Faits divers
Il est désosseur-boucher. Il a tué le veau parce qu’il avait « envie de manger un peu de viande ».
Par Florence SAINT-ARROMAN
Publié le 04 Avril 2022 à 20h53
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Il était 19h30, le 30 mars, quand le propriétaire de l’animal a découvert son cadavre « mutilé, intestins à l’air ».
Un vétérinaire explique que l’animal a été tué par un tir de plombs de calibre 12 dans la tête, et qu’il a été « en partie dépecé » sur place, en bordure de son pré, à Montjay. Une épaule, et une patte (pour la cuisse, sans doute), hop, dans le coffre. C’est ainsi que les gendarmes, perquisitionnant chez le père du tireur-boucher, trouvent dans le congélateur 7,4 kg de viande de veau (cela dit, on vit en Saône-et-Loire, nombre de congélateurs regorgent de viande et de gibier, ndla), dans le jardin, des seaux contenant des os (de veau), du calibre 12. Le fils reconnaît. Il avait passé la journée avec un copain, à vider des bouteilles de bière puis à empiler leurs cadavres. Ils étaient bien entamés quand il a pris le fusil de chasse de son père avec lui.
« Comment expliquer que vous ne soyez pas allé dans un supermarché ? »
Il a agi « bêtement », « j’ai agi sous alcool ». « Et vous aviez pris un fusil chargé », ajoute le président Marty. « Bêtement »... « Comment expliquer que vous ne soyez pas allé dans un supermarché ? » interroge le président. Eh bien, le gaillard voulait tirer un animal, « du petit gibier », mais, n’en trouvant pas, il a abattu un veau. Quand il répond au tribunal, ce lundi 4 avril à l’audience des comparutions immédiates, on pourrait le croire alcoolisé encore, mais c’est seulement son ton traînant, ses réponses courtes et son air abattu qui donnent cette impression. Cela étant, il souffre d’alcoolisme, non seulement c’est certain mais en plus il ne s’en défend pas.
Il tire sur le veau sans même descendre de la voiture
« Est-ce que ça a un lien avec votre métier ? - Ben, ça fait dix ans que je travaille la viande. - Désosser un veau, c’est pas à la portée de tout le monde », observe, non sans pertinence, le président qui ajoute : « si à chaque fois que vous avez envie de viande, vous allez chercher un veau, ça peut questionner ».
Maître Grebot dira au cours de sa plaidoirie (pour le complice) que le prévenu a tiré de la voiture, ce qui fait qu’en dépit de la plaidoirie de maître Mirek (pour le tireur), centrée sur la question de l’alcoolisme et des bagages professionnels de son client (puisque cela n’empêche, hélas, pas ceci, ndla), il restera de cette affaire l’image d’un homme ivre parti en virée avec son pote qui conduit sans permis, un fusil de chasse dans la main et qui va tirer le veau sans même descendre de la voiture. Si on se passe la scène en images, ça raconte quelque chose d’un peu différent d’une envie de viande prélevée directement à sa source, ça raconte quelque chose d’assez violent.
Le complice est poursuivi pour d’autres faits qu’on juge en même temps
Dans le box, ils sont donc deux. À côté du désosseur-boucher, un copain à lui, du même âge, qui conteste avec force avoir participé à cette virée sanglante. Dans la salle, son ex-compagne, mère de ses enfants, le soutient. C’est qu’elle est mère de leurs trois enfants et enceinte du 4ème… Ils étaient séparés, ils pensent refaire un couple. Il est poursuivi pour complicité dans cette affaire et puis pour des conduites malgré l’annulation de son permis en 2016, et puis refus d’obtempérer (parce qu’il n’a pas de permis) et puis véhicule sans assurance, sans contrôle technique, etc. Il sera déclaré coupable de complicité, pour avoir conduit le véhicule.
« Il n’a pas souffert, madame »
Question d’une juge assesseur : « Les conditions pour tuer les bêtes sont très encadrées, vous êtes boucher, vous le savez. Que pensez-vous de la façon dont vous avez agi ? » Elle rappelle au prévenu qu’il est poursuivi pour « sévices graves ou acte de cruauté envers un animal domestique, apprivoisé ou captif » et ajoute : « Une balle dans la tête : c’est pas comme ça qu’on fait. »
Le prévenu, sobre : « Ben, si. On met une balle et puis on l’égorge. J’ai mis une balle directement dans la tête, ça coupe tout. Il n’a pas souffert, madame. »
L’autre juge assesseur : « L’alcool a bon dos. Vous étiez dangereux pour vous et pour les autres. »
Le prévenu : « Oui. »
Il dit que son copain l’a aidé à charger la viande dans le coffre. Ils n’ont pas pu tout prendre, le veau était tombé dans le fossé et la voiture conduite par son complice c’était embourbée. La scène violente verse dans l’esprit des pieds nickelés.
Pourquoi retrouve-t-on des poils d’animaux dans les barbelés ?
Maître Grebot ne comprend pas un tel écart entre les peines requises. En effet, Madame Peron, substitut du procureur, a requis une peine plus importante à l’encontre du complice, parce qu’il cumule les infractions, vu qu’il est jugé pour deux séries de faits. Elle qualifie par ailleurs les faits d’acte « de grande barbarie ». Elle relève l’« enfoncement de la boîte crânienne » de l’animal, et estime que si l’on a retrouvé des poils dans les barbelés c’est que l’animal « a eu peur ». A quoi l’avocat l’invite à « sortir de Chalon », qu’on trouve toujours des poils pris dans les barbelés parce que « les animaux s’y frottent ».
« La maladie du boucher »
Les deux prévenus ont des mines qui ne racontent pas leurs modes de vie, alcoolisés et/ou bien ponctuée de délits routiers (le complice, qui dit qu’il ne boit plus mais qui avait bu quand il a été interpellé, à 10 heures du matin). Le tireur travaillait mais se dit frappé par « la maladie du boucher », soit une épaule de fichue, les deux mains abîmées et une cheville, également. Il doit subir des interventions chirurgicales. Dans son passage à l’acte meurtrier du 30, il peut y avoir une colère - par dessous « l’envie de viande » (sic) - parce qu’il avait bien amorcé une dégringolade, se retrouvant SDF, dormant dans sa voiture ou en foyer d’hébergement d’urgence. A son casier, 7 condamnations dont plusieurs récidives de conduite sous l’empire de l’alcool. Au casier du compère, 6 condamnations, quelques vols, deux conduites sous l’empire de l’alcool, d’où l’annulation de son permis de conduire.
Décisions, l’un en prison, l’autre pas
Le tribunal requalifie la prévention en « complicité » pour le conducteur de la voiture. Le condamne à la peine de 16 mois de prison dont 6 mois sont assortis d’un sursis probatoire pendant 2 ans, avec obligation de travailler, de suivre des soins en addicto, et obligation de repasser le permis. 3 amendes pour le défaut d’assurance et de contrôle technique et la carte grise pas à jour. Le tribunal décerne mandat de dépôt.
Le tireur est condamné à la peine de 12 mois de prison dont 6 mois sont assortis d’un sursis probatoire pendant 2 ans. Obligation de soins en addicto, de travailler, interdiction de fréquenter les débits de boissons, interdiction de détenir ou de porter une arme. Le tribunal ne décerne pas de mandat de dépôt, il sera convoqué chez un juge de l’application des peines pour envisager un aménagement.
FSA



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