Société

L'amende forfaitaire délictuelle contestée

L'amende forfaitaire délictuelle contestée

Instaurée en 2018 et étendue depuis sous couvert de décharger les tribunaux, l'amende forfaitaire délictuelle essuie de nombreuses critiques. Dans une récente décision, la Défenseure des droits recommande même d'y mettre fin.

Habituelle en matière de contravention, l'amende forfaitaire s'étend à certains délits depuis 2018 afin de « permettre un traitement rapide et efficace des procédures les plus simples, et de rendre les sanctions pénales plus effectives », dixit le ministère de l'Intérieur. Plutôt que d'en passer par un procès, cette sanction pénale pécuniaire est donc directement infligée par un policier, un gendarme ou un agent public habilité qui constate l'infraction.


UNE SOIXANTAINE DE DÉLITS CONCERNÉS
Cette procédure s'applique notamment pour réprimer la conduite sans assurance (sanctionnée par 500 €), la conduite sans permis (800 € d'amende) et l'usage illicite de stupéfiants (200 €). Depuis 2021, elle fait également l'objet d'une expérimentation locale pour sanctionner l'occupation illicite de terrain public ou privé (500 €), ainsi que l'occupation des halls d'immeuble (200 €). Or, d'après le gouvernement, ce « mode simplifié de jugement » est efficace puisque 840 000 amendes forfaitaires délictuelles ont été délivrées depuis 2018, dont 330 000 pour stupéfiants depuis 2020. Forte de ces résultats, la loi du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (LOPMI) a étendu le dispositif qui concerne désormais près d'une soixantaine de délits. Citons pêle-mêle la vente à la sauvette, les tags, la filouterie de carburant, l'intrusion dans un établissement scolaire ou encore l'outrage sexiste et sexuel.


L'OPPOSITION DE LA DÉFENSEURE DES DROITS
C'est dans ce contexte d'extension tous azimuts que la Défenseure des droits a rendu une décision polémique le 31 mai 2023 en recommandant de supprimer l'amende forfaitaire délictuelle (AFD). Cette autorité administrative indépendante est en effet saisi de nombreuses réclamations sur le sujet depuis 2018 et a constaté « des difficultés dans la mise en œuvre de la procédure qui compromettent le respect des droits des usagers ». Et d'évoquer « un risque d'arbitraire » dans le choix par l'agent verbalisateur de recourir ou non à cette procédure exceptionnelle, de potentielles « erreurs de qualification des faits » et une « complexité des règles de contestation ». Sans oublier de rappeler que ces amendes délictuelles dérogent à des principes fondamentaux que sont le droit d'accès au juge, les droits de la défense, le principe d'opportunité des poursuites et celui d'individualisation des peines.


Autant de critiques balayées par le ministère de l'Intérieur qui, dans un communiqué publié le jour même, considère que « les arguments présentés pour justifier la suppression pure et simple de la procédure d'AFD ne sont pas fondés ».


Julie Polizzi