Opinion de gauche

Loi sécurité - "Une abstention offensive et vigilante"- La députée de Saône et Loire, Cécile Untermaier, explique son vote

Loi sécurité - "Une abstention offensive et vigilante"- La députée de Saône et Loire, Cécile Untermaier, explique son vote

"Loi sécurité : un abstention offensive et vigilante

Reconnaissons les avancées contenues dans le projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur (LOPMI), notamment l’effort budgétaire important de 15 milliards consenti pour augmenter les effectifs (8 500 embauches sur cinq ans) et moderniser notre police afin de lutter contre une criminalité et une délinquance en pleine mutation numérique. En revanche, peu de choses sur la formation de ces futurs agents de l’État. 

Les amendes forfaitaires délictuelles ont été vivement contestées dans nos rangs. Elles permettent aux forces de l'ordre de verbaliser, sans passage devant le juge, des infractions constitutives d'un délit selon le code pénal. Pour ma part, je considère qu'elles sont opportunes, dès lors qu'elles correspondent à des contentieux de masse, sans appréciation utile du juge. Aucune réponse pénale n'est apportée à ce jour à ces délits, faute de magistrats en nombre suffisant. Cela ne va pas régler la question des stocks et des classements sans suite dénoncés par les justiciables. 

En revanche, ce texte pose la grave question de l'indépendance de l'autorité judiciaire. Il place désormais la police judiciaire, c'est à dire les spécialistes des enquêtes décidées par le procureur ou le juge d'instruction, sous le contrôle du directeur départemental de la police nationale et du préfet. Le ministre de l'Intérieur a refusé de bouger ne serait-ce que d’un centimètre. Tout au plus, après s'être défendu de toute OPA sur le domaine de compétence du garde des Sceaux, a-t-il promis que le projet de décret portant cette importante réforme de la police nationale, serait examiné en commission des Lois avant sa publication. Nul ne s’y trompe : ni les policiers concernés bien sûr, ni les procureurs généraux, ni les avocats. Tous s’opposent à cette départementalisation de la police nationale porteuse de grands risques et de grands dangers. 

Nous avons pris acte de l’adoption en commission ou en séance d’une quinzaine des amendements que nous avons soutenus inlassablement toute la semaine dernière : confidentialité des plaintes en ligne, élargissement des possibilités de dépôt de plainte en dehors du domicile, circonstances aggravantes en cas d’outrage sexiste et sexuel, publication annuelle des chiffres des effectifs nets de la police par département, création d’un comité de déontologie présidé par une personnalité extérieure désignée par le vice-président du Conseil d'Etat... Des points importants certes, mais qui ne répondent pas à l'inquiétude de voir un procureur sous le contrôle indirect d'un préfet et ne plus pouvoir offrir la garantie de l'impartialité de l'enquête. 

Les groupes de gauche ont voté contre ce texte. Le groupe Socialistes et apparentés a voté l'abstention, à ma demande et celle de mon collègue Roger Vicot, commissaire aux Lois, faisant ainsi la part entre les crédits massifs consacrés à la sécurité et la  question constitutionnelle de l'indépendance de la Justice. Il s’agit d’une abstention offensive et vigilante, susceptible d’évoluer selon les modifications que ce texte connaîtra."

Cécile Untermaier