Cinéma

A l’Axel de Chalon en ce moment : « Le Petit Prince », de Mark Obsorne – Un film pour les petits, mais surtout pour les grands

A l’Axel de Chalon en ce moment : « Le Petit Prince », de Mark Obsorne – Un film pour les petits, mais surtout pour les grands

Ce dimanche, le cinéma Axel projetait en avant-première Le Petit Prince, film d’animation de Mark Osborne, qu’Info-Chalon vous recommande.

Quand on a su, à Info-Chalon, que quelqu’un avait jeté son dévolu sur Le Petit Prince d’Antoine de Saint-Exupéry [1], pour en faire un film d’animation, c’est-à-dire un dessin-animé, bref un « truc » pour les enfants, on a véritablement craint le pire. On a surtout redouté que cette entreprise ne perpétue le mythe selon lequel Le Petit Prince serait un livre pour les enfants, comme on le dit encore très souvent aussi, et à tort, des Aventures de Tom Sawyer, de Mark Twain [2]. Car ni l’un ni l’autre ne sont des livres pour enfants [3]. En effet, et c’est là toute leur grandeur, ils sont bien plus que cela.

Ceci, au moins une personne l’a très bien compris pour ce qui concerne Le Petit Prince. Cette personne, c’est le dessinateur Joan Sfar qui, il y a quelques années, a entrepris de tirer une bande-dessinée du chef d’œuvre de Saint-Exupéry. Et en déclarant que « Le Petit Prince n'est pas un livre pour enfants, mais un livre sur l'enfance, sur la gravité propre à l'enfance » [4], celui-ci a enfin rendu justice au travail de son auteur.

Peut-on dire la même chose du film d’animation de Mark Osborne [5], présenté hors compétition cette année au Festival de Cannes, et bientôt dans les salles obscures ? Pour être franc, c’est avec la boule au ventre que votre serviteur d’Info-Chalon s’est rendu dimanche après-midi à l’Axel, voir en avant-première ce qu’avait cru bon de réaliser ce dernier… Mais à tort finalement car, contrairement à ce que l’on pouvait craindre, ce Petit prince est plutôt une (très) agréable surprise. En effet, il ne s’agit pas « que » d’une adaptation, plus ou moins réussie, du livre d’Antoine de Saint-Exupéry. C’est une histoire à part entière, dans laquelle se trouve enchâssée celle du Petit Prince, comme un diamant ou un rubis dans une bague en or.

Et que raconte-t-elle cette histoire ? La vie d’une petite fille que sa mère « coache » à longueurs de journée, lui imposant une discipline de fer, ceci pour en faire une sorte de bête à concours, une adulte épanouie professionnellement. En quelques mots : la vie d’une petite fille sur laquelle une mère en échec sentimental et hyperactive professionnellement, projette sans doute ses rêves inaboutis, pour que sa progéniture les réalise un jour à sa place. Sans jamais se rendre compte qu’elle l’étouffe, l’assèche, en l’empêchant de faire ce que tout enfant et même tout adulte ne devrait jamais cesser de faire durant tout le temps que dure sa vie : rêver, rêvasser, flâner, « prendre le temps de prendre son temps » [6]. Un comportement, hélas assez répandu de nos jours chez nombre de parents, qui contribuent à faire de l’enfance une période de compétition, où chacun apprend les règles du jeu d’une société érigeant la concurrence comme principe de vie indépassable et la relégation à ses marges de ceux qui ne sont pas « compétitifs » : cette fameuse « société de marché » dont parlait Lionel Jospin [7], que d’aucuns appelleront encore « libérale » , que ce film d’animation dissèque et étrille particulièrement bien.

Un film à voir, donc ? Pour Info-Chalon, cela ne fait pas l’ombre d’un doute. Néanmoins, pas sûr qu’un enfant de trois ans comprenne à sa juste valeur ce film qui, à l’instar du livre sur lequel il se base, n’est certainement pas pour les enfants. Du moins…pas seulement.

S.P.A.B.

 

 

[1] Antoine de Saint-Exupéry, Le Petit Prince, Gallimard, coll. « Folio », (1943) 2012

[2] Mark Twain, Les aventures de Tom Sawyer, in Œuvres, Bibliothèque de La Pléiade, 2015

[3] Dans un article célèbre, au détour d’une parenthèse fameuse, George Orwell a réglé la question de la nature des romans de Mark Twain : « Tom Sawyer et Huckleberry Finn, fameux en tant que “livres d’enfants” (ce qu’ils ne sont pas) ». (George Orwell, « Mark Twain ou le bouffon agréé », Essais, articles, lettres, Ivrea-Encyclopédie des nuisances, vol. II, 1996, p. 393 et s.)

[4] http://www.gallimard-jeunesse.fr/Catalogue/GALLIMARD-JEUNESSE/Fetiche/Le-Petit-Prince

[5] 2015. Durée : 1 h 46.

Bande-annonce :

http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19552871&cfilm=178545.html

[6] Léon Salers, « Il faut prendre le temps de prendre son temps », 15.07.2010 ; http://le-soupirail.over-blog.com/article-il-faut-prendre-le-temps-de-prendre-son-temps-53982065.html

[7] http://discours.vie-publique.fr/notices/983002176.html