Chalon /autour de Chalon
TRIBUNAL DE CHALON - L’ombre d’un réseau criminel plane sur l’audience
Par Florence SAINT-ARROMAN
Publié le 11 Février 2025 à 09h34
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En 2021 « une cyber action internationale », dans le cadre de la lutte contre la diffusion d’images à caractère pédopornographique, conduit à identifier 793 personnes dont 10 résidents français. L’un d’eux vit à Verdun sur le Doubs.
L’homme consultait et téléchargeait des photos et des vidéos à partir de son compte sur la messagerie Signal, sous le pseudo de « zaggay » (on donne une version purement phonétique, ndla). Il participait à trois groupes de « discussion » dont le président, à l’audience de ce 10 février, donne les noms, explicites, mêlés de mots anglais et espagnols.
Déjà condamné pour agressions sexuelles de mineurs
La ligne de « zaggay » conduit donc les enquêteurs dans la petite ville de Verdun sur le Doubs, où un homme âgé de 45 ans végète au RSA depuis la nuit des temps.
Son casier judiciaire est lourd de 15 mentions. Beaucoup de vols, des contrefaçons, de chèques contrefaits, de recel, un délit de fuite, etc., et deux agressions sexuelles sur mineurs. L’une fut jugée et condamnée en 1999, l’autre le fut en 2006 : 7 ans de prison. Il avait abusé de deux de ses neveux dont l’un était aussi son filleul. Il en a le prénom tatoué sur une épaule.
Les criminels ouvrent des forums sur des messagerie, cryptées de préférence
En 2021, l’action conjointe d’Europol et des États Unis aboutit à la saisie de plus de 9 000 images et de milliers de vidéos, diffusées sur 166 forums créés à cette unique fin. Il y était question de « monter » un enfant, de « b**ser un petit garçon contre un soutien financier ».
Les termes, tous les termes, sont odieux mais on les note sciemment parce qu’ils disent aussi dans quel monde vivent des milliers d’adultes.
Et comme à chaque affaire de cette nature, on a un type dans le box et en filigrane, derrière lui, l’ombre d’un réseau criminel.
Plus de 1000 fichiers dans un téléphone, à Verdun
« Les photos sont difficilement supportables » dit le président en les faisant passer aux juges assesseurs.
Le prévenu est en couple depuis avril 2024. Un homme qui n’avait « rien vu ». Sur le téléphone du prévenu, 213 vidéos et des centaines d’images (entre 700 et 900), à caractère pédopornographique. Les enquêteurs trouvent neuf autres fichiers dans le cache du navigateur de son ordinateur.
« Oui, je suis connu pour des affaires de c… »
Le président mène une instruction serrée. Il reprend les déclarations du prévenu au cours de ses auditions par les gendarmes. L’homme est-il attiré par les enfants ? Dans sa jeunesse, oui, mais « plus maintenant ». Ses antécédents judiciaires ? « Oui, je suis connu pour des affaires de c… . » L’expression utilisée en dit long sur son manque de conscience ?
Il avait téléchargé Signal pour échanger avec des homosexuels. « On » lui envoie un lien qui contient des images… « Oula je vais avoir des emm****s. » Idem, sa façon de le dire reste éminemment cool, comme désarrimée.
Encaisser en même temps, et la saloperie du monde et sa misère
N'empêche qu’il va devenir un voyeur habituel. Voyeur, uniquement, affirme-t-il. « J’apparente ça à de l’art » dit-il à deux reprises aux gendarmes qui décidément doivent avoir les nerfs solides pour encaisser en même temps, et la saloperie du monde et sa misère.
Plaisir d’esthète ? Non, répond l’expert psychiatre qui a rencontré l’homme en prison. « Conduite sexuelle volontaire et consciente. Recherche d’une stimulation secondaire avec son partenaire ensuite. » Le médecin écrit que le prévenu est « capable de conduites sociales adaptées » - si on excepte bien sûr cette recherche d’images d’abus sexuels graves sur de jeunes enfants.
