Faits divers

TRIBUNAL DE CHALON - ll ne boit plus, sauf qu’il avait bu, bu sans soif, et voilà le résultat.

TRIBUNAL DE CHALON - ll ne boit plus, sauf qu’il avait bu, bu sans soif, et voilà le résultat.

Rond, taille moyenne, une barbe, un sweat Chicago Bulls, il sort de garde à vue pour être jugé dans la foulée ce jeudi 8 novembre, et il geint plus qu’il ne parle. Pourtant, la veille au petit matin, quand le PSIG de Louhans est intervenu pour le récupérer, il ne gémissait pas, il crachait insultes et menaces. Les menaces, inacceptables. Les insultes non plus, mais le dommage n’est pas le même. Aussi les gendarmes du PSIG sont-ils à l’audience, en tenue.

Monsieur V., 38 ans, est originaire de l’Aube. Il a migré à Louhans pour faire les vendanges, il y est resté dans l’espoir d’un travail dans une entreprise du coin. Monsieur V. est SDF. A la rue depuis plus de 10 ans. « J’avais une amie, on a vécu plusieurs années ensemble. Quand elle m’a quitté, ça m’a fait mal, et je suis retourné (« retourné » ?) dans la rue. » A Louhans il sympathise avec une femme, elle aussi dehors, mais elle n’y reste pas car elle se met en couple avec un monsieur B. Le 6 novembre au soir, monsieur V. se pointe chez eux, passer une soirée « Playstation ». Il arrive les bras chargés : on lui a annoncé qu’il avait obtenu un entretien d’embauche, « j’était si content, ça fait si longtemps que j’espère trouver du travail, que je voulais fêter ça ». Il arrive avec de l’alcool, beaucoup d’alcool, car « je sais qu’ils boivent beaucoup, je me suis dit si j’en prends qu’une, il n’y en aura pas assez ».

Au mot « gendarmes », le gars avait filé comme un pet de lapin

Résultat : tous ivres à des degrés divers en fin de soirée. La femme raconte que monsieur V. s’est jeté sur elle, a tenté de lui arracher son tee-shirt, l’a frappée, et que monsieur B. est intervenu. Bagarre. « Peut-être mais je m’en rappelle plus, madame », répète le malheureux comparant. « C’est douteux, vient à son aide maître Bourg, car aucun PV ne constate de tee-shirt arraché ni quoi que ce soit de ce genre. Les victimes de surcroît ne sont pas là, les circonstances exactes ne sont pas établies. » Une certitude : l’état très avancé du prévenu, que les gendarmes du PSIG de Louhans vont tâcher de récupérer. C’était mal engagé dès le départ car au mot « gendarmes », le gars avait filé comme un pet de lapin, en embarquant le chien de la dame. « Je m’étais trompé de bête, madame, j’avais laissé mon chien. »

Le chef de groupe a usé de son taser

Trois hommes du PSIG arrivent sur les lieux, « Monsieur V. se déplace en titubant, on lui demande de s’asseoir, plusieurs fois, pour parler calmement. Il a refusé, à chaque fois. On a dû employer la force pour le faire s’asseoir, je reçois alors un coup à la nuque et un au tibia », raconte l’un des intervenants. C’est alors que le chef de groupe a usé de son taser. Le prévenu se souvient « avoir été piqué, et être tombé », c’est dire dans quel état il était… Il tombe, se relève et ça fuse. Insultes, et menaces. Ces dernières touchent les familles, les femmes et les enfants. Tout pochtron qu’il est à ce moment-là, il passe une limite de plus : atteindre les militaires en tant que personnes en s’en prenant à leurs proches. « Mais madame, pleurniche le ton geignard, je ne suis pas comme ça… Je pensais pas tout ça, je ferais jamais ces choses…  Je ne bois plus, parce que je sais que ça me rend ‘comme ça’. » Il ne boit plus, sauf qu’il avait bu, bu sans soif, et voilà le résultat.

« J’essayais de m’en sortir, et puis il y a eu cette soirée pourrie »

Maître Bourg demande et obtient des relaxes partielles : les préventions faisaient des paquets cadeaux globaux. Elle précise qui a été frappé, qui a été insulté, qui a été menacé, et demande au tribunal de bien vouloir lui aussi juger cet homme sur ses actes précis, ce que fit le tribunal, prononçant des relaxes partielles. 5 condamnations au casier judiciaire de monsieur V., essentiellement pour un vol, et usage de stups. « Vous vivez de quoi ? – De la mendicité. J’essayais de m’en sortir, là, c’est dur de trouver un travail quand on n’a pas de logement. J’ai la volonté : j’ai commencé des démarches, et puis y a eu cette soirée pourrie, là. » Ce monsieur décrit très bien un processus qu’on observe dans d’autres parcours : s’en sortir, avancer, faire des démarches, poser quelques pierres, et au moment où ça pourrait vraiment se transformer, bim, un passage à l’acte. Retour à la case départ (pas tout à fait), en passant souvent par la case prison.

« Les menaces ont un fort retentissement psychologique sur les personnes »

Marie Gicquaud, substitut du procureur, refait l’histoire, puis, « au-delà de la sanction, il faut que l’audience ait une portée pédagogique, et que monsieur entende que les menaces ont un fort retentissement psychologique et émotif sur les personnes. Alors, quelle peine ? Il n’est plus accessible au sursis simple. » Elle requiert une peine mixte, sans mandat de dépôt. « Il est désormais hébergé chez un particulier, plaide maître Bourg. Il est venu dans l’objectif d’une embauche, il est très investi dans l’association Le Pont. Il a un parcours de vie difficile, et aucun fait de violence à son casier. »

12 mois de prison dont 8 mois de SME

Le tribunal condamne celui qui allume le PSIG puis se fait lamentations, à 12 mois de prison dont 8 assortis d’un sursis mis à l’épreuve de 2 ans, avec obligation de soins, de travail, et d’indemniser les victimes (200 euros pour le gendarme victime de menaces, 400 pour celui victime de coups et de menaces). 50 euros d’amende pour l’ivresse publique. Le tribunal ordonne l’exécution provisoire : les obligations commencent dès cet instant.

Florence Saint-Arroman