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Des Animaux pour des Maux : la Médiation animale expliquée par Patricia Zmudzinski

Des Animaux pour des Maux : la Médiation animale expliquée par Patricia Zmudzinski

Anti-stress, stimulants, ludiques… Les bénéfices des animaux sur l’humain, s’ils ne sont pas encore étudiés en tant qu’effets thérapeutiques, sont manifestes sur le terrain des personnes souffrant d’un trouble. Patricia Glaise Zmudzinski, psychologue clinicienne, s’est spécialisée dans diverses thérapies pour permettre à chacun de juguler ses maux, faire tomber ses verrous, qu’ils soient psychiques, physiques ou sociaux. L’hypnose, l’EMDR, mais aussi la zoothérapie, autre nom donné à la médiation animale. En quoi consiste cette technique, dont les formations se développent en France ? Qui peut en bénéficier ? Patricia Zmudzinski explique sa pratique à Infochalon.

Qu’est-ce que la médiation animale ?

P. Z. : La médiation animale est une technique d’intervention caractérisée par l’assistance d’un animal avec lequel un intervenant, dûment formé, travaille pour maintenir ou améliorer le bien-être d’une personne. En d’autres termes, l’intervenant utilise la qualité du lien entre l’homme et l’animal, qu’on peut qualifier de naturel, spontané et inconditionnel. Lorsque vous vous trouvez en présence d’un animal de compagnie, vous ne vous posez pas de questions, et il ne vous pose aucune question. Les silences ne sont jamais pesants ou ambigus comme ils peuvent l’être avec un humain. On le dit souvent : on ne se sent pas « jugés ». De là vient le fait que nos barrières sociales tombent, que l’appréhension diminue.

Pourquoi avoir choisi d’inclure la médiation animale dans votre approche de psychologue ?

P. Z. : Tout simplement parce que j’y crois ! Je crois profondément aux bénéfices multiples du lien humain-animal. C’est ancré en moi. Enfant, je me sentais davantage proche des animaux qui m’entouraient que des enfants de mon âge. Ce n’est pas qu’une question d’attirance ou de curiosité, mais d’équilibre. Quand les problèmes se bousculent, la seule odeur de mon chien m’apaise ; ou quand je fais de l’auto-hypnose, je visualise la truffe de mon chien et les battements de mon cœur ralentissent. C’est du vécu ! Et je crois qu’on ne peut se lancer dans la médiation animale que si on l’a expérimentée soi-même.

Pourquoi le Québec pour vous former en médiation animale ?

P. Z. : C’est en 2015 que j’ai choisi de suivre une formation au Québec, parce que je voulais orienter ma pratique davantage vers la thérapie plutôt que l’animation, comme c’est le cas en France. Par ailleurs, j’avais déjà entendu s’exprimer Georges-Henri Arenstein, qui est à la fois psychologue et intervenant en médiation animale au Centre l’Authentique à Québec. C’est donc là que j’ai suivi une formation intensive de 15 jours, suivie d’un stage pratique dans le milieu vétérinaire.

Qu’y avez-vous appris ?

P. Z. : On y acquiert des compétences auprès des animaux, qui sont indispensables dès lors qu’on travaille en interaction avec eux. Il y a un langage, chez les animaux, qu’il faut apprendre à décoder. Reconnaitre, par exemple, tous les signaux du chien : quand il va bien, quand il est fatigué, agacé… Savoir qu’un chien qui bâille n’est pas bien, qu’il a besoin d’apaisement. Ce sont des signes qu’il faut savoir décrypter pour s’assurer du bien-être émotionnel du chien. A fortiori pour la médiation animale, qui met en présence l’animal et un patient.

Au Québec, il existe une association qui dispose d’une « banque de chiens » dans laquelle des gens prêtent leur chien pour des visites en EHPAD. C’est apparemment une bonne idée, mais elle a ses limites : il faut très bien connaitre son chien pour le mettre au contact des résidents.

