Chalon sur Saône

Chalon a croulé de rire sous les assauts répétés des Chevