Journée Internationale des droits des femmes

Femmes à l'Honneur [Portrait 5] - Anne Bonniaud

Femmes à l'Honneur [Portrait 5] - Anne Bonniaud

Après des études de lettres modernes à Dijon, Anne Bonniaud passe un concours de la fonction publique, elle est nommée à Chalon-sur-Saône, ville où elle est très engagée. Aujourd'hui, elle siège au Conseil d'Administration du planning familial où elle se retrouve dans leurs combats contre les discriminations.

Parlez-nous de votre parcours...

Nommée à Chalon-sur-Saône après un concours de la Fonction publique, j'ai tout de suite aimé cette ville et les personnes que j'ai rencontrées. C'est ici que j'ai élevé mes deux enfants. Je me suis engagée sur des listes municipales, j'ai fait partie des parents d'élèves, j'ai été présidente d'une mutuelle… Puis, j'ai eu la chance de rencontrer Christophe Sirugue et de faire partie de son équipe municipale de 2008 à 2014. C'était une très belle aventure faite de partages, de projets et d'investissement avec les services de la mairie, les enseignants et les parents d'élèves. Aujourd'hui, je me suis engagée auprès du planning familial. 

Que représente pour vous la journée internationale des droits des femmes ?  

C'est le problème des journées spécifiques, on peut faire un focus, mais chacun peut se donner bonne conscience seulement pendant 24h !

Au cours de votre vie ou de votre carrière, avez-vous vécu ou avez-vous été témoin d'inégalités hommes/femmes ?  

Oui, j'ai été témoin d'inégalités où être une femme était synonyme d'infériorité et de mise à l'écart…

Depuis ces dernières années, les politiques tentent de prendre à bras le corps ce problème... La mise en place de la parité vous a-t-elle semblé être une bonne mesure ?  

Oui, c'est une étape importante, mais finalement ce sont les hommes qui mettent en place un quota et nous sommes encore loin d'une véritable parité. 

Pensez-vous que l'image et la place de la femme dans la société française aient évolué ?

Oui, la place de la femme évolue, mais doucement, comme beaucoup de sujets sociétaux où il faut de la patience et de la détermination pour faire évoluer les comportements. 

Être une femme a-t-il déjà été pour vous un handicap ? Une force ?

Je ne me suis jamais posé la question en ces termes. Ça ne représente ni un handicap, ni une force, c'est mon identité.

Comment conciliez-vous vie professionnelle et vie personnelle ?

Je concilie ma vie professionnelle et familiale avec de l'énergie, de l'intérêt, de l'amour et des moments de détente... En tout cas, j'essaye !

Quelle est la phrase que vous aimeriez ne plus entendre ?

N'importe quelle phrase contenant des propos discriminatoires, que ce soit sur les femmes, le racisme ou l'homophobie…

Quelle est votre devise ou votre philosophie ? 

Être positive, croire au meilleur de l'humain, mettre de l'humour et un soupçon d'insouciance. 

Que défendez-vous et que voulez-vous transmettre ?   

Je défends la tolérance, la bienveillance, la liberté de nos choix et de nos valeurs et je pense avoir transmis ces qualités à mes enfants. 

Quelle est, ou quelles sont, les femmes qui vous ont le plus influencée ?   

La 1ère a été Colette et d'autres comme Simone de Beauvoir, Frida Kalho, Anaïs Nin, puis les femmes de ma famille ainsi que mes amies. 

De nombreuses actrices ont pris la parole ces derniers mois, qu'a suscité chez vous l'affaire Weinstein ? 

L'affaire Weinstein a montré l'historique de violences, agressions et harcèlements, faites aux femmes dans tous les milieux socio-culturels. Il est normal qu'après toutes ces années de silence et de rapports de force, la parole se libère avec tant de détermination et de puissance. 

Avant que le scandale n'explose médiatiquement, aviez-vous conscience de l'ampleur de ce problème de harcèlement sexuel ?

Nous sommes nombreuses à avoir été témoins ou victimes de harcèlement. Nous pouvions donc en imaginer l'ampleur à l'échelle mondiale. 

Comprenez-vous que certaines femmes n'aient pas voulu s'exprimer sur le sujet, comme certaines victimes qui ne veulent pas porter plainte alors qu'elles subissent des violences conjugales ?

Nous vivons dans une société faite et pensée par les hommes. Les femmes restent encore dans une minorité qui n'est pas toujours entendue ou soutenue. Je comprends que certaines victimes n'osent pas franchir le pas. Il faut beaucoup de persévérance et être entourée pour porter plainte car le chemin est long et douloureux. D'ailleurs, nous ne pouvons pas ignorer que seulement 10 % des femmes portent plainte et encore moins, sur ces 10 %, obtiennent justice. Pourtant, la reconnaissance d'un statut de victime permet justement aux femmes de s'en libérer. 

L'actrice Cate Blanchett a été désignée pour présider le jury du Festival de Cannes. De nombreux média ont commenté cette annonce en mettant en avant qu'elle avait été l'une des premières femmes à s'être élevée contre Weinstein. N'est-ce pas déroutant que l'on puisse penser qu'elle ait été choisie pour cette raison ?

De tels arguments prouvent que le chemin pour lutter contre la défiance, dès qu'il s'agit de nommer une femme, sera encore long !

Qu'avez-vous pensé du #balancetonporc en France ou #MeToo lancé aux États-Unis ?

Que les femmes se soient affranchies de ce silence, après tant d'années, a fait l'effet d'une bombe. Ces mouvements #metoo et #balancetonporc sont le reflet de la délivrance de la parole et de la revendication d'êtres libres de choisir. Bien sûr, il peut y avoir des abus, des fantasmes et nous pouvons les dénoncer mais sans discréditer l'ensemble des femmes qui désirent avoir une place plus juste dans l'égalité H/F. De  même, si le débat doit être alimenté, les tribunes et prises de position autour du harcèlement : « les importunables » sont arrivées trop tôt. Peut-être fallait-il attendre avant d'ouvrir d'autres discussions et régler des désaccords. Le harcèlement dénoncé aujourd'hui n'est pas lié au jeu de l'amour, de la séduction ou d'une drague, mais bien suite à des violences et des rapports de force. 

Chef, cheffe, auteur, auteure, autrice, madame le sénateur, madame la sénatrice... que pensez-vous de la féminisation de certaines professions et de l'écriture inclusive ?

La forme peut parfois nourrir le fond. Changer les codes peut participer au changement des mentalités. 

Que pensez-vous des féministes ? 

Ce mouvement reste indispensable pour lutter contre toutes les discriminations, culturelles, sociales ou religieuses qui placent les femmes dans un rapport d'infériorité. Sur ce propos, je citerai Christiane Taubira : "le féminisme est un humanisme, ce n'est pas une guerre de tranchées".

Homme/femme, un message pour un "mieux vivre ensemble" ? 

Revendiquer les mêmes droits et libertés, partager des valeurs communes et lutter ensemble contre toutes formes d'exclusion. 

Propos recueillis par SBR - Photo : SBR