féministes. Qui s’indigne quand sont publiées les statistiques des violences perpétrées contre les femmes, qui restent les mêmes année après année ? Les féministes.
Selon l’origine des agresseurs, y aurait-il des victimes de viol qui mériteraient d’être soutenues plus que d’autres? Tous les jours, de Cologne à Paris, de Pékin à New York, du Caire jusqu’à Rio de Janeiro, dans l’hémisphère nord et dans l’hémisphère sud, des hommes, de tailles et de corpulences variées, de métiers variés, de confessions religieuses différentes, et de toutes origines sociales, agressent et violent des femmes. Pourquoi le font-ils ? Parce que ce sont des femmes, et que dans nos sociétés patriarcales, il ne fait pas bon d’être une femme. Parce que les violences sexuelles restent encore largement impunies à l’échelle mondiale, donnant aux agresseurs un sentiment de toute puissance. Parce que les victimes sont encore trop souvent traitées comme les coupables, comme nous le dénoncions dans la campagne “Viol, la honte doit changer de camp”.
Le viol, parce qu’il est un crime patriarcal, est un crime politique. C’est tous les jours que nous, militant-e-s féministes, dénonçons le climat de peur dans lequel vivent les femmes : peur d’être harcelées dans la rue et les transports, peur de sortir seules tard le soir, sans compter la peur que vivent des centaines de milliers de femmes dans l’intimité d’un foyer, là où se déroule la majorité des violences. En effet, 86% des viols sont commis par un homme connu de la victime. Nous devons mettre un terme à tous ces crimes. La société doit changer.
Pour que ces crimes cessent, des moyens conséquents doivent être mis en oeuvre pour prévenir les violences sexuelles perpétrées par ces hommes, encourager les victimes à porter plainte, et faire en sorte que tous les criminels qui agressent et violent soient enfin condamnés.
Les agressions commises à Cologne, Zurich, Helsinki et d’autres villes lors du réveillon du Nouvel an sont d’une ampleur inconnue jusqu’alors. Toute la lumière doit être faite sur ces crimes, qui doivent être compris afin de prévenir leur répétition. Ils doivent être sévèrement punis et un message clair doit être envoyé aux agresseurs et futurs agresseurs. Les femmes victimes doivent également savoir qu’elles peuvent porter plainte et que la dénonciation des violences subies ne restera pas sans suite.
Si nous refusons de nous taire, nous refusons également de tomber dans les pièges qui nous sont tendus. Instrumentaliser ces crimes, laisser à penser que la violence machiste est un fait étranger à nos sociétés, qu’il suffirait de fermer nos frontières pour nous en prémunir, c’est occulter la réalité du quotidien des femmes.
L’origine des agresseurs ne doit pas être un frein à la dénonciation de ces agressions, mais nous condamnons aussi toute forme de récupération raciste de cet événement, qui nuit aux femmes victimes de viol, et nuit aux droits des femmes en général. La lutte contre les violences patriarcales doit être une priorité, 365 jours sur 365. L’indignation ne doit donc pas être sélective, car le féminisme ne peut être à géométrie variable.
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