Election municipale

MUNICIPALES - Pascal Dufraigne, un candidat Lutte ouvrière pour faire entendre le camp des travailleurs

MUNICIPALES - Pascal Dufraigne, un candidat Lutte ouvrière pour faire entendre le camp des travailleurs

Pascal Dufraigne conduira à nouveau la liste Lutte Ouvrière aux élections municipales à Chalon-sur-Saône. Composée majoritairement d’ouvriers, de retraités et de personnes sans emploi, cette équipe de 42 colistiers a pour ambition de défendre le camp des travailleurs. Propos recueillis par Info Chalon.

Lutte ouvrière (LO), le parti d'extrême gauche, a constitué une liste pour les élections municipales à Chalon-sur-Saône. Comme à quasiment chaque scrutin depuis 2001, Pascal Dufraigne, 56 ans, ancien de chez Kodak et de Chalon Photochimie, est celui qui en a pris la tête.


La formation trotskiste, incarnée au niveau national par Nathalie Arthaud et jadis par Arlette Laguiller, revendique des dizaines de militants à Chalon-sur-Saône.


La liste composée de 42 colistiers, majoritairement composée d'ouvriers, de retraités ou de personnes sans emploi et qui se veut «un bastion de lutte», préfère centrer cette campagne des municipales sur «la défense du camp des travailleurs».


«Notre but n'est pas de faire des one-man-show dans les salles de quartiers. C'est vraiment une campagne où on va voir les gens sur les marchés ou en porte-à-porte. C'est, de notre part, un choix délibéré d'aller discuter et de battre le terrain. On fait pas une campagne pour se mettre en avant pour dire "Voilà, c'est moi! Votez pour moi! Je vais aller voir ce que je peux faire pour vous..." Et comme c'est pas ça notre démarche et c'est même strictement l'inverse que de dire "Voilà, j'ai un très beau programme sur l'écologie, le sécuritaire, je vais faire venir des entreprises, plein d'emplois,...". Tout ce qu'on entend des autres candidats. Notre démarche est radicalement opposée à ça. On ne dira pas dans cette campagne et c'est ce que les gens écoutent lorsqu'on leur parle : "Votez pour nous! On fera beaucoup de choses! Vous avez le pouvoir, il est entre vos mains, il est dans votre bulletin de vote, si vous voulez une vie meilleure, votez pour moi!"», nous explique le chef de file de la liste LO dans notre ville.


«C'est pour ça qu'il y a 50% dans les quartiers populaires qui ne vont plus voter. Il y a une grosse méfiance de la part de beaucoup d'autres. Tout simplement parce qu'ils ont été échaudés par les différents partis qui se sont succédés à Chalon dont les représentants sont membres de grands partis nationaux voire même ont cumulé des fonctions à Chalon et sur Paris ou l'un après l'autre», poursuit-il.


Avant de rajouter :


«Nous, contrairement aux 6 autres listes, on ne cache pas qui on est! Parce que toutes les autres listes jouent au concombre masqué en disant "Non, non, c'est pas le PS, c'est pas la République en Marche, c'est pas les Républicains, c'est pas le Rassemblement National, c'est l'homme qui se présente avec ses colistiers. On l'a encore vu pendant le débat (Ndlr : allusion au débat du mercredi 4 mars, organisé par France 3 et France Bleu où 6 candidats à la mairie de Chalon ont été invités). Nous on affiche la couleur. On s'appelle Lutte Ouvrière. On est un parti ouvrier et le titre de notre liste, c'est faire entendre le camp des travailleurs. Les message, il est clair!»


«On veut vraiment que les ouvriers, les chômeurs, les retraités anciennement ouvriers, salariés, les mères au foyer, les intérimaires, on veut que ça soit ces gens-là qui puissent voter pour des gens qui sont sur une liste de gens qui vivent les mêmes difficultés. Les gens vont vraiment voter pour eux-mêmes! Une liste qui leur ressemble!», déclare l'ancien ouvrier de la chimie.


«Ce qui est frappant quand on passe discuter, ce qui ressort tout le temps c'est " Vous savez Monsieur Dufraigne, tout ça, c'est bien joli mais moi j'ai pas de boulot! Je sais pas où on va ou moi je bosse dans tel endroit, les élections pour moi, c'est loin"», explique-t-il, pointant du doigt le désintérêt croissant pour la politique.


