Opinion de gauche
Pour le NPA71, "Macron n’a pas sa place à l’Elysée mais à la « Comédie Française »"
Publié le 26 Mai 2020 à 09h41
Le président de la République assure que rien ne sera plus jamais comme avant la crise sanitaire. Mais tout, dans ce qu’il dit ou fait, laisse présager du contraire. D’autant que le même homme avait lancé les mêmes promesses de changement… il y a un an et demi.
C’était le 18 décembre 2018, en plein mouvement des "gilets jaunes". S’exprimant depuis l’Élysée, le président de la République avait pris le ton des grands jours pour amorcer ce qu’il allait bientôt baptiser « l’acte II » de son quinquennat. Au sortir d’une telle crise, il le promettait, plus rien ne serait comme avant.
Un an et demi après, le chef de l’État l’a de nouveau répété: « Sachons, dans ce moment, sortir des sentiers battus, des idéologies, nous réinventer – et moi le premier. » Cette fois, la crise est sanitaire – elle sera aussi économique et sociale –, mais les mots sont les mêmes.
La perspective de 2022 est déjà dans toutes les têtes. Ce coup-ci, ce sera pour de bon. D’ailleurs, les macronistes parlent aujourd’hui de l’« acte III » comme d’une évidence, alors qu’on peine à comprendre à quel moment s’est vraiment joué l’acte II. Les acteurs n’ont pas bougé, les dialogues non plus. Depuis les gilets jaunes, il y a certes eu un « grand débat », mais à quoi a-t-il servi sinon à refaire une campagne à mi-mandat ?
Malgré ce choc venu de la France invisible, l’exécutif a continué à imposer son projet au pas de charge, sans en modifier une seule virgule. Les corps intermédiaires, à qui l’on avait garanti une meilleure écoute, n’ont pas tardé à se rendre compte de la supercherie.
Il leur a suffi de voir entrer en vigueur, en novembre 2019, la réforme de l’assurance-chômage, qualifiée de « tuerie » par le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, pour comprendre que les promesses n’étaient pas au rendez-vous. S’est ensuivi l’épineux dossier des retraites et sa mobilisation sociale sans précédent, qui a finalement débouché sur un 49-3, dégainé deux semaines avant que la France ne soit confinée. Une démonstration par l’exemple que rien, sur le fond comme sur la forme, n’avait réellement changé.
Il aura fallu une pandémie mondiale – et une confrontation avec des infirmières – pour qu’Emmanuel Macron consente finalement à reconnaître timidement « une erreur dans la stratégie ». Concrètement rien de révolutionnaire. Le « plan massif » pour l’hôpital promis dès la fin du mois de mars, peine à se concrétiser. L’Élysée reconnaît d’ailleurs que la réflexion sur la gouvernance hospitalière n’en est qu’à ses « prémices ». La mise en place de la deuxième partie de la réforme de l’assurance-chômage, qui touchera les plus fragiles des précaires, a été renvoyée à la rentrée de septembre. Quant au projet de loi retraites, il est pour l’heure suspendu et devrait être au coeur du débat de la prochaine présidentielle.
L’idée même d’organiser une campagne autour d’un sujet qui a autant mobilisé les Français contre lui en dit long sur la capacité qu’ont certains macronistes de sentir le pays dans lequel ils évoluent. Tout comme le fait qu’une centaine de députés de la majorité aient envisagé que les salariés du privé et du public puissent donner des congés payés aux soignants. À entendre ces propositions, mais aussi à voir la façon dont plusieurs ministres se félicitent des trois premières années du quinquennat, on en viendrait presque à croire qu’on vit sur Jupiter – la planète.
Et les dernières sorties médiatiques de notre « baladin élyséen » impriment, à en devenir ridicules, cette envie irrépressible de crever l'écran, de se répandre dans le mélodrame, d'incarner tout à la fois un Mitterrand frondeur, un Chirac taquin, un de Gaulle « père de la nation », un Napoléon conquérant, un Louis XIV rayonnant. Mais ce jeu de rôles, ce mauvais « Vaudeville » dans lequel se complaît notre « président-acteur », nous fatigue, nous désespère et au-delà de la crise inédite et violente que nous traversons, renforce nos incertitudes, nos peurs. Emmanuel Macron n’a pas sa place à l’Elysée mais à « la Comédie Française ». Il cultive outrageusement cette fâcheuse tendance qu’il a à se mêler de tout, quitte à court-circuiter l’ensemble du système. La nature reprend toujours le dessus. Cette maladroite omnipotence tourne au ridicule, nous renvoie l’image d’un Narcisse schizophrène qui consulte assidûment son miroir pour se persuader qu’il est toujours le « premier », au mépris de tout le reste.
Ses dernières prestations ont plongé une partie de ses soutiens dans un abîme de consternation. Son intervention lundi dernier au sujet de la pénurie des masques a parfaitement illustré cet exercice constant du déni, en assurant face à la caméra qu’il n’y a jamais eu de rupture de stock. Circulez, il n’y a rien à voir ! De même ne comprend-il pas que le personnel soignant se moque éperdument des médailles qu’il envisage de leur remettre. Toute la déconnexion du pouvoir tient pourtant dans ce symbole : ceux grâce auxquels « la nation tient », comme Emmanuel Macron semble en avoir brutalement pris conscience, ne sont pas des enfants qui attendent une récompense en bronze ou vermeil. Ceux qui défilent dans les rues le 1er mai ne sont pas des « chamailleurs ». Ceux qui luttent depuis des années contre les politiques néolibérales qu’on leur impose n’ont pas besoin de « pédagogie » supplémentaire. Ceux qui affichent leur défiance vis-à-vis d’un État en déliquescence ne sont pas des « Gaulois réfractaires au changement ».
Prisonniers de la logique suicidaire d’un théâtreux refoulé, nous ne pouvons être les serviles spectateurs d’un scénario qui tourne à la tragédie. Il semble temps de réfléchir collectivement à une autre logique où les priorités seraient différentes : ne plus dépendre du consumérisme et du productivisme, défendre les communs, protéger les plus fragiles, planifier la satisfaction des besoins et assurer une réelle transition écologique. Le moment est peut-être venu d’utiliser le développement des forces productives autrement qu’au travers de la logique de la croissance, du profit, afin de replacer l’homme et la nature au centre. Tout cela ne pourra se construire qu’en défense des intérêts du travail qui vont être rudement mis à l’épreuve. Les tenants du capitalisme veulent sauver leur monde en rognant ce qu’il reste à éliminer (35 heures, congés payés, contrats de travail, services publics…) pour retrouver les profits perdus.
Vous avez raison Monsieur Macron, rien ne sera plus comme avant et vous n’y pourrez rien, vous n’êtes pas Jupiter mais pourriez être Louis XVI. C’est la fin que je vous prédis, en plus civilisée bien sûr. Je ne vous souhaite pas l’échafaud ni la guillotine. Vous vouliez laisser une marque, vous laisserez une tache.
Jean-Guy Trintignac (NPA 71)
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