Faits divers
TRIBUNAL DE CHALON - Une cuillère trempée dans l’huile bouillante sur la peau de sa femme ? « Un jeu »
Par Florence SAINT-ARROMAN
Publié le 28 Mars 2023 à 18h57
« Il a l’alcool mauvais » dit de lui son ex-compagne. La future-ex est assise dans la salle d'audience, ce lundi 27 mars. Lui, il est dans le box, accablé. Pendant que la présidente résume les faits, il semble pleurer.
L’alcool « mauvais ». Avec son ex puis avec celle qui l’a quitté il y a deux semaines environ. Avec les enfants, contre eux. En gros, faut pas lui tomber sous la main. Il n’a que 32 ans, bientôt 33. C’est épouvantable. Les témoignages sont accablants, ceux de l’entourage, ceux des enfants. Un de ses filles raconte comment il pouvait « piquer » celle qui était devenue sa belle-mère avec la pointe d’un couteau. Taper la tête contre un radiateur, donner des coups dans le ventre pendant la grossesse, l’étrangler à la sortie de la maternité, poser une cuillère recouverte d’huile bouillante contre son sein (« un jeu » = une semaine de soins), gifles, etc. Il est jugé pour quatre épisodes précis, en 2020, 2021, 2022.
Pour qu’on le respecte, dit-il
Il a reconnu les faits intégralement. De l’alcool chaque jour et encore davantage le week-end, revenant de la chasse (ça se passe en Bresse du côté de Simard) ou du foot. Et s’il lui cassait un truc sur la tête, c’était pour montrer qu’on devait « le respecter ». Il a dit regretter tout, tout, que depuis le départ de madame il a pris conscience de son problème. D’ailleurs il a consulté pour ça, depuis. La présidente Caporali lui donne la parole, et en effet il n’est pas bien du tout, il sature d’émotions et de tension nerveuse. « J’ai réalisé, ça m’a détruit. J’ai quatre enfants, il faut que j’assume et que je change carrément. » La présidente lui demande s’il sait que son attitude a aussi détruit celles qui ont précédé madame. « Je faisais passer ma passion avant tout. » Parle-t-il de l’alcool ? Somme toute, la passion c’est ce qu’on subit.
Les souffrances des victimes ? Oui, mais c’est la faute « aux problèmes », entre autres
Ça fait cinq nuits qu’il ne dort pas, il se sent vraiment mal. « J’étais super bien, j’avais un rayon de soleil, et maintenant j’ai plus rien du tout. On avait notre petit bonheur, et puis... » Et puis la présidente lui rappelle le contenu de la déposition de la victime. Alors, est-il alcoolique ? D’après le prévenu, non. « J’ai tout arrêté depuis son départ, j’ai aucun manque, rien. » La présidente Caporali ne cesse de le confronter aux souffrances des victimes. Oui, mais c’est la faute « aux problèmes », à l’ado qui fronde, etc. C’est pas lui ? « Je reconnais qu’c’est moi, mais... » Le coup de la cuillère trempée dans de l’huile bouillante et appliquée sur la peau de madame ? « C’était de la rigolade pour lui» a rapporté un des enfants. Elle enceinte, « elle se touchait tout le temps le ventre »... « Et alors où est le problème ? » s’exaspère un peu la présidente. Lui, en boucle : « C’est pour ça, je veux montrer que je peux changer. » ... Sauf qu’il reste très défensif, sourd, alors la présidente sort d’autres éléments de la procédure, ils sont accablants, l’attitude du prévenu aussi.
Deux femmes, « deux profils très différents » mais avec en commun « cette détresse »
Ce maçon, qui a « toujours travaillé », est père de quatre enfants nés de ses deux compagnes successives (pas tout à fait successives au demeurant mais qu’importe). Grand alcoolique et grand violent, il voit désormais une psychologue et déclare ne plus boire du tout, sauf que tout cela est très récent. Maître Desormeaux intervient pour les victimes. Deux femmes, « deux profils très différents » mais avec en commun « cette détresse, elles sont marquées à vie, et leurs enfants ont aussi subi des choses, que ça soit directement ou indirectement ». Les victimes ne veulent pas de dommages et intérêts, seuls des euros symboliques, en reconnaissance de leurs préjudices. L’avocate suggère une interdiction d’entrer en contact avec la dernière compagne, « il faut mettre un frein ».
« Des violences au visage d’un enfant qui n’avait que 4 ans »
Le représentant du ministère public rappelle la gravité des faits, des violences « au visage (en appuyant sur le mot pour le souligner) d’un enfant qui n’avait que 4 ans », pour montrer « que c’était moi l’homme de la maison ». « Il réclame le respect sans cesse, dit encore le substitut, alors qu’il ne respecte pas les autres. » « Le lien entre alcool et violences est évident » aussi, et même si son casier ne comporte qu’une seule mention, il requiert une peine de 3 ans de prison dont 1 an serait assorti d’un sursis probatoire pendant 2 ans, et maintien en détention. Maître Leplomb plaide l’insertion professionnelle du prévenu et ses charges (crédits, 4 enfants). « Il a entamé des soins, il doit continuer. » L’avocate suggère une peine ferme d’1 an maximum « afin de la rendre aménageable, et il pourrait maintenir son emploi ».
3 ans dont 2 ans de sursis probatoire
Le tribunal déclare le repenti (si on l’en croit) à la peine de 3 ans de prison dont 2 ans sont assortis d’un sursis probatoire pendant 2 ans avec obligations de soins en addictologie et psychologiques, de travailler, et interdictions de tout contact, ainsi que de paraître à leurs domiciles, avec les deux femmes qui sont dans la salle. Il est en outre condamné à une peine d’inéligibilité pendant 5 ans. Il devra verser 1 euro à chacune des femmes et à deux des enfants, en reconnaissance de leurs préjudices.
DDSE pendant 1 an
La peine ferme est aménagée en détention à domicile sous surveillance électronique. Il va retourner en prison : le juge de l’application des peines a 5 jours pour définir les modalités du cadre de son incarcération sous bracelet. Du coup, les obligations et interdictions sont effectives tout de suite.
FSA
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