Faits divers

TRIBUNAL DE CHALON - Le confinement n'était pas apprécié... et encore moins respecté

TRIBUNAL DE CHALON - Le confinement n'était pas apprécié... et encore moins respecté

« Je préfère faire ça, monsieur ! Parce que franchement, aller en prison pour un bout de papier… » Faire quoi ? Un travail d’intérêt général. Un bout de papier ? Le jeune X, né en 2000 à Chalon-sur-Saône, est poursuivi pour avoir violé plus de trois fois les règles encadrant les sorties pendant le confinement. Cinq fois en tout. Il estime que le compte n’est pas bon.

Le 24 avril dernier, nous étions tous assignés à résidence, découvrant les joies et surtout le stress de vivre en liberté surveillée, « pour le bien commun » rappelle Christel Diez, substitut du procureur. Ce soir-là, peu avant 22 heures, rue Aristide Briand, une patrouille vise cinq personnes agglutinées autour d’une voiture. La police s’approche, cela provoque le départ en sprint de trois d’entre elles. Il en reste deux, l’une a une attestation, l’autre n’en a pas, c’est le prévenu. Consultation du fichier ADOC* qui garde trace de toutes les verbalisations : ça fait 5 fois, le contrevenant est poursuivi au pénal.

Il était juste sorti fumer sa clope, dit-il

Il se présente sans avocat et veut faire une déclaration. Le tribunal l’écoute. « En fait, je voulais dire que certes ils m’ont contrôlé et j’ai reçu six amendes alors qu’ils m’ont contrôlé trois fois. Ils me connaissent. Le 1er avril j’ai eu deux amendes alors que j’ai été contrôlé une seule fois. Le 24 avril, j’ai pas couru. J’aurais pu. On venait de finir de manger, j’étais sorti fumer ma clope.
- Et voir des amis, complète le président Dufour.
- Et voir des amis, oui. Mais ils me contrôlent, ils disent que ça fait six fois alors que ça fait trois fois. Et je ne suis pas la première personne à le dire ! Vu qu’ils nous voient tous les jours. »

Fatalitas semble accrochée au survêtement du jeune homme

« J’étais à 100 mètres de chez moi, chef !
- Je ne suis pas chef, rectifie, à la seconde, le président.
- Monsieur le président, j’étais à 100 mètres juste pour donner quelque chose, et je tombe par hasard sur eux (les policiers), encore une fois. »
Fatalitas semble accrochée au survêtement du jeune homme. Il dit rechercher une formation dans le bâtiment, n’a pour l’heure aucun revenu, vit chez ses parents, a arrêté sa scolarité en seconde. Il était dans un lycée professionnel, il en a été exclu. Il pouvait en intégrer un autre ? Ben, non, parce qu’il avait déjà été viré trois fois.

« Je tourne en rond chez moi, j’ai l’habitude de sortir »

Six condamnations à son casier. Tribunal pour enfant : des dégradations, détention de stupéfiants. Une fois majeur, les mêmes délits. Incarcéré une fois pour inexécution d’un travail d’intérêt général. Il explique que c’était à Châtenoy, que personne ne pouvait le véhiculer chez ses parents pour le déjeuner, qu’il prenait deux bus, qu’il est arrivé une fois en retard de 12 minutes. Viré, puis incarcéré. Les juges sont dubitatifs. Très dubitatifs. Lors de sa récente audition au commissariat, concernant la période où l’on n’avait plus le droit de sortir, sauf à remplir une attestation de déplacement dérogatoire conforme à l’article 3 du décret du 23 mars 2020, il a expliqué : « Je tourne en rond chez moi, j’ai l’habitude de sortir. »

Un travail d’intérêt général

Ses antécédents et son jeune âge orientent les réquisitions de Christel Diez vers une peine de travail d’intérêt général, dans l’espoir de « générer en lui un début de processus de responsabilisation ». « J’ai envie de lui donner une seconde chance. » Elle requiert 140 heures de TIG, avec 4 mois de prison à la clé au cas où.
Le tribunal, après en avoir délibéré, semble favorable à une seconde chance. Déclare le jeune homme coupable, le condamne à une peine de 90 heures de TIG (4 mois de prison si jamais il ne fait pas ce travail).

« J’étais pas le seul ! »

Jusqu’au bout le prévenu s’est défendu avec une pointe d’indignation : « Je ne suis pas le seul à être sorti, aux prés Saint-Jean ! Si j’avais pas voulu me faire prendre, on m’aurait pas pris, mais j’ai grandi. Je sortais juste fumer une clope avec des amis. 
- Rien que ça, ça n’était pas possible pendant cette période, monsieur. »

Florence Saint-Arroman

* ADOC : https://fr.wikipedia.org/wiki/Acc%C3%A8s_aux_dossiers_des_contraventions