Saint-Marcel

En équilibre très instable, l'ours polaire peut se faire des cheveux blancs...

En équilibre très instable, l'ours polaire peut se faire des cheveux blancs...

La veille de la Journée mondiale du climat, la bibliothèque municipale de Saint-Marcel a été le siège d’une conférence d’Alexis Révillon, salarié à l’A.O.M.S.L. (Association ornithologique et mammalogique de Saône-et-Loire dont le quartier général est établi à Chalon-sur-Saône), portant sur l’ours polaire, et le réchauffement climatique. Un auditoire composé d’une trentaine de personnes au profil transgénérationnel a bu les paroles empreintes de didactisme, d’humour, et parfois de catastrophisme, rehaussées par le ressenti provoqué par les photos et les vidéos. Le hic, c’est que le bon vieux nounours de notre enfance risque de considérablement se raréfier à cause des bonnes suées occasionnées par l’être humain…

Une belle expérience engrangée

En guise d’introduction, la bibliothèque présentait une exposition sur les énergies, et le lendemain devenait-elle le réceptacle d’un atelier sur l’isolation naturelle, afin de donner des outils pour agir au quotidien. C’est dire si Alexis –tout le contraire de « L’homme qui a vu l’homme qui a vu l’ours » ne débarquait pas en terre inconnue, lui qui a été guide pour une compagnie d’écotourisme quatre étés durant, ce au Spitzberg (la plus grande île du Svalbard, archipel norvégien de l’océan Arctique) ! Classé comme mammifère marin, l’ours blanc (ursus maritimus) est l’archétype du changement climatique et de la géopolitique dans un secteur que l’on évoque pour l’heure que très peu… 

« …les ours bruns montent de plus en plus vers le nord… »

Sur la partie septentrionale de la planète trois grands écosystèmes forment les régions de l’Arctique, « où en été la température ne dépasse pas 10° »  avec le permafrost : la toundra, la taïga (« en termes de production d’oxygène, elle est aussi capitale au moins que l’Amazonie »), et la banquise. Ce n’est pas l’ours à lunettes, l’ours noir, l’ours brun, le panda géant, l’ours des cocotiers, l’ours lippu ou l’ours à collier, ses congénères, que l’orateur permettra de découvrir plus intimement, mais l’ours polaire, « né à la base de l’ours brun. Celui-ci a migré il y a 600.000 ans, et est passé aux régions arctiques. A cause du réchauffement climatique il y a eu une hybridation, car les ours bruns montent de plus en plus vers le nord… »  

La biologie et l’éthologie de l’animal ont été sérieusement dégrossis

Accusant le très respectable poids de 400 à 800 kilos, l’ours blanc mesure de 2,50 à 3 mètres, et a une espérance de vie de vingt-cinq ans en moyenne. Songez que sa vitesse de pointe est de 40 km/h, ce qui fait qu’opposé au sprinteur Usain Bolt il ne serait pas spécialement à la traîne, le Jamaïcain ayant atteint une vitesse maximale de 44,72 km/h au cours de son record du Monde du 100 mètres… »Quand il chasse, il pratique le sprint comme le lynx. En phase d’accélération, il fait du dix mètres par seconde ! Chacune de ses pattes pèse à peu près cent kilos, et il a des molaires qui trahissent qu’à la base il était herbivore », a confié Alexis. Question régime alimentaire, l’intervenant a également révélé que le phoque annelé était sa proie principale, surtout des femelles, tandis que le phoque barbu est plutôt attrapé par les mâles. Il est notamment dit que l’ours blanc est capable de repérer un phoque à trente kilomètres grâce à ses effluves ! Quand il n’a pas trouvé sa pitance, le colosse à la blancheur immaculée jeûne, une privation de nourriture qui peut durer largement plusieurs semaines ! En fait, il va surtout se concentrer sur la graisse de sa victime située sous la peau, et s’il se révèle particulièrement affamé, alors engloutira-t-il muscles et tripes. Le morse est susceptible de faire partie de son butin, mais il s’agit d’un « pari dangereux » à cause de ses défenses, car des ours avec des trous dans les épaules ont été aperçus. Courageux mais pas téméraire, le grand prédateur créera des mouvements de panique au sein de la population de morses, afin de s’en prendre à des jeunes.  Pour « ceux qui ont loupé le train de la banquise », l’ursidé se rabattra sur les œufs et les poussins d’un oiseau, le guillemot de Brünnick. A l’occasion il fera de son repas un renne, et puisqu’il est aussi charognard, une baleine échouée s’avèrera en mesure de faire l’affaire. Du côté des espèces dépendantes de l’ours, citons la mouette blanche ou mouette ivoire, ainsi que le renard polaire.

Le devenir de la région ? Du business !

A l’échelon mondial, ce sont 25.000 ours blancs qui ont été recensés. Pour combien de temps ? Les prévisions sont alarmistes. « On pense que 60 à 70% d’entre eux seront perdus en 2050 », a lancé péremptoirement Alexis Révillon. Pour le chargé d’études-animateur de l’A.O.M.S.L. le réchauffement climatique est indéniable : « C’est mentir que d’émettre un doute. Ce ne sont plus des climatosceptiques, mais des climatomenteurs ! » Le rapport de cause à effet ne prête pas à confusion. « Si moins de banquise, moins de phoques, car c’est là qu’a lieu la mise bas. Si moins de phoques, moins d’ours », a déploré le conférencier. L’avenir n’est guère glorieux. « L’ours blanc est-il dans une impasse écologique ? Pour l’alimentation, il peut s’adapter. Après, il s’éteindra peut-être à l’horizon 2100. Il y aura de plus en plus d’ours bruns au nord, et donc de plus en plus de métissage. » Ces contrées sont appelées à modifier leur physionomie plus ou moins radicalement, en raison de la géopolitique qui fera levier au moyen des tractations politiques subordonnées à la chasse à la baleine et à la morue, l’exploitation des minerais, aux zones de tourisme (maritime, terrestre, écologique, d’aventure, aérien et de nature)…Les enjeux sont considérables, aptes à attiser les diverses convoitises, lorsque l’on sait que l’Arctique recèle plus de 50% des réserves de gaz et de minerais du Monde…Alexis aimerait être optimiste, mais l’inexorable déroulement des choses prend le chemin inverse. « Le transport maritime bouge en ce moment. Des dizaines de milliers de cargos pourront passer, et on n’en parle jamais, alors que le futur économique de plusieurs pays se joue là, même le nôtre… »

 

Photo d’Alexis Révillon pour les ours                                     Michel Poiriault

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