Côte chalonnnaise

TRIBUNAL DE CHALON - A Buxy, « Donc le 30 novembre, vous aidez à un déménagement et vous finissez tous soûls ? - Oui. »

TRIBUNAL DE CHALON - A Buxy, « Donc le 30 novembre, vous aidez à un déménagement et vous finissez tous soûls ? - Oui. »

Le prévenu était soûl mais pas seulement : pas de permis de conduire, pas d’assurance, pas de contrôle technique, carte grise pas à jour et puis du cannabis. Bonjour le déménagement, et bonjour les gendarmes.

Les gendarmes qui, appelés aux environs de 16 heures, pour « la circulation étrange » d’une camionnette sur la commune de Buxy, viennent constater les causes de cette conduite hasardeuse. Ils immobilisent immédiatement le véhicule. 
Le conducteur est ensuite conduit à la brigade pour être soumis à l’éthylotest (1 gramme d’alcool par litre de sang). On prend son adresse et son numéro de téléphone, puis il repart car un de ses amis peut le raccompagner. Or l’ami va peu après alerter la brigade : son pote a repris le volant, la camionnette n’est plus là. 

Un feuilleton

Le 22 février, les gendarmes actent l’impossibilité de joindre monsieur par téléphone, et il est absent à chaque fois qu’on passe à l’adresse indiquée. Il faut passer par la CAF pour avoir son adresse. La gendarmerie le convoque courant avril mais il ne vient pas, parce qu’il est, ce jour-là, à une fête d’anniversaire. « La fête avait lieu à Bourg en Bresse », précisera maître Peleija, ce qui le coinçait sur place, car il ne conduit pas. Mais au moins a-t-il prévenu les autorités de sa défection.

Bref, il est interpellé dimanche dernier, le 5 mai, dans une fête foraine, porteur d’un couteau, d’un peu de cannabis et alcoolisé. « Vous êtes piéton, on vous place en cellule de dégrisement », explique le président Marty. L’homme est présenté au procureur de la République le lendemain, lundi 6 et placé sous mandat de dépôt le jour même. C’est ainsi qu’une escorte d’agents de la pénitentiaire l’a extrait de sa cellule pour le conduire devant les juges ce vendredi 9 mai, dans l’épais silence d’un jour qu’on dirait férié. 

Côté face, un casier et au moins une addiction

L’homme, né à Saint-Vallier il y a 35 ans, présente deux profils. D’un côté, son casier judiciaire porte 13 mentions dont 12 condamnations, - - soit une par an, pour des vols et des dégradations, des délits routiers similaires à ceux qui sont jugés aujourd’hui, et deux pour violence - avec ça il a déjà été incarcéré 3 fois et il comparaît en état de récidive légale. Profil addict, aussi. Alcool (il s’en défend), produits stupéfiants et méthadone. 

Côté pile : « j’aime mon métier »

Sur l’autre versant c’est un homme qui a une profession, il est qualifié et, dit-il, « j’aime mon métier ». Pour autant, et alors qu’il avait un logement depuis plus d’un an, il avait acheté cette camionnette, « pour 150 euros, et je l’avais mise sur cale, sur le terrain de mon père, pour y vivre. Je n’arrivais pas à rester dans l’appartement ».
Sur une question d’un des assesseurs, il affirme que désormais il se sent mieux dans son appartement, parce que son frère n’est pas loin, son employeur non plus, du coup « je me sens épanoui par mon travail, et ils savent que je n’aime pas la solitude, je me sens mieux ».

« Des problèmes de compréhension »

Charles Prost, vice-procureur, a pourtant « le sentiment que monsieur ne mesure pas la gravité de la situation ». Le prévenu est en récidive, et même si le procureur pense qu’il a « des problèmes de compréhension » (il croyait pouvoir transporter sa camionnette sur un plateau, malgré l’immobilisation ; il a déclaré 3 condamnations au lieu de 12 – cela dit les 3 condamnations en question sont à coup sûr celles qui l’ont conduit en prison, ndla), le magistrat estime qu’il n’a aucune prise de conscience par rapport à l’alcool, « pas de projet de vie », « pas de soins » pour sortir de ses addictions. Enfin, le procureur relève « une inaptitude à respecter des mesures destinées à l’aider ». Il requiert la peine de 15 mois de prison avec maintien en détention.

Le chemin parcouru, le pilier du travail (aimé)

Sans rien contester, ni des infractions ni des difficultés du prévenu, maître Peleija souligne, elle, et surligne, même, le chemin parcouru. « Monsieur l’a dit, ce qui lui tient la tête hors de l’eau, c’est son travail. »  Elle produit une attestation de l’employeur : « bon élément dans l’entreprise », « tout se passe bien ». 
« Faut-il mettre ce parcours en question aujourd’hui ? Au vu de tout ce qu’il a accompli et qui n’est pas facile pour lui ? Il tient son emploi, parvient à se maintenir dans son appartement, en a régularisé tous les loyers. Il ne devrait pas être en comparution immédiate, c’est la difficulté à le localiser puis le défaut de réponse à une convocation qui l’ont conduit ici. »

Décision : 10 mois ferme puis deux ans de probation

Le tribunal le dit coupable de tout ce qu’on lui reproche et le condamne à la peine de 20 mois de prison dont 10 mois sont assortis d’un sursis probatoire pendant 2 ans avec obligations de travailler, de se soigner, de passer les épreuves du permis de conduire et de justifier de la remise de son véhicule ou de prouver sa destruction (peine complémentaire : confiscation du véhicule si jamais il l’avait gardé – il dit l’avoir remis à un ferrailleur pour destruction). 
Pour les 10 mois de prison ferme : le tribunal aménage la peine en détention à domicile sous surveillance électronique (DDSE, port d’un bracelet). L’homme repart en prison. Un juge de l’application des peines a 5 jours pour fixer le cadre et les modalités (horaires) de la peine. 
Il devra payer deux amendes de 150 euros et aussi 337 euros de droit fixe de procédure (droit beaucoup plus cher quand il est question de produits stupéfiants, en dépit de la ristourne habituelle de 20 % si la personne paie dans le mois).  

FSA