Chalon sur Saône

Ce que les hommes en pensent...

Ce que les hommes en pensent...

info-chalon.com célèbre la Journée Internationale des droits des femmes en lui consacrant, tout au long de la journée, une série de portraits de femmes mises à l'honneur. Curieux et forts de notre expérience de l'année passée, nous avons souhaité donner la parole à quelques hommes également. Rencontre avec le chalonnais d'adoption, Michel Bonnet qui a récemment participé aux Assises nationales du mouvement Stop aux violences sexuelles.

Si Michel Bonnet n’est pas Bourguignon d’origine – il est un doux mélange de breton et lorrain – il n’en demeure pas moins qu’il a vécu à Chalon-sur-Saône en 1983 et 1984 avant de venir s’y installer en 1996. Il ne semble pas vouloir en partir car il y a maintenant ses amis !

Il est bien difficile de résumer son parcours de vie et son cursus professionnel car il a concilié ce qui peut paraître à certains inconciliable : officier de l’armée française et journaliste (presse web, radio), militaire et pédagogue, chimiste et littéraire, communiquant et grand lecteur, poésie et bande dessinée…

Aujourd’hui, il préside le conseil paritaire de la publicité, organe essentiel de la régulation professionnelle concerté de la publicité et il enseigne la communication, l’histoire des médias et l’art du reportage, au sein de la licence professionnelle TAIS de l’IUT de Chalon-sur-Saône (Techniques et activités de l’image et du son). Il sillonne la France, ou presque, en compagnie de ses étudiants, de salon en évènement et réciproquement, de façon à leur donner la chance de travailler dans des conditions réelles…

Que vous évoque le 8 mars, Journée Internationale de la Femme ?

Une anomalie ! Oui, dans une démocratie qui se respecte, ce type de journée devrait être inutile car il irait de soi pour tout le monde que les femmes et les hommes ne seraient que des êtres humains et à ce titre strictement égaux en droits, en devoirs, en considération… mais voilà, nous sommes loin du compte, même dans notre pays qui se veut la patrie des droits de l’homme alors c’est l’occasion de continuer à éveiller les consciences, de faire le point sur les avancées ou reculs, de pointer du doigt les plus grosses injustices…

Que pensez-vous de cette journée?

Je pense donc, même si cela énerve quelques esprits chagrins, que cette journée est capitale. Elle doit être l’occasion de mettre en avant que l’humanité n’est qu’un tout, que les femmes, les hommes, les grands et les petits, les jeunes et les vieux, les blancs, les noirs, les jaunes, les métis, etc, etc… ne forment qu’une seule et même race et entité. Ils doivent vivre ensemble et pour cela les actions du 8 mars devraient essentiellement être pédagogiques… Oui, il faut tout faire pour apprendre à vivre ensemble dans le respect total et mutuel les uns des autres…

Au long de votre vie ou de votre carrière, avez-vous été témoin d'inégalités hommes/femmes ?

Je n’ose même pas dire que je vais faire la liste exhaustive de tous les cas rencontrés. J’ai rencontré ces situations tout d’abord dans le sport, puis à l’université, dans l’armée, dans les médias… Bref, y a-t-il un seul endroit où l’égalité et le respect seraient parfaitement en place ?

Je comprends bien qu’il faut donner des exemples pour être crédible. Alors, allons-y ! Je vais en donner deux, un dans le sport et un dans l’armée.

J’ai joué au rugby, j’ai été éducateur de jeunes joueurs et j’ai ouvert une section de ’petits’ où filles et garçons pouvaient jouer ensemble, à un âge où cela ne semblait poser de problème à personne. Puis, vers 10/11 ans, on disait aux filles d’arrêter car ce sport devenait trop dangereux pour elles. On n’en voulait plus de filles dans les clubs, le rugby est une affaire d’hommes, bien sûr !

Un certain nombre de filles, à commencer par une des miennes, ont refusé cette situation et il leur a fallu faire preuve d’une énergie incroyable pour arriver à monter des équipes, à participer à un championnat, à monter même des clubs… J’ai vu ma fille faire des dizaines de kilomètres, pas pour jouer contre un autre club, non, juste pour s’entraîner deux fois par semaine ! Et dans ces temps héroïques, il n’y eut pas beaucoup de joueurs masculins pour les aider… N’allez d’ailleurs pas croire que tout soit réglé aujourd’hui malgré les très bonnes performances de l’équipe de France féminine !

