Cinéma

Ne manquez pas l’immanquable, cette semaine à l’Axel à Chalon

Ne manquez pas l’immanquable, cette semaine à l’Axel à Chalon

« Dear White people », de Justin Simien est actuellement programme à l’Axel. Un immanquable qu’il ne faut…pas manquer.

« Dear White people ». En français : « Chers Blancs ». C’est ainsi que débute chacune des émissions de radio animée par Samantha, une sorte de passionaria black nettement influencée par le mouvement des Black Panthers et qui a sans doute un peu trop vu le Malcom X de Spike Lee sans en comprendre le message subliminal, à savoir qu’il est inutile, par réaction, de s’enfermer dans la détestation racialisante d’un groupe parce qu’une partie de celui-ci vous rejette et vous méprise en raison de votre couleur de peau.

Car l’émission de radio de Samantha, sous couvert de brandir avec fierté une « culture noire »  un peu idéalisée sur un campus universitaire où les « Blancs » sont majoritaires, est souvent borderline. Limite raciste, ladite émission semble surtout hors de propos. En effet, l’Amérique dans laquelle nous plonge ce film de Justin Simien [1] n’est plus celle du Mouvement des droits civiques et des bavures policières qui jalonnaient ses actions, cette époque violente où le pays de l’Oncle Sam finissait par admettre que, s’il avait aboli l’esclavage un siècle plus tôt au prix d’une guerre civile – la Guerre de Sécession -, il ne valait pas beaucoup mieux que l’Afrique du Sud et son sinistre régime d’Apartheid.

Et pourtant…la vindicte de Samantha à l’égard des Blancs est-elle finalement aussi illégitime qu’elle y paraît de prime abord ? C’est la thèse du film : pas tant que ça, non. Et, de fait, si l’on peut éprouver l’impression que le combat de cette dernière et de ses acolytes est un combat sans objet, on comprend très vite, au travers de nombreuses scènes inspirées de faits divers actuels, que le racisme à l’égard des « Noirs » est loin d’avoir disparu aux Etats-Unis.

Ceci étant dit, l’intérêt du film ne réside peut-être pas tant dans l’idée qu’il véhicule de façon pas très subtile, à savoir qu’il ne faut jamais baisser la garde face au racisme et à la xénophobie, la bête ne demandant qu’à se réveiller, mais dans ce qu’il rend visible : la difficulté que nous avons tous de devenir nous-mêmes quand tout semble conçu pour nous enfermer dans des cases, nous réduire à une caractéristique, au détriment de toutes les autres : « Noir », « Blanc », « homo », « hétéro », « juif », etc.

De ce point de vue là en effet, le film de Justin Simien est une vraie réussite et parvient avec humour et finesse à rendre clair à tout esprit qui n’a pas cessé de fonctionner que ce qui nous aliène et nous empêche de donner toute notre mesure est la propension de chacun d’entre nous à se définir selon des identités préfabriquées, ce prêt-à-porter existentiel fourni par nos sociétés, qu’une certaine forme de paresse intellectuelle dissuade d’interroger. Une belle illustration cinématographique de l’idée selon laquelle ce n’est pas parce qu’on est « noir » qu’on doit aimer le manioc.

On attend désormais avec impatience le film qui fera comprendre aux hommes que ce n’est pas parce que l’on est un connard né quelque part, pour paraphraser Brassens, qu’on doit le rester.

 

En attendant, faîtes donc un détour par le cinéma Axel, qui a eu la bonne idée de projeter cet « immanquable », ainsi que son directeur, Lionel Chaffiol, appelle ces films qui méritent assurément d’être vus.

 

S.P.A.B.

 

[1] 2015. Durée : 1 h 48

Bande-annonce :

http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19550806&cfilm=225928.html