«Il y a une chose qui est sûre, c'est que les gens, très rapidement, dans les discussions qu'on a avec eux, disent :" On va pas se raconter de conneries, vous comprenez bien qu'en ce moment ce qu'on est en train de vivre, c'est difficile". Les gars qui bossent, que ce soit comme moi, à la SNCF, que ce soit à l'Hôpital, à Saint-Gobain, etc, tout le monde en bave! Tout le monde sent que les conditions de boulot se dégradent. Moi, franchement, j'allais au boulot, il y a 30 ans, avec le sourire! Je ne connais plus personne, aujourd'hui, qui va au boulot avec le sourire! Partout les conditions de travail se sont dégradées. On est individualisés. Il y une pression au rendement, à la productivité, aux résultats, à faire du chiffre. On est contrôlés, fliqués et ça crée une ambiance au travail difficile et là je vous parle de gens qui bossent! Ceux qui ne travaillent pas, sont exclus de fait! Ils sont en marge et pour trouver du boulot, ça devient dur et là je fais un petit clin d'œil pour les femmes dont c'est la Journée international des droits, ce dimanche, quand on est une femme et qu'on est ouvrière, croyez-moi que c'est encore plus dur de trouver du boulot sur Chalon. Il y a une entreprise qui embauche des femmes, c'est Gardy. Là-bas aussi, ça a beaucoup décliné, il y a moins d'emplois qu'il y en a eu à une époque. Il y avait d'autres usines de femmes, de ganteries, de chapelleries, etc, ces 30 dernières années, ça a disparu. Aujourd'hui, qu'est-ce qu'elles ont comme choix à part la grande distribution?»


«Aujourd'hui, Chalon est soi-disant une ville qui rayonne, c'est le 3ème thème-phare des 6 autres candidats», ironise le candidat, revenant sur la question du tissu industriel, «en réalité, il y a pas de secret, c'est comme dans les pays pauvres, la misère se concentre dans les villes. On fuit les campagnes pour essayer de venir dans la grosse ville où il y a potentiellement plus de possibilités de trouver des petits boulots, de l'intérim, des choses comme ça et c'est la prime au gagnant. Comme Chalon, c'est la ville la plus riche et la plus puissante, au point de vue économique, après Dijon, en Bourgogne et que c'est la ville la plus importante de Saône-et-Loire, elle a des moyens financiers supérieurs aux autres villes pour dire aux boîtes : "Venez chez moi, je vous offre le terrain gratuit, je vous fais grâce des taxes professionnelles pendant tant d'années et je vous déroule le tapis rouge!" mais en réalité, les 6 candidats sont des notables qui ont tous en commun d'avoir comme préoccupation de servir les intérêts financiers des patrons locaux auxquels ils sont souvent liés humainement, personnellement ou des multinationales locales. Le peu de fric que la Ville de Chalon a... parce qu'ils le disent pas non plus, et ça aussi c'est un mensonge... c'est que les moyens sont limités. En réalité, c'est très encadré par l'État. La préfecture veille strictement à la gestion financière de la Ville. L'État baisse les dotations pour la Ville de Chalon. L'État lui redonne des missions qu'elle avait pas, il y a 20 ans ou 30 ans, ce qui fait que ça pèse dans la comptabilité de Chalon et sur qui se rattrape la Ville de Chalon? Sur les budgets sociaux! Par exemple, en baissant les budgets pour les associations. Dans d'autres villes, c'esten baissant celui pour la culture. Au bout du compte, c'est les plus petits qui payent l'addition!»