Psychologue : est-ce un atout pour pratiquer la médiation animale ?

P. Z. : Il faut bien distinguer 2 types d’interventions en médiation animale. Il y a d’une part les AAA, Animations ou Activités Assistées par l’Animal. Celles-ci proposent des activités récréatives, ludiques ou à visée pédagogique, comme dans les écoles. L’animal n’est pas considéré comme un médiateur, mais il est le centre d’intérêt principal de l’activité. Cette activité-là n’est pas dirigée par un thérapeute, et le public visé n’est pas obligatoirement en soins. L’association Les Chouettes du cœur fait ce type d’intervention.  

D’autre part, il y a la T.A.A, ou Thérapie Assistée par l’Animal, conduite obligatoirement par un thérapeute. Je peux donc, en qualité de psychologue, utiliser la TAA en appui de thérapies conventionnelles déjà mises en place. Dans ce contexte, l’animal joue un rôle de médiateur entre le soignant et la personne en soins.

Par ailleurs, les psychologues connaissent le fonctionnement psychique humain et sont reconnus par l’ARS (Agence régionale de Santé). Certaines mutuelles peuvent prendre en charge les consultations incluant la médiation animale si elle est pratiquée par un professionnel de santé.

Mais il faut rappeler une chose importante : la médiation animale reste, pour le moment, une façon de travailler et non une profession.

Qui bénéficie de la médiation animale dans votre pratique ?

P. Z. : Je pratique la médiation animale d’abord sur mes lieux de travail. Je suis psychologue dans 2 établissements de Montceau-les-Mines : l’EHPAD Germaine Tillion, et le Safep-SAAAS, un centre pour enfants déficients visuels de l’association Voir Ensemble.

En ce qui concerne les personnes âgées, je me suis spécialisée en faisant un DU en maladie Alzheimer et troubles apparentés, le MAPA, à Paris. Mon mémoire a porté sur les bénéfices de la médiation animale pour Alzheimer. Je vais donc à la résidence Germaine Tillion une fois par semaine accompagnée de l’une de mes chiennes.

Mais je peux également proposer la médiation animale quand on vient me consulter ici, dans mon cabinet, si je pense que ça peut faciliter la thérapie et si, bien sûr, la personne est d’accord. Les troubles traités par la médiation d’un animal sont variés, on peut citer les troubles anxieux et la faible estime de soi. Le chien médiateur parvient à assouplir les résistances. Ainsi, l’alliance thérapeutique c’est-à-dire le lien de confiance se met plus facilement en place. Il arrive qu’un pédiatre ou un médecin spécialisé m’envoie des patients.

Vous avez deux chiennes : Plume et Linzer. Le choix de l’animal est-il important ?

P. Z. : Oui, je ne travaille pas de la même façon avec les deux. C’est la personne et ses troubles qui guideront mes choix. Pour mes séances en EHPAD, je travaille en général avec Plume parce que c’est un Coton de Tuléar, une race de petite taille, elle est donc légère et ses poils ne sont pas allergènes. Elle a 3 ans, elle est vive, démonstrative et c’est important pour les personnes âgées en besoin avéré de contact. Ce qui est amusant c’est que, quand j’entre avec Plume, la personne accorde beaucoup plus d’importance au chien, je suis « la dame au petit chien », on oublie mon nom, mais pas le sien ! Le premier contact se fait donc très facilement, les barrières tombent comme par magie.

