Cinéma

Un peu beaucoup aveuglément, de Clovis Cornillac : Info-Chalon a aimé un peu .... beaucoup .... passionnément

Un peu beaucoup aveuglément, de Clovis Cornillac : Info-Chalon a aimé un peu .... beaucoup .... passionnément

Acteur, Clovis Cornillac a décidé de passer derrière la caméra pour un réaliser un film en ce moment projeté au cinéma Nef. Le sentiment d’Info-Chalon.

« Clé du bonheur, en sept lettres ? ». C’est ce que demande à sa femme un homme en train de faire des mots fléchés dans son lit, en attendant le passage du marchand de sable. « Cloison », répond celle-ci du tac-au-tac, d’un ton légèrement exaspéré. C'est-à-dire le mot servant habituellement à désigner une paroi plus légère que le mur, ce qui divise à l’intérieur d’un lieu ou détermine des compartiments.

Une étrange réponse ? Si l’on a remarqué que le couple qu’elle forme avec cet homme n’est pas franchement idyllique et que l’on devine que les rares instants de répit que lui offre son union avec ce dernier se confondent avec les moments où celui-ci se tait ou se trouve loin d’elle, c’est plutôt une réponse qui va de soi. Ceci étant, ce n’est sans doute pas seulement parce qu’elle ne peut plus voir son mari en peinture qu’elle répond cela. Mais bien plutôt parce qu’elle a désormais en tête l’étrange histoire qu’est en train de vivre sa sœur, une pianiste timide en train de passer un concours important et qui, ayant loué une espèce de chambre de bonne dans le centre de Paris, a décidé de se mettre en couple avec son voisin. Un homme qu’elle n’a jamais vu, qu’elle a « rencontré » en échangeant avec lui au travers de la maigre cloison séparant leurs logements respectifs.

« Cloison », parce que la belle et pure relation naissante entre sa sœur et cet homme un peu bourru et sur le chemin de la misanthropie, qui reste cloîtré chez lui à longueurs de journées pour mettre au point un casse-tête délirant – il est concepteur de jeux, semble tirer toute sa force du fait que ni l’un ni l’autre ne se voit en raison, précisément, de la cloison qui leur interdit de le faire, sans pour autant les priver de la possibilité d’échanger, discuter, rire, entretenir une complicité d’amants.

« Cloison », parce que l’attraction d’ordre intellectuel engendré par cette curieuse situation paraît être la clé de leur drôle de bonheur : leur histoire d’amour hors norme. Une histoire préservée du délitement classique guettant habituellement les couples, car protégée de la promiscuité et des affres du quotidien, ce tue-l’amour bien connu du chanteur Joe Dassin qui, dans Salut les amoureux [1], avait esquissé ses effets délétères en matière de relation amoureuse.

 

Pour être franc, en se rendant au cinéma Nef pour voir ce film, votre serviteur d’Info-Chalon appréhendait un peu de se retrouver devant l’une de ces nombreuses déjections intimistes qui, en recrudescence depuis quelques années, font le bonheur de cette « classe des éduqués supérieurs » identifiée et étrillée par Emmanuel Todd en 2008 [2], plus communément connue sous le nom, un peu fourre-tout et imprécis, de « bobos ». Bref, votre serviteur craignait un peu de perdre une heure trente de sa vie.

Fort heureusement, cela n’a pas été du tout le cas, même si le film intéressera probablement ladite « classe des éduqués supérieurs », ces « bobos » dont on parlait il y a quelques instants. Un peu beaucoup aveuglément, long-métrage de Clovis Cornillac [2] plutôt drôle, bien filmé, bien rythmé, est une belle invitation à méditer les conditions qu’une relation amoureuse doit réunir pour être qualifiée d’épanouie. Plus exactement, il conduit à remettre en question nombre de pratiques, interroge la notion même de couple heureux. Bref, il fait réfléchir. Et ceci est d’autant plus appréciable qu’il le fait sans pour autant nous prendre la tête avec des développements sophistiqués, comme se croient obligés de le faire certains réalisateurs soporifiques, dont on taira le nom par charité.

A voir, que vous ayez ou non rencontré cette âme que l’on dit sœur.

 

S.PA.B.

[1] https://www.youtube.com/watch?v=SkEyV7_eNBs

 

[2] Emmanuel Todd, Après la démocratie, Gallimard, 2008, pp 83-84

 

[3] 2015. Durée : 1 h 30

Bande-annonce :

http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19552492&cfilm=231703.html