«Cette année, on sera à un déficit de 82 millions d'euros. Faites un calcul par 47 000 habitants, on est à plusieurs milliers d'euros de dette individuelle. Donc, ça, ça veut dire qu'il faut le payer, ça pèse dans le budget de la mairie. Ensuite, ça veut dire que le poids des banques sur la gestion de la mairie s'accroît donc en réalité la marge diminue. Du coup, ils rattrapent en faisant des économies budgétaires sur des choses qui peuvent être utiles à la population. Par contre, ils ne veulent pas diminuer la part qu'ils allouent à la création d'entreprises. Donc, pour les patrons, c'est un pari gagnant. C'est des vrais cadeaux qui sont faits au patronat. Ce sont des politiques qui sont appliquées dans toutes les villes de France, enfin celles qui en ont les moyens. Derrière cette politique là, c'est la même que mène l'État avec la France mais avec des plus petits moyens! Nous, à Lutte Ouvrière, on dit qu'on en a marre de ça! Et on tient à le dénoncer. Il y a 2 camps dans cette société-là, il y a le camp des travailleurs, des intérimaires, des mères au foyer, des chômeurs et des retraités et en face, il y a le camp des possédants avec des hommes politiques qui servent leurs intérêts, qui les soutiennent et qui font une politique qui favorise l'enrichissement des plus riches et les maires comme dans une ville comme Chalon font exactement la même politique», nous explique Pascal Dufraigne pour qui «les ouvriers qui vivent dans cette ville sont de plus en plus en souffrance. Ils sont à bout! Leurs conditions de travail se dégradent et ils en payent physiquement le prix»


Pour lui, si il y a un message qui doit être retenu par les habitants de Chalon-sur-Saône, c'est qu'il s'agit là d'une «volonté consciente, orchestrée de la part des classes possédantes de nous rendre la vie insupportable pour accroître leur niveau de bénéfices avec la complicité de l'État et des maires de la taille d'une ville comme Chalon, tous chacun à leur échelle, portent leur obole pour enrichir les plus riches et nous, on crève de ça!»


Le candidat voit dans cette situation difficile pour le camp des travailleurs «une vraie guerre organisée».


«Quand on vote Lutte Ouvrière, c'est aussi un geste conscient. Quand on vote Lutte Ouvrière, on vote pas pour un candidat avec un joli programme bien ficelé qui vous promet un monde meilleur en vous disant "Vous avez le pouvoir!"C'est un énorme mensonge. En réalité, on a pas de pouvoir et le maire, là aussi où il y a un gros mensonge, a-t-il eu un pouvoir par rapport à Kodak? Rien. Son pouvoir par rapport à Saint-Gobain? Que dalle! Par rapport à EDF? Que dalle! Par rapport à l'Hôpital? Que dalle! Tous les domaines de la vie importants pour les habitants de Chalon. En réalité, il a aucun véritable pouvoir. Par contre, le peu de pouvoir qu'il a, il le met à leur service», nous indique-t-il.


Pour le représentant de LO à Chalon-sur-Saône, les 6 candidats «partagent sur le fonds 95% des idées».


«Il y a aucun clivage entre eux, aucune fracture! Et ça s'est vu dans le débat de mercredi. C'est 6 facettes de la même pièce!», lance la tête de liste.


«Nous, on a pas envie de participer à ce petit théâtre que sont les élections où on fait croire aux gens qu'ils ont le pouvoir entre les mains!», rajoute-t-il.


Revenant sur l'absence de la liste au débat télévisé de France 3 Bourgogne Franche-Comté, Pascal Dufraigne explique qu'elle a été exclue du plateau.


«Nous n'avons pas été invités!», déclare ce dernier.


«Les lois sur l'audiovisuel ont évolué. Maintenant, on ne donne du temps de paroles non pas de manière équitable mais en fonction de l'équité! Une équité qui a été définie par la loi en fonction de vos pourcentages aux élections», continue le candidat.


«C'est la prime au gagnant! Ils vont maintenant donner du temps officiellement qu'aux plus forts. C'est vraiment dégueulasse!», déplore-t-il, parlant d'une «loi anti-démocratique».


«J'ai été exclu de ce débat-là à l'insu de mon plein gré. Alors pour rattraper le coup, ils m'ont donné 45 secondes ou moins d'une 1 minute, en fin de débat. Les gens de notre liste, on était en colère. Voilà, c'est encore à l'image de notre société», explique Pascal Dufraigne, qui ne décolère pas.


«Il y a un petit parti qui a une liste qui est vraiment composée de petites gens, d'ouvriers, de chômeurs,de retraités et c'est celle-là qu'on exclut...»


Selon lui, même traitement pour tous les candidats de Lutte Ouvrière, que ce soit à Nevers, à Auxerre et à Dijon, précisant que «c'est étatique! Ce n'est pas propre à France 3».