D’un réseau de criminels…
Le prévenu ne provoque pas les juges, ne la ramène pas, mais il semble assez loin de pas mal de réalités. Le président le confronte : « Plus il y a de diffusion de ces images, plus il y a de la demande, plus il y a d'offres. » Par conséquent, plus il y a d’enfants dont des nourrissons, des bébés, violés, abusés. Certains en meurent, hein.
… à un homme qui ne vit que dans son petit monde
Le prévenu dit ne pas avoir eu devant les yeux, de bébés, ce n’est pas ce qu’il recherchait, et puis, il avait « arrêté depuis quelques temps », « parce que j’avais monté mon entreprise alors j’étais occupé ». Le président lui envoie dans les dents la réalité : « Le dernier téléchargement a eu lieu le 14 décembre », il a été arrêté trois jours plus tard. Autre réalité : son entreprise, comme il dit, ne lui rapporte rien du tout. C’est une affaire de ventes d’automobiles qui sert de vitrines à d’autres revendeurs.
Elle a la mine du désespoir, la solitude
Sinon, en détention ça ne se passe pas trop mal, sauf qu’il partage sa cellule avec un gars qui ne parle pas un mot de français, alors il ne peut pas discuter. La solitude, quand on ne la supporte pas, c’est quelque chose de très douloureux. Dans son cas, ça se traduit par son souci constant que son conjoint ne le quitte à cause de cette affaire. Du reste, si les faits pour lesquels il va être condamné lui inspirent « du dégoût », son vœu le plus cher reste : « Je voudrais repartir sur de bonnes bases et vivre avec mon compagnon. »
« Je ne relève pas d’empathie de la part de monsieur »
« Il ne semble pas mesurer les conséquences de ses actes, dit le procureur. Télécharger et détenir ces images, c’est nourrir leur réalisation. Je ne relève pas d’empathie de la part de monsieur. » Le magistrat demande une peine qui sanctionne et qui encadre le risque de récidive. « Les 15 mentions sur son casier renseignent sur son rapport à la loi. Il faut lui imposer des soins. »
Le procureur requiert la peine de 12 mois de prison avec maintien en détention puis un suivi socio-judiciaire pendant 5 ans, avec injonction de soins et une peine complémentaire d’interdiction de toute activité au contact de mineurs pendant 10 ans.
« Il a dit lui-même qu’il lui fallait une obligation car sans soins il n’y arrive pas »
« Il reconnaît les faits à cette barre, sans les minimiser. Il a déjà eu des soins pour des faits d’agressions sexuelles. Il a fait cette démarche en prison (où la situation devient impossible, les listes d’attente s’allongent, ndla). Et il a dit lui-même qu’il lui fallait une obligation car sans soins il n’y arrive pas » plaide maître Bouflija.
Coupable
Le tribunal dit cet homme coupable de « consultation habituelle d’un service de communication en ligne mettant à disposition l’image ou la représentation pornographique de mineur, du 1er juin 2023 au 17 décembre 2024 » et de détention de ces mêmes types d’images du 1er février 2024 au 17 décembre 2024 à Verdun sur le Doubs,
18 mois de prison puis 5 ans de suivi socio-judiciaire
et le condamne à deux peines :
- 18 mois de prison avec maintien en détention,
- un suivi socio-judiciaire pendant 5 ans (3 ans de prison à la clé en cas de manquements) : le condamné devra signaler tout changement d’adresse et toute velléité de séjour à l’étranger, il aura l’obligation de chercher du travail ou de se former ; il sera astreint à des soins ; il aura interdiction de toute activité, professionnelle ou bénévole, avec des mineurs et l’interdiction de tout contact avec tout mineur.
Peine complémentaire : interdiction définitive de toute activité, professionnelle ou bénévole, avec des mineurs.
Le tribunal l’inscription de l’homme au FIJAIS.
Le président conclut : « Le tribunal espère que vous vous saisirez de tout ce qui vous a été renvoyé à cette audience. »
Et l’homme de répondre : « D’accord. »
FSA



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