Opinion

Un maraîcher chalonnais dénonce "les bitumeurs verts de la nature"

Un maraîcher chalonnais dénonce "les bitumeurs verts de la nature"

après le démarrage du chantier du demi-diffuseur autoroutier du nord de Chalon.

DIMANCHE 16 AVRIL 2023

MESDAMES ET MESSIEURS,

LE FAIT DE PRESENTER LE DEMI-ECHANGEUR DE FRAGNES-LA LOYERE COMME UN CHANTIER VERT EST A MON SENS UNE PROVOCATION ET JE VAIS TENTER DE VOUS DEMONTRER POURQUOI…

 


Tout d’abord, je veux rappeler que le projet de la desserte SaôneOr avait déjà suscité une opposition parmi les habitants de ma commune, Fragnes-La Loyère, la principale commune concernée car traversée par le tracé. L’association des Amis de la Thalie avait été créée et soutenue notamment par la CAPEN 71 devenue ensuite France Nature Environnement Saône et Loire mais nous n’avions pas pu peser bien lourd face au rouleau compresseur et la desserte s’est construite. A la suite de cela, la réunion publique à Fragnes-La Loyère concernant la future implantation du demi-échangeur s’était avérée être une présentation de projet sans que l’on puisse réellement remettre en cause la construction du demi-échangeur et s’était tenue dans une ambiance quelque peu houleuse si l’on en croit l’article d’Info Chalon à l’époque intitulé « La réunion de concertation sur la future implantation du demi-échangeur autoroutier du nord de Chalon dérape ».

A titre personnel et dans le contexte que viens de repréciser, je considère que présenter ce projet comme écologique comme cela a été fait dans la presse locale cette semaine est une provocation. Ce que je vais évoquer dans ce paragraphe concerne plutôt l’article du JSL qui titrait en une : « Demi-échangeur à Fragnes-La Loyère, Un chantier vert ». A mon sens, quand on construit des nouvelles routes (je précise qu’il s’agit bien de routes, car certains m’ont dit qu’un demi-échangeur n’était pas une route, première nouvelle !!!). Eh bien, dans le monde d’aujourd’hui, il faut assumer le fait que cela va engendrer de la pollution car les voitures non polluantes n’existent encore pas et les camions encore moins. L’occasion pour moi de poser la question de ce que l’on va faire rouler sur ces routes. Le pétrole a été polluant jusqu’ici mais je ne crois guère non plus en la solution miracle de l’électrique… Ne serait-il pas grand temps d’appliquer le fameux proverbe « on arrête tout et on réfléchit » avant de construire des routes nouvelles et de se gargariser, comme le fait Monsieur Martin d’être quasiment les seuls à créer de nouveaux accès autoroutiers. Ceci étant dit, ayant une formation de paysagiste, je veux bien admettre que l’on puisse essayer de rendre un aménagement le plus écologique possible. Néanmoins, gardons à l’esprit que nous parlons ici de routes qui seront à terme plutôt passagères. Les camions et les voitures qui l’emprunteront émettront donc obligatoirement une pollution supplémentaire pour la zone concernée. A votre argument de réduction des distances de trajet, j’oppose cet article « Les projets routiers, contrevérités et carnage écologique » du média en ligne Reporterre dans lequel des personnes compétentes dans le domaine nous disent qu’il est illusoire de penser que de nouvelles routes engendreront une diminution de pollution. Les articles de ce média ne sont peut-être pas vos lectures mais en tout cas ce sont celles de personnes qui défendent la cause écologiste depuis de nombreuses années. D’autant plus que vous nous parlez de nouvelles routes mais à ce que je sache, vous n’avez pas prévu de fermer les anciennes (l’actuel péage nord et la bretelle de déviation qui longe l’A6 jusqu’à la desserte) ?

 Venons-en maintenant à l’article d’Info Chalon où le sous-préfet de l’arrondissement de Chalon pousse lui le vice à parler de « bronches neuves » pour qualifier le demi-échangeur. Plus exactement de « bronches neuves pour ce poumon économique » qu’est SaôneOr. Alors c’est là que l’on voit que la pose de cette « première pierre végétale » (sacré concept ça aussi !!!) s’est faite en terrain conquis (ou en catimini), parce qu’apparemment d’après l’article, l’auditoire a salué la formule. Croyez-moi si nous avions été là, jamais nous n’aurions laissé passer une telle formule. Jamais l’auditoire présent à la réunion publique que j’ai évoqué au début n’aurait laissé passer une telle formule sans réaction. Ce qui me choque, je vous l’explique si vous n’avez pas encore compris, un peu plus haut dans l’article, ce même monsieur nous dit que « ce nouvel accès nous permettra de réduire de 3% la proportion d’habitants impactés par des teneurs en dioxyde d’azote ». Eh bien manifestement monsieur le sous-préfet, les habitants de Fragnes-La Loyère ainsi que les habitants des communes limitrophes les plus proches de la zone ne feront pas partie des habitants qui seront moins impactés à priori donc je vous serais reconnaissant d’éviter l’emploi de l’expression « bronches neuves » concernant ce demi-échangeur car leurs bronches à eux vont subir une pollution supplémentaire qui viendra s’ajouter à celle de l’autoroute. Je vous rappelle également que non loin de là passe aussi la voie verte, une piste cyclable, sur laquelle on nous invite à faire du sport. Alors il y avait déjà l’autoroute, maintenant il y aura le demi-échangeur, nos bronches apprécieront. Le sport est bon pour la santé, après tout dépend dans quel environnement.

Pour finir je vais m’adresser à Monsieur Accary qui se positionne dans le camp des optimistes face aux pessimistes. Il est certain que nous ne partageons pas votre optimisme pour la croissance verte, ni votre goût pour le greenwashing. Nous ne sommes pas pessimistes mais nous voulons davantage de sobriété. Nous avons pris conscience du fait que nous sommes dans une crise climatique majeure et nous appuyons sur le frein lorsque vous continuez à appuyer sur l’accélérateur alors même que ni vous, ni nous, nous ne savons ou l’on va. En tout cas, en ce qui nous concerne, nous n’aurons pas la prétention de prétendre le savoir tant la crise climatique en cours et à venir est imprévisible. Sans aucune prétention, je vous conseillerai de ne pas suivre à la lettre la politique de notre gouvernement et de prêter une oreille plus attentive aux soulèvements de la terre. Si la seule réponse que vous avez à apporter est de continuer avec les mêmes politiques en y ajoutant seulement un petit coup de peinture verte, j’ai bien peur que cela soit très insuffisant. 

Je finirai en citant ce slogan des luttes écologistes que j’aime beaucoup : « Nous ne défendons pas la nature, nous sommes la nature qui se défend ».

Théo Limonet, maraîcher sur la commune de Fragnes-La Loyère