Ma seconde chienne, Linzer, est une Cane Corso de 4 ans. C’est une race que je n’ai pas choisie par hasard : c’est un molosse, un chien dont on se méfie d’emblée et je veux casser ce préjugé. Elle est intelligente et têtue à la fois, ce qui est un atout avec certains profils. Je pense par exemple à une personne dont la faible estime de soi était un handicap dans la prise de parole en public. Quand nous travaillions avec Linzer, cette personne devait lui donner des ordres de base, mais, pour être obéie, elle devait affermir sa voix, la placer et réitérer l’ordre au besoin pour que le chien s’exécute. S’affirmer est l’objectif de la séance. Une autre personne, avec laquelle je fais des séances d’EMDR, est en contact physique avec Linzer quand elle revit des traumas violents, ce qui contribue à l’apaiser et la rassurer. Enfin, j’emmène occasionnellement Linzer à l’EHPAD pour le cas d’une dame. Après une opération, elle devait faire un minimum de déplacements, ce qu’elle refusait. Il n’y a qu’avec Linzer qu’elle acceptait de marcher, en se tenant au harnais du chien. Pendant ces séances, nous parlions de ses souvenirs : la présence de l’animal permet au patient de reprendre contact avec ses émotions, il agit comme un stimulant émotionnel et cognitif.

Qu’est-ce qu’un bon chien médiateur ?

P. Z. : C’est surtout la formation de l’intervenant et sa relation avec l’animal qui importent. Et la relation avec son chien passe par l’éducation canine. Quand j’ai commencé la médiation animale, j’avais une femelle Cane Corso déjà adulte, elle s’appelait Shelby. Je devais m’assurer de ses réactions dans un environnement qu’elle ne connaissait pas. Je l’ai donc emmenée chez Gilles Delaye, qui est éducateur et comportementaliste canin (lire l’article). Nous avons beaucoup travaillé sur la marche en laisse, sans laisse et sur un point essentiel : les objets du quotidien. Une casserole qui tombe, l’odeur du gel hydroalcoolique sur les mains, les fauteuils roulants, les cannes… Shelby devait se familiariser avec tous les stimuli qu’elle rencontrerait lors des séances de médiation animale. Je l’emmenais souvent sur le marché pour qu’elle s’habitue à un environnement agité de bruits, de mouvements, d’odeurs. Un bon chien médiateur ne doit pas avoir peur de toutes ces stimulations, parce que la peur engendre des réactions imprévisibles.

Linzer et Plume, je les éduque en respectant les codes du chien : par exemple, un chien qui pleure pour entrer dans une pièce qui lui est interdite, ou qui a peur et se cache au moindre bruit, il ne faut pas aller le consoler, surtout pas ! Ce serait interprété par l’animal comme un renforcement positif : « Oui, c’est bien, pleure, cache-toi » et il répétera ce comportement puisque vous répondez positivement à ses sollicitations. Ça n’a rien à voir avec les réactions d’un enfant.

Un dernier mot ?

P. Z. : Oui, et ce sera sur le bien-être de l’animal, car il est au cœur de notre travail en zoothérapie et il faut le préserver. N’oublions pas qu’un chien a besoin d’avoir une vie de chien, c’est-à-dire jouer avec son maitre, se défouler, aller renifler de nouvelles odeurs… Il ne faut pas avoir peur de dire non, de suspendre un temps le travail de votre animal quand il est fatigué et a besoin de se reposer. Lenzer, par exemple, a subi une opération, un temps de convalescence doit être respecté. Mes gerbilles, avec lesquelles je travaillais en médiation animale, jouissent maintenant d’une retraite bien méritée.
J’ai suivi une formation en EMDR pour le bien-être de l’animal, que je pratique bénévolement auprès des animaux de la SPA. 

J’aimerais faire passer un autre message : dire aux gens qui veulent adopter un animal, quel qu’il soit : « N’allez pas le chercher en animalerie, les conditions de détention sont désastreuses ! » Il ne faut pas encourager ce genre de commerce, les animaux sont vendus comme de vulgaires produits de consommation. Tournez-vous plutôt vers les éleveurs, les refuges et les SPA.

Pour conclure cet interview, rappelons que la médiation animale est le fruit du partenariat humain-animal. Quand cette relation est de qualité, elle peut combler une grande quantité de nos besoins psychoaffectifs et entraîne d’innombrables effets positifs sur la santé physique et mentale. Mais l’animal n’est ni un thérapeute ni un médicament, il reste et demeure un médiateur.

Nathalie DUNAND
[email protected]