Opinion

"Il y a quelques chiffres à envisager avant de proposer des " yakafokons" démagogiques".

Le CODTS71, Comité d'organisation et de défense des territoires de santé de Saône et Loire réagit au communique de UFC Que Choisir.

Que choisir ? C'est la question que se posent les jeunes médecins à la fin de leurs études ....
 
Pour autant, sont-ils responsables de la situation actuelle comme le laisse entendre la classe politique ?
 
Difficile de nos jours de trouver un médecin généraliste qui accepte de prendre en charge de nouveaux patients.
La médecine de premier recours est effectivement souffrante et la population en pâtit . Les derniers médecins de campagne doivent faire face à une patientèle qui devient plus conséquente, l'espérance de vie aidant.
 
Pour quelles raisons ce manque crucial de médecins ? Le diagnostic est simple.
 
La situation actuelle est avant tout le résultat d'une faillite des politiques de santé successives depuis trente ans.
Ce n'est pas faire preuve de populisme que de  renvoyer nos chers politiques à leurs responsabilités.
(Les jeunes qui sortent actuellement des facultés, n'étaient même pas nés que la plupart des candidats à la présidentielle étaient d'une manière ou d'une autre déjà en responsabilité ).
Il est donc un peu facile et injuste de pointer du doigt ces jeunes médecins.
 
La doxa de l'ensemble de nos technocrates depuis les années 70 a été de réduire le nombre de médecins .
L'instauration du numérus clausus a permis de réduire l'offre médicale et  jusqu'en 2001, une prime versée aux médecins finançait leur départ anticipé. !!!
Réduire l'offre devait réduire la demande comme par magie , dans une auto régulation néo libérale qui considère que la santé est une marchandise comme une autre .
 
Le" trou "de la sécurité sociale devait se combler progressivement puisque la population consommerait moins de soins, faute de médecin.
 Actuellement ce déficit est en passe d'être comblé puisqu'il est privatisé , il s'individualise.
Les mutuelles et assurances privées prennent toujours plus de place dans le budget des citoyens.
L'état se désengage et la nation s'appauvrit avec un reste à charge qui augmente. Pas de quoi pavoiser!
 
Il y a quelques chiffres à envisager avant de proposer des " yakafokons" démagogiques.
 
L'immense majorité des médecins ne veulent plus de l'exercice libéral et  toutes spécialités médicales confondues, seuls 9% des étudiants en médecine choisissent l'exercice libéral, dont la médecine générale ( ils s'installent passé 40 ans, retardant au maximum leur installation).
 
9% avec une liberté d'installation totale , combien en restera-t-il si maintenant ils ne peuvent pas choisir leur lieu de vie ? MOINS
 
 
Les déserts médicaux ruraux ne sont pas des déserts médicaux mais des déserts tout court , où l'on a retiré progressivement tous les services publics : école , transports , bureaux de poste etc ..
 
Le désaménagement du territoire a permis des économies d'échelle, mais les gens sont partis pour trouver du travail , de l'activité , des services publics , une logistique de vie moins compliquée.
Les médecins sont eux aussi "des gens ", ils ont suivi le mouvement.
 
Le bassin de vie du grand Chalon n'est pas un désert rural , il y a 110 000 habitants .
Il y a cinq ans, il y avait 110 médecins, soit un médecin pour 1000 habitants , dans moins de 10 ans nous serons 34 , soit un médecin pour 3000 habitants.
C'est la profession de médecin généraliste qui est actuellement désertée , les raisons sont multiples et complexes elles aussi.
 
Paris n'est pas un désert , il n'y a presque plus d'installation, la capitale est en passe de devenir un désert médical .
 
Bien sûr il y a moins de problème sur la Côte d'Azur, mais résumer le problème à un exode de tous les jeunes médecins sur la Côte d'Azur est un fantasme complet.
 
Si l'on considère la Saône et Loire, c'est l'ensemble de notre département (toutes zones confondues) qui est en carence donc, penser que cette mesure va avoir un impact positif est démagogique et idiot .
 
Nous avons,tous professionnels de santé inclus, créé le CODTS71 , comité d'organisation et de défense des territoires de santé de Saône et Loire , association loi 1901.
 
Nous avons des idées , une expérience de terrain .
 
A l'heure où nous organisons prochainement des états généraux de l'installation sur notre territoire avec une vingtaine de jeunes remplaçants que nous aidons et accompagnons en ce sens (ce que l'administration et les politiques ne sont jamais parvenus à faire), nous aimerions pour une fois être entendus.
 
"Que choisir " est une bonne question , il est cependant urgent de ne pas se leurrer une fois de plus et d'écouter ceux qui "font" sur le terrain, avant d'inventer des réponses hors sol.
 
                                                              Docteur Didier Chassery : pour le CODTS 71