«Si il y avait une ville en Bourgogne qui soit un jardin d'Eden, une ville où la vie est heureuse, où le soleil brille, du travail, des bons salaires, un bel hôpital, je crois que tout le monde le saurait et on s'y précipiterait tous! C'est pas le cas! Il y a pas une seule ville qui peut se prétendre de ça et quand on discute avec des ouvriers que ça soit à Chalon, au Creusot, à Autun, à Montceau ou à Mâcon, finalement c'est le même discours partout! Les problèmes sont exactement les mêmes dans toutes ces villes et on crève tous de la même choses : des attaques successives de l'Etat et du patronat. Du coup, c'est pour enrichir les plus riches qu'on crève. C'est organisé, c''est orchestré par le patronat avec la complicité des hommes politiques qui travaillent pour lui, dans son sens et exclusivement dans son sens. Jamais dans l'autre!», explique le militant troskiste.


Avant de rajouter :


«C'est pour ça que les gens voient bien qu'ils votent pour un gugusse de droite, de gauche, de machin ou de bidule, rien ne change dans leur ville. Les gens arrêtent pas de nous le dire dans les quartiers. "Monsieur Dufraigne, à quoi ça sert d'aller voter? Quand on vote, fondamentalement, il y a rien qui change pour nous. Attendez, non seulement il y a rien qui change mais en plus, ça se dégrade. Alors quand on entend des chiffres qui disent que le chômage baisse de 9 à 7,6%, moi je suis surpris parce que les gens, c'est pas ce son de cloche qu'ils me redonnent. Les chiffres, on les manipule comme on veut et moi je crois qu'en ce que me disent les habitants des quartiers».


«J'ignore pour qui ils voteront mais ce qu'il y a de sûr c'est qu'il y a un vrai changement d'état d'esprit et ça on l'a constaté depuis les débuts des mouvements sociaux, que ça soit les Gilets Jaunes et celui du 5 novembre. D'autant plus qu'on a eu moins de difficulté à faire notre liste qu'il y a 6 ans et on a, non seulement été bien reçus mais les discussions ont été plus loin. Les gens ont pris plus le temps de discuter qu'il y a 6 ans. Et ça, c'est pas grâce à Lutte Ouvrière, c'est vraiment grâce aux Gilets Jaunes, ça a mis une vraie bouffée d'oxygène dans les têtes, dans les cerveaux, ça a libéré un peu de colère. C'est vrai, ils ont raison : Y'en a marre des retraites de misère, on arrive pas à vivre. Ce qui était frappant dans les Gilets Jaunes, c'est que c'était des gens qui avaient pas le droit à la parole qui l'ont prise. C'est des gens des quartiers populaires, de la campagne toute proche, qui allaient aux ronds-points des Gilets Jaunes, les week-ends. Moi, j'y suis allé plusieurs fois et c'était très sympa! En réalité, c'est des gens des petites entreprises qui ont même pas de syndicats, qui en prennent plein la gueule, qui ont dit non et qui sont venus dans ce mouvement. Et ça, ça fait du bien! Sans oublier ce mouvement né de la réforme des retraites et dont les cheminots ont été le fer de lance mais pas que. Il y a eu beaucoup d'enseignants et s'ils pètent les plombs, c'est pas pour rien. Les classes surchargées, eux, ils sont à bout de nerf. Regardez les copains de Verallia, les lanceurs d'alerte qui se font triqués, ils ont été menacés de licenciement alors qu'ils ont fait leur boulot. On a tapé sur eux pour faire peur. C'est la vraie réaction du patronat qui durcit le ton face à ces femmes et ces hommes qui font leur travail et j'ai beaucoup de respect envers eux. Je profite de l'une de ces rares occasion qui m'est donné de les saluer et de leur apporter mon soutien. Si les 6 autres candidats qui savent très bien ce que je dit, ne le dénoncent pas, c'est qu'ils sont complices et je pèse mes mots. Au bout du compte, ça sert à ça les élections municipales, c'est l'arbre qui cache la forêt. C'est grâce à ces maires, qui plus que complaisants, sont complices, qu'on fait croire aux gens qu'ils ont le pouvoir d'améliorer les choses. Il y a rien de mieux qu'une mairie pour vous faire croire ça!», conclut Pascal Dufraigne.

 

 


Karim Bouakline-Venegas Al Gharnati