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TRIBUNAL DE CHALON - « Il me cherchait. J’en ai eu marre, je lui ai claqué le visage » - « 25 mois ferme ! Voilà ! »

TRIBUNAL DE CHALON - « Il me cherchait. J’en ai eu marre, je lui ai claqué le visage » - « 25 mois ferme ! Voilà ! »

Après les 16 mois ferme pour un coup de poing, voici les 25 mois ferme pour un coup donné avec le plat de la main. Ah les comparutions immédiates ! Celles de ce lundi 5 mai n’ont pas manqué de piquant mais pas en raison des faits jugés.

 Dans le box un homme né au Creusot en 1984. Il vit avec sa copine dans un logement appartenant à l’association Le Pont à Mâcon, et il se trouvait à Remigny, sur la route de Chassey très exactement, ce 2 mai.
Le tribunal commence par « faire une synthèse objective et détaillée » de la procédure.

Il est 19h25 quand les gendarmes sont appelés. Sur place, la victime, un homme à la lèvre blessée, à l’haleine chargée, « les yeux rouges » : il a bu. Il décrit son agresseur, rapidement interpellé. Lui aussi exhale la bière, a les yeux rouges, etc. 
A-t-il une arme sur lui ? Il tend aux gendarmes un opinel dont il ne s’est pas servi. Il est jugé également pour « port sans motif légitime d’arme blanche de catégorie D ». 
Une photo de la victime dont une lèvre pisse le sang, est « le seul élément au dossier » dit la présidente. Car la victime n’a pas été entendue : elle n’a répondu à aucun des appels de la gendarmerie, idem pour la témoin de la scène.
Une photo, donc, et les déclarations du prévenu : « ça faisait un moment qu’il me cherchait. Le soir il est revenu à la charge. J’en ai eu marre, je lui ai claqué le visage. »

Avec ça comment on arrive à 25 mois ferme ? L’instruction va nous le dire

Point « violence »

« Monsieur, une claque c’est de la violence, hein, une gifle, c’est de la violence.
- Oui, mais il y a la violence verbale. Il a été violent.
- Peut-être mais c’est pas lui qui est dans le box.
- En gros, faut que je me laisse pourrir sans rien dire, quoi.
- Ecoutez, il y a aussi votre personnalité, et votre casier. Quand c’est ça, on doit se canaliser et raisonner d’une autre manière. Il faut que vous compreniez aussi que quand on a 18 condamnations, la justice est un peu moins tolérante. 18 ! Vous n’avez plus le droit à l’erreur. Il faut intégrer le fait qu’avec vos antécédents judiciaires, la justice sera moins tolérante, moins patiente. Ça tombe plus facilement, et pour une simple claque vous vous retrouvez là où vous êtes. C’est ça, monsieur. Le dossier n’est pas très compliqué et vous apportez des éléments à la justice (en reconnaissant les faits ! ndla), et derrière c’est une claque, et ça peut avoir des conséquences très importantes sur votre vie, aujourd’hui. (…) Vous n’avez plus le droit à l’erreur, c’est ça qu’il faut comprendre, monsieur ! »

Point casier judiciaire puis « difficultés de vie » et « comportement »

18 condamnations dont 10 pour des délits routiers, et deux pour des faits de violence, en 2021 et en 2023. Avec ça, quand il est sorti de détention, l’homme n’avait pas moins de 3 sursis probatoires en cours. 
La présidente évoque quatre suicides dans sa famille proche (père, sœur, grand-mère, un oncle) et commente : « Ce sont des difficultés de vie qui peuvent expliquer cette fragilité ». 
Nonobstant il a un emploi en ressourcerie et visiblement a fait des efforts pour se rétablir.