Dans l’armée, maintenant. Je sais que certains râleront de voir cet exemple mis sur la place publique, mais parfois il faut dire les choses… L’armée a ouvert ses rangs aux femmes, ce n’est pas une nouveauté, je dirais même que les choses se sont améliorées au fur et à mesure. Il n’en demeure pas moins que ce n’est pas toujours facile d’être femme dans l’armée (en fonction d’ailleurs des armées, des armes et spécialités). J’ai entendu plus d’une fois des remarques, des commentaires sexistes, parfois j’ai vu des hommes avoir des comportements plus que limites… mais je voudrais évoquer encore quelque chose d’autre… J’ai vu des cadres porter des jugements absolument horribles sur deux femmes qui étaient homosexuelles… J’ai été obligé d’ailleurs de réagir (un peu violemment, je l’avoue) et ce fut l’occasion de prendre conscience de stéréotypes odieux : « l’homosexualité masculine n’existait pas dans l’armée, les tantouses n’avaient pas leurs places dans l’institution – ce qui est terrible pour les homosexuels de cette institution qui existaient bien sûr – et les femmes homosexuelles n’étaient que des mal baisées dont il fallait s’occuper pour leur redonner goût aux hommes… »

Voilà, je ne veux pas en dire plus, je pense que tout le monde comprend bien que cette institution n’a pas encore évolué complètement !

Qu'est-ce qui, selon vous, doit-être mis en place pour un "mieux vivre ensemble"?

Je pense que tout se passe dans l’éducation, ce qui signifie qu’une grande partie de cette préparation au ‘mieux vivre ensemble’ se déroule à la maison, dans la famille… Ce n’est pas sans poser de problèmes dans un pays ou religions, cultures, origines provoquent parfois des regards très différents sur la femme, sa place dans la famille et dans la société, dans le monde du travail. 

Après cette éducation dans la famille, il faut donc que l’école prenne le relais et il est impératif d’être très clair sur ce sujet. Les femmes – jeunes filles pour être précis – ne doivent pas être mises à part pour le sport ou une matière comme la biologie…

Enfin, il faut aider les clubs et associations de toutes natures à proposer des activités mixtes surtout dans les domaines où il n’y a aucune raison de séparer garçons et filles… il semblerait qu’un club de boxe chalonnais ait bien démontré que même cette activité pouvait avoir lieu dans les mêmes locaux, voire même ensemble complètement, à condition de prendre quelques précautions…

Enfin, il faut mettre en place l’égalité stricte des salaires : à formation équivalente, à horaire identique, à compétences de même nature : salaire identique !!! Et que l’on arrête de considérer la grossesse comme une tare, une maladie, une anomalie…

Quel est le meilleur conseil que vous ayez reçu d'une femme? 

Ils ont été très nombreux et j’ai beaucoup travaillé avec des femmes, sans aucun problème professionnel. Mais quitte à évoquer un aspect, je dois dire que si je suis un passionné de cuisine c’est parce que j’ai suivi beaucoup de conseils de ma mère, tout simplement ! Et pour moi, faire à manger au quotidien, ce n’est ni une affaire d’homme, ni une affaire de femme. A la maison, c’est celui qui a du temps, en fonction de nos emplois du temps respectifs, tout simplement. 

Quel est le meilleur conseil que vous ayez donné à une femme?

Etre soi, tout simplement, aller au bout de soi, toujours envisager que faire ce que l’on veut est possible et mettre tout en œuvre pour le réaliser. Mais je donne le même conseil aux hommes. De mémoire, je ne crois pas avoir donné de conseils différents aux hommes et aux femmes, à l’armée ou à l’université.

Quelle est/ Quelles sont les femmes qui vous ont le plus influencé?

Bien sûr, c’est très délicat de répondre car toutes celles qui seraient oubliées pourraient se plaindre et à juste titre.

Dans les autrices, je retiendrais Simone Weil et Hannah Arendt les philosophes, Marie Noël la poétesse, Annie Ernaux la romancière… Aussi Madeleine Chapsal car elle fut plus qu’une romancière, une amie en quelque sorte durant une période et elle était de très bon conseil… 

Après, ce serait les femmes de la famille, surtout à partir de ma mère car je n’ai pas eu de relations privilégiées avec mes grand-mères tandis qu’un de mes grand-père fut très proche. Toutes les femmes de la famille ont apporté, à un moment ou un autre, des regards pleins de force… et j’intègre là aussi mes quatre filles ! Quant à celle qui partage ma vie depuis presque 30 ans, il va sans dire que ce n’est pas seulement un conseil qu’elle a pu donner !

Enfin, dans le monde du travail et dans les associations, elles furent nombreuses à apporter leur pierre à l’édifice construit ensemble… Christine, Rita, Chrystelle, Stéphanie, Patricia, Sabine, Chantal, Magali, Estelle, Nathalie, Marie-Pierre, Virginie, Magali (ce n’est pas une erreur, il y en a eu deux), Isabelle, Karine… Une petite pensée très particulière pour une personne avec qui j’ai travaillé assez longtemps et qui est décédée… Sylvie.

Un être humain, femme ou homme, est toujours influencé par les gens qu’il croise à condition de les écouter, de les regarder, de les respecter. J’ai toujours essayé de le faire même si j’ai pu rater quelques petites choses…  Et tout cela n’est pas terminé et je suis certain de rencontrer encore de très belles personnes pleines de richesses à partager !

Photo transmise par Michel Bonnet