Cinéma

Au cinéma Nef en ce moment à Chalon : voyage dans le temps avec « La French »

Au cinéma Nef en ce moment à Chalon : voyage dans le temps avec « La French »

Dans les salles obscures depuis quelques semaines, La French [1] a récolté quelques critiques au vitriol, dont celle de Fabrice Pliskin, dans L’Obs : « Dujardin contre Dujardin ». Le sentiment d’Info-Chalon sur ce film actuellement projeté au cinéma Nef de Chalon-sur-Saône.

« Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours voulu être un gangster… » Les amateurs de Martin Scorcese, l’homme à qui l’on doit ce qui, avec Le Parrain de Francis Ford Coppola, est probablement l’un des meilleurs « films de mafieux » jamais tournés [2], auront sans doute reconnu la toute première phrase des Affranchis [3], long-métrage mythique pour toute une génération, à laquelle appartient votre serviteur : celle de ceux qui, nés après les chocs pétroliers, n’ont connu comme réalité depuis leur naissance qu’ « un monde où le sexe, la bouffe, l’air qu’on respire [représentent] des risques sanitaires qu’il faut accepter en même temps que le chômage de masse et le management par la terreur » [4]. La génération de ceux qui ne se souviennent « du monde d’avant que par ces films français des années soixante-dix » [4], dont ils sont si friands [5]. La génération de ceux qui ne trouvent un peu de réconfort qu’en matant ces films mettant en scène des histoires se déroulant pendant l’époque « bénie » des Trente glorieuses (1945-1975), ce contrepoint temporel de leurs Trente piteuses. Des films essentiellement « Made in America », à l’instar de Forrest Gump, Boogie nights, Pulp fiction ou…des Affranchis.

 

Ceci posé, le temps où les Etats-Unis détenaient une large part du marché de cette nostalgie d’un monde que les trentenaires n’ont pas connu – le « monde d’avant » -, sur cette étrange Madeleine de Proust… ce temps-là est peut-être en passe d’être révolu. Votre serviteur l’avait déjà pressenti avec le Mesrine en deux parties de Jean-François Richet [6], le cinéma français taille de belles croupières aux « Ricains », à qui il dispute le droit de produire et distribuer des films capables de réussir la reconstitution d’une époque que d’aucuns aiment idéaliser parce qu’elle représente l’exact contraire du monde pourri dans lequel ils croupissent. Cette ère du vide, cette « ère de rien » [7], sans espoir. Le monde d’ « Après l’histoire », comme l’appelait Philippe Muray [8]. En tout cas, « après avoir vu La French, vous ne penserez plus que seuls les Anglo-Saxons réussissent de tels films » [9].

 

Car avec La French, c’est plus qu’un (très bon) film-dossier que le réalisateur, Cédric Jimenez, connu des services d’Info-Chalon pour l’excellent Aux yeux de tous, offre à voir aux spectateurs. Certes, « quelques quarante ans plus tard, La French revisite [un] moment-clé dans l’histoire du grand-banditisme, et d’une ville depuis toujours hantée par le ‘’Milieu’’ » [10], cette cité phocéenne qui n’en a certainement pas terminé avec la pègre. Néanmoins, en mettant en scène, « l’affrontement magnétique » [10] entre un magistrat (le juge Michel, joué par un Jean Dujardin au mieux de sa forme) et celui qui fut un temps le parrain de Marseille (Gaëtan Zampa, magnifiquement campé par un Gilles Lellouche saisissant), La French boxe assurément ailleurs : dans la catégorie des films appelés à devenir cultes pour toute une génération qui redresse aujourd’hui la tête quand elle entend Xavier Dolan défier ceux qui ne nous incitent jamais qu’à renoncer, en lançant au monde entier que : « tout est possible à qui rêve, ose, travaille et n’abandonne jamais ».

 

Un film qu’il faut assurément voir.

 

S.P.A.B.

 

[1] 2014. Durée : 2 h 15

Bande-annonce :  HYPERLINK "http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19548777&cfilm=221419.html" http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19548777&cfilm=221419.html 

 

[2] Les 25 meilleurs films de mafieux, Sens critique

Lire l’article :  HYPERLINK "http://www.senscritique.com/top/resultats/Les_meilleurs_films_de_mafieux/326724" http://www.senscritique.com/top/resultats/Les_meilleurs_films_de_mafieux/326724 

 

[3] 1990. Durée : 2 h 25.

Bande-annonce :  HYPERLINK "http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19413994&cfilm=5969.html" http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19413994&cfilm=5969.html 

 

[4] Jérôme Leroy, L’ange gardien, Gallimard, coll. « Série noire », 2014, p 235, 18,50 euros

 

[5] Par exemple : Le grand blond avec une chaussure noire (Yves Robert, 1972), Un éléphant ça trompe énormément (Yves Robert, 1976), Les valseuses (Bertrand Blier, 1974).

 

[6] 2008. L’instinct de mort (partie 1) et L’ennemi public n°1 (partie 2)

Bandes-annonces : 

 HYPERLINK "http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=111809.html" http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=111809.html (partie 1)

 HYPERLINK "http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19413994&cfilm=5969.html" http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19413994&cfilm=5969.html (partie 2)

 

[7] « L’ère de rien » est le titre d’un album du groupe de rock français Blankass. Enregistrée dans le Berry, il est sorti le 2 février 1999, chez Universal.

[8] Philippe Muray, Après l’histoire, Gallimard, coll. « Tel », 2007, 686 p, 18 euros

 HYPERLINK "http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Tel/Apres-l-Histoire" http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Tel/Apres-l-Histoire  

Sur cette notion, lire l’excellent essai d’Alexandre de Vitry : L’invention de Philippe Muray, Carnets Nord, 2011, 283 p, 20 euros

 

[9] A.M., in Version femina, 1.12.2014, p 14

 

[10] Cécile Mury, in Télérama, n°3386, 3.12.2014, p 67