« Tout n’est pas négatif. C’est dommage de vous retrouver là.
- Je ne dis pas le contraire.
- Il y avait de l’alcool, ce 2 mai.
- Pas tant que ça.
- Avec le casier que vous avez et les sursis probatoires, on attend de vous un autre comportement. Qu’est-ce qu’il faut pour qu’on ne vous revoie plus ? 
- Ben, qu’on me laisse tranquille (il parle du gars qui le cherchait).
- C’est à vous aussi de réagir autrement.
- Je suis patient mais y a des limites.
- La patience a des limites pour tout le monde, monsieur, et pour la justice aussi. » 
La présidente dit au prévenu qu’il aurait dû « passer son chemin ». Réponse : « C’est lui qui vient sur moi. – Mais c’est pas lui qui a frappé, monsieur. – Je préfère taper en premier. Je pense à ma santé. »

La présidente annonce à nouveau la couleur sur la décision à venir

Ensuite, la présidente détaille longuement au prévenu les révocations à venir, reprenant les condamnations et leurs motifs, les mois révocables, etc., puis elle lui demande ce qu’il en pense et l’homme répond, non sans à propos : « Ben, que ça sert à rien que je me réinsère. »
La présidente enchaîne : « Et du point de vue de la justice, vous pensez qu’on peut avoir des sursis et dire ‘Ah ben c’est pas grave, on va pas y toucher’ ? A un moment donné, il faut que ça ait du sens, monsieur ! »
Ce qui prend sens à cet instant c’est que la présidente prépare encore le prévenu à une peine lourde au nom du « sens ». Maître Bouflija y répondra lors de sa plaidoirie : « ça ne rime à rien », dit comme ça et dans ce contexte. 
On l’a déjà écrit : les décisions sont collégiales en comparution immédiate mais chaque audience porte la marque de celle ou celui qui la préside.

25 mois requis

Le procureur va tenir en gros le même discours mais c’est sa fonction. Il est l’accusation, l’autorité de poursuite, alors ça résonne autrement. « Victime et témoin se désintéressent de cette affaire, un contentieux sur fond de jalousie amoureuse, mais ces faits posent un gros problème parce que cette gifle, c’est de la violence, et tout acte de violence est inacceptable. Quand on a 18 mentions, incarcéré à quatre reprises, à un moment donné oui, une gifle est parfaitement inadmissible. Et puis la position du prévenu, d’assumer son geste : ‘il m’insultait alors je l’ai frappé’. »
Le procureur requiert 15 mois + 6 mois (révocation sursis 1) + 4 mois (révocation sursis 2). « Le troisième sursis probatoire persiste, ainsi. »

« On ne peut pas mettre autant de mois de prison pour une claque ! Il faut bien faire une différence avec une personne tabassée »

« Que dire devant des réquisitions qui sont de plus en plus élevées ? interroge maître Sarah Bouflija. On est d’accord que la claque, c’est une violence, mais enfin : quand ils ne reconnaissent pas, ça ne va pas, et quand ils reconnaissent, ça ne va pas non plus ? Il reconnaît l’alcool et la claque, mais vous avez une victime qui n’a pas été entendue. Le contexte de la scène ne devait pas être très heureux. On ne peut pas mettre autant de mois de prison pour une claque ! Il faut bien faire une différence avec une personne tabassée ! Sinon, ça ne rime plus à rien. »

« J’ai vraiment peur de tout perdre »

« On a le droit d’avoir un débat, poursuit l’avocate. Vous avez quelqu’un qui est parvenu partiellement à se réinsérer, qui travaille, suit des soins. 25 mois, alors qu’il n’a pas fait fi des mesures ?! » Maître Bouflija demande au tribunal de réduire le quantum requis.
Le prévenu a la parole en dernier. « Moi, honnêtement, j’ai peur de tout perdre. Je vous demande d’aménager au maximum, j’ai vraiment peur de tout perdre.  
– Monsieur, le tribunal vous remercie. Il va se retirer pour délibérer. »

Décision sans surprise vu les propos tenus tout au long de l’audience - « 25 mois ! Voilà ! »

« Le tribunal a tenu compte de votre personnalité mais aussi de vos antécédents judiciaires. »
Le tribunal dit le prévenu coupable des deux infractions (violence en état d’ivresse et de récidive légale et port d’arme pour l’opinel qui était dans sa poche) et le condamne à la peine de 15 mois de prison avec maintien en détention. « Vous allez donc repartir détenu. » 
Interdiction de porter une arme pendant 5 ans. 
Puis, « eu égard à votre casier judiciaire, le tribunal a pris la mesure que vous avez réitéré pendant un sursis probatoire et a voulu donner une cohérence aux peines déjà prononcées à votre encontre ». 
Révocations de 4 mois et de 6 mois de sursis antérieurs, avec incarcération immédiate. « 25 mois ! Voilà ! »
L’homme a dix jours pour faire appel.

FSA