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CONFLU'ART 2018 - La montagne n'accouche pas toujours d'une souris. Illustration avec Sandrine Orisio

CONFLU'ART 2018 - La montagne n'accouche pas toujours d'une souris. Illustration avec Sandrine Orisio

Après avoir rencontré Mireille Fouchecourt dans la « petite » galerie qu’elle tenait à Méribel, en Savoie, Sandrine Orisio avait exposé une première fois à Conflu’Art, il y a quelques années. Elle est de retour pour l’édition 2018. Focus sur une artiste littéralement pétillante.

« Les livres ont toujours plus d’esprit que les hommes qu’on rencontre. » C’est ce qu’a écrit dans l’une de ses nombreuses lettres Louise de Stolberg-Gedern, comtesse d’Albany. Peut-être parce que, après un mariage raté avec Charles Édouard Stuart, prétendant malheureux aux couronnes d’Angleterre et d’Ecosse, poivrot notoire, les hommes dont elle avait alors fait la connaissance ne lui avaient sans doute pas laissé un sourire impérissable.

Pour peu que l’on y songe quelques instants, il y a un peu de vrai dans ce qu’écrivait cette comtesse. La compagnie des livres est souvent plus agréable que celles des humains. Du moins l’est-elle tant que nous n’avons pas fait la rencontre de personnes telles que Sandrine Orisio, artiste à temps plein, actuellement exposée aux anciennes halles de Verdun-sur-le-Doubs, dans le cadre de Conflu’Art. En effet, Sandrine Orisio est certainement aussi intéressante que les meilleurs livres qu’il soit donné de lire, sinon plus. Littéralement pétillante, Sandrine Orisio est une sorte de tourbillon de couleurs, de rires et de sourires.

Originaire de Méribel, en Savoie, Sandrine Orisio n’a jamais quitté ses alpages, sinon pour faire les vendanges à Chorey-lès-Beaune, étudier à l’université des langues « orientales » comme le mandarin et voyager en Argentine. En effet, elle vit dans un petit village de quarante-et-une âmes : Champ-Laurent. C’est dans ce dernier qu’entre deux randonnées sur les flancs de ses chères montagnes, Sandrine Orisio dessine, peint, joue du violon et de la flûte harmonique. C’est aussi dans ce dernier qu’elle se livre à une activité artistique qui, en raison de son originalité, mérite sans doute d’être détaillée.

Depuis quelques temps, Sandrine Orisio travaille l’aluminium. Ce métal, elle le polit, l’embellit, le vernit, lui donne des couleurs, ayant chacune, selon elle, « une vibration » particulière. Puis, une fois qu’elle lui a donné une forme esthétiquement satisfaisante, elle met des gants de ski, revêt un tablier et des vêtements pour se protéger des coupures et… froisse le tout. A l’écouter, elle y va « de bon cœur ». « C’est physique », dit-elle. C’est aussi très sonore, à ce qu’on a compris. En effet, dans une sorte de remake savoyard du « Fight Club » de David Fincher, elle triture ses œuvres et les tord, sous les encouragements déchaînés de ses voisins.

Pourquoi fait-elle ça ? Est-ce une manière de se défouler ou de canaliser ce qui, selon Freud et consorts, sommeille en chacun de nous : cette « pulsion d’agression » qui serait, selon les auteurs, un dérivé de la « pulsion de mort » ? C’est plutôt la « méthode » que Sandrine Orisio, écolo sur les bords et au milieu, a adopté pour attirer notre attention sur l’existence, en chacun de nous, d’une propension à abîmer ou dégrader ce qui est initialement sain, élégant, éblouissant, délicat, unique, harmonieux. Pas pour nous faire la morale, comme l’abominable ramassis de khmers verts qui, dans le sillage de Jean-Jacques Rousseau, nous forceraient volontiers à être libres d’obéir à leurs injonctions, et, en attendant, nous brisent les noix pour consommer bio ou vegan, tout en fumant leurs cibiches gorgées de goudrons, d’acétone et d’arsenic… Ce n’est pas son truc, la morale. Certes, pour Sandrine Orisio, « on est en train de casser l’écrin » dans lequel nous vivons. Néanmoins, elle ne s’exclue pas des malfaisants, dont elle estime être partie intégrante. « Ce serait trop facile », dit-elle. « Je constate », précise-t-elle avec, un bref instant, et pour la première fois, quelque chose de sombre dans le regard.

Quand elle ne malaxe pas de l’alu attifée comme un catcher (receveur) de baseball, Sandrine s’adonne à la sculpture du papier, une technique qu’elle a apprise auprès d’une amie. Elle confectionne sa propre pulpe et, avec celle-ci, réalise des œuvres très épurées, qu’on pourrait croire influencées par l’art asiatique mais s’en éloignent sensiblement, moins par le trait que par l’esprit. Encore une fois, son histoire et ses convictions transpirent. On devine dans l’une d’entre elles un arbre, presque son essence. Un arbre qu’on pourrait contempler des heures, bien assis, près d’un feu de cheminée.

Samuel Bon

Infos pratiques :

Lieu : Verdun-sur-le-Doubs (Anciennes halles)

Dates : du 14 au 30 août 2018

Pour plus de renseignements : 03.85.91.87.52

Entrée : libre