Faits divers

TRIBUNAL DE CHALON - Suite à un simple accrochage, il met le feu à la voiture

TRIBUNAL DE CHALON - Suite à un simple accrochage, il met le feu à la voiture

Qu’est-ce qui lui a pris ? La question revient sur la table, ce jeudi 27 février. Elle fut déjà posée le 16 décembre : pourquoi cet homme avait-il décidé d’aller se venger d’une femme avec laquelle il avait eu un accrochage sur un parking quelques jours auparavant, à Louhans ?

Un séisme dans le quotidien des victimes

Il a retrouvé la voiture de la femme, a cassé une vitre avec un marteau, a versé de l’essence, a actionné un briquet. Le feu s’est propagé aux voitures les plus proches, au total 5 d’entre elles ont brûlé. C’était en matinée, c’était sur une place, c’était un geste fou et si dangereux. Il a eu du bol, pas de blessures corporelles, seulement des moyens de locomotion, sachant que dans les villes comme Louhans, se passer de voiture c’est compliqué et en tout état de cause toutes les victimes ont subi un préjudice lourd. Des préjudices, plutôt, plaidera maître Raynaud de Chalonge : un choc, et puis de la peur, aussi irrationnelle sans doute que le geste de l’incendiaire, mais alimenté par lui. « Si. » S’il est assez fou pour cibler une voiture et pour préméditer son acte, s’il n’a pas peur d’agir en plein jour et tant pis pour les autres, s’il est assez inconscient pour ne pas mesurer les risques, alors on peut avoir peur.

Pourquoi ne se passe-t-il rien pendant 39 ans, et là, subitement ?

Qu’est-ce qui lui a pris ? Son attitude à la première audience avait conduit le tribunal à ne pas statuer, et à ordonner une expertise psychiatrique. L’expert l’affirme : pas de pathologie, pas de décompensation psychotique aigue, mais pas non plus de dangerosité, une injonction de soins n’est pas nécessaire. Julien Marceau n’a donc pas de réponse venant du psychiatre, mais l’avocat persiste dans son interrogation : pourquoi cet homme sans antécédents judiciaires (une amende pour circulation sans assurance, c’est tout), cet homme à la vie difficile qui tient 39 ans sans passage à l’acte de cette sorte, pourquoi tout à coup il pète un plomb ? Pourquoi ne se remet-il pas de l’échange avec une conductrice lors d’un simple accrochage ?

Le parquet oppose le rapport de l’AEM à l’expertise du psychiatre

C’est une bonne question. La vice-procureur veut confronter le prévenu à certains contenus du rapport de l’AEM, association chargée du contrôle judiciaire. Elle se montre agressive, et parce que l’homme reste en retrait, ça tourne à une forme de harcèlement, jusqu’à disqualifier le comportement qu’il a eu avec l’expert psychiatre, un comportement qu’il aurait adapté à la situation, alors que l’AEM le trouve encore « très énervé ». Est-ce normal d’être « très énervé » alors qu’on est en tort du début à la fin ? Pour le commun des mortels, ça peut se comprendre, d’autant plus si, comme le rapporte l’expertise psychiatrique, « il exprime culpabilité et honte » mais que ses interlocuteurs n’y comprennent rien, et le renvoient en permanence à une place dont il ne veut pas, où il se sent injustement rabaissé. Il est incapable d’avoir un discours élaboré pour expliquer clairement ce qui lui est arrivé.

« Il avait peur qu’on profite encore de lui »

Il voulait faire un constat, elle proposait de l’argent. La victime est dans un état de nerf un peu hystérique au moment où elle parle au tribunal, elle dit : « Oui, je lui ai proposé de l’argent, car je savais que je n’aurai pas de malus. » Le prévenu quant à lui, avait dit : « La dame voulait des sous, mais moi je voulais faire un constat. » La formulation est trouble, troublée, indice de ce qui l’a envahi. Quelque chose s’est passé qui le submerge. Il fait une fixette dont rien ne peut le défaire, et il passe à l’acte quelques jours plus tard. Son avocat cerne l’enjeu : « surcharge émotionnelle », qui à tous les coups se nourrit de bien des humiliations et des injustices vécues ou ressenties par cet homme. « Il avait peur qu’on profite encore de lui. »

Une parole qui vient le réhabiliter dans sa valeur d’homme,
sans excuser en quoi que ce soit son passage à l’acte

« Il fait un travail bien difficile pour un salaire bien modeste. C’est un homme courageux en dépit de la gravité des faits qui lui sont reprochés. » En période de grève (historique) pour cette profession, voilà un exemple de ce qui manque cruellement (à tous) lorsque les avocats désertent les audiences : une parole qui, lorsqu’une audience se déroule à charge parce que nul ne comprend quoi que ce soit au comportement du prévenu, vient réhabiliter celui-ci dans sa valeur d’homme. Sans excuser en rien un passage à l’acte qui doit être sanctionné. Juste ceci : ne pas accepter qu’un homme soit réduit à ce point à la somme de ses difficultés sociales. Il est noir, il a un travail parmi les plus durs et les plus dégradés socialement, il n’est pas riche, il a une vie personnelle difficile depuis toujours, et la scène lors de l’accrochage fut une goutte d’eau, celle de trop. (Sans préjuger aucunement du comportement de la dame car c’est sans rapport direct avec elle, le parquet le lui a réaffirmé.)

De la prison et une période probatoire
Le parquet avait requis 15 mois de prison dont 5 mois seraient assortis d’un sursis mis à l’épreuve.
Le tribunal le condamne à cette peine. Obligations de travailler, d’indemniser les victimes, et obligation de soins.

F Saint-Arroman

https://www.info-chalon.com/articles/faits-divers/2019/12/17/41740/tribunal-de-chalon-a-louhans-il-avait-mis-le-feu-a-cinq-voitures/