Chalon sur Saône

Qu’est-ce qui pourrait nous faire ‘Croire aux fauves’ ?

Qu’est-ce qui pourrait nous faire ‘Croire aux fauves’ ?

Interview d’Emilie Faucheux, comédienne et metteuse en scène.

Avec ‘Croire aux fauves’, magnifique pièce programmée dans le cadre ‘Le haut du panier’ par le Conservatoire du Grand Chalon en coréalisation avec l’Espace des Arts, « Il s’agit de raconter une rencontre véritable, merveilleuse et terrifiante, celle d’un ours et d’une anthropologue poétesse Nastassja Martin.  La parole est physique, vivante, souvent drôle. La comédienne cohabite sur scène avec un musicien qui compose avec une multitude de matières : rythmes, respirations, chants, beatbox, synthé, percussions diverses. Le texte comme le corps de l’anthropologue est un entrelacs où s’entrecroisent les mondes : le monde des humains et le monde des fauves, le monde des hôpitaux soviétiques et le monde des hôpitaux français, le monde de l’anthropologue et le monde des Évènes, éleveurs de rennes. »

Interview : 

Emilie, pourquoi avoir choisi de mettre en scène le texte de Nastassja Martin ?

Je crois que - comme beaucoup de lecteurs - j'ai d'abord été fascinée par cette histoire, celle d'une anthropologue considérée comme moitié femme moitié ours par la famille évène qu'elle étudie au Kamtchatka, au fin fond de la Sibérie. L'hybridation homme/animal n'étant pas seulement une métaphore, un folklore ou une entrée dans le chamanisme mais bien une confrontation de cette femme avec un ours réel avec lequel elle s'est battue. Cependant le récit commence juste après ce qu'elle appelle "la rencontre" et nous raconte ce "juste après", le périple hospitalier, la reconstruction, les questionnements. Je suis touchée par les histoires de renaissances, de basculements, de choc intense nous obligeant à repenser nos certitudes. Ce qui est incroyable dans l'histoire de Nastassja Martin, c'est que son corps devient comme son "terrain", elle analyse ce qu'elle vit et ressent avec l'acuité d'une scientifique qui se retrouve "corps et âme" au cœur d'un réel violent qu'elle réussit à nous transmettre en associant avec finesse la pensée et l'émotion dans une langue poétique et puissante. Le théâtre est pour moi l'espace des idées en corps, celui de la pensée s'incarnant physiquement, de la langue qui agit, et c'est exactement ce qui se passe dans "Croire aux fauves". 

La musique a une place importante dans cette pièce…

Oui c'est même un dialogue permanent entre le texte et les sons qui sont joués en direct. La musique est le second personnage de la pièce. La présence de Michaël Santos, le musicien de "Croire aux fauves", est essentielle pour amener l'altérité tant évoquée dans la pièce, sans pour autant la jouer de manière réaliste. Il est "tous les autres" sans les incarner vraiment. Il est le cœur battant, l'ours, le médecin, le vieux Vassia... On évoque, on cherche à allumer l'imaginaire des spectateurs aussi par le ressenti sonore qui se mêle aux mots. On fait autant voir avec la musique qu'avec les mots je crois, ou disons qu'on parle directement au corps avec les sons, mais c'est dans l'association des deux que nous trouvons notre langage scénique.

La pièce 'Croire aux fauves' sera jouée dimanche 9 octobre au Théâtre Piccolo dans le cadre 'Les Hauts du panier', à quel public s'adresse-t-elle ?

A tous à partir de 14 ans. Les histoires d'ours font croire que, mais non... le spectacle est dense en texte et ne s'adresse pas aux enfants, mais aux adultes ou adolescents intéressés. Par contre, il s'adresse à TOUS dès que vous avez l'âge j'entends, pas besoin d'avoir forcément lu le texte avant, pas besoin de s'y connaitre en anthropologie ou en géopolitique, en théâtre ou en philosophie... Je ne viens pas d'une famille d'artistes et je connais le sentiment de non-légitimité qu'on peut avoir face à l'art... Nous n'avons pas besoin d'être accrédités pour être face à une œuvre, mais peut-être que pour faire la nique au snobisme et inviter chacun à venir, il faudrait dire qu'il n'est pas nécessaire de tout comprendre face à une œuvre, car même les plus érudits font semblant de tout comprendre, alors que l'essentiel c'est qu'on soit troublé, que quelque chose se passe... ça c'est aussi la magie du théâtre, qui opère ou qui n'opère pas hein... espérons qu'à 11h du matin, quand la lumière s'éteindra, les esprits vont venir... je plaisante!! 

La Cie Ume Théâtre est basée à Dijon, pouvez-vous nous en dire plus sur cette Compagnie et sur vos projets à venir ?

La compagnie créé des spectacles depuis presque 20 ans et explore différents types de langages à la fois par les textes et leur thématique ( Michaux, Renaude, Gaudé...), mais aussi dans le rapport scénique souvent ultra frontal. On tente d'exacerber ce qui fait l'expérience unique du théâtre : des présences physiques, une énergie de l'assemblée, un espace "à part"... Ces explorations se font à travers les créations de spectacles professionnels, mais aussi à travers des "ateliers" avec des apprentis, des amateurs... au gré des invitations qu'on nous fait. Il y a aussi un gros volet de "médiation" autour des spectacles, qui se fait surtout avec les lycées ( et collèges parfois) justement pour essayer de faire tomber quelques barrières et que de nouvelles têtes investissent ces espaces que sont les théâtres.

DIMANCHE 09 OCTOBRE 2022 À 11H - THÉÂTRE PICCOLO

Compagnie Ume Théâtre

VISITE COMMENTÉE DU THÉÂTRE PICCOLO / 9h45, ouverte aux personnes ayant une place pour le spectacle. Renseignements & réservations à l'Espace Patrimoine : 03 85 93 15 98

APÉRITIF OFFERT À L'ISSUE DU SPECTACLE par La cave Millebuis de Buxy

INFORMATION PRIX : de 6 à 11 € - DURÉE 1H15 - BILLETTERIE : 03 85 42 42 67 ou https://conservatoire.legrandchalon.fr/decouvrir/spectacles/croire-aux-fauves  

Texte et visuel : Communication Conservatoire du Grand Chalon, crédit photo : Thomas Journot. Interview réalisée par SBR pour Info-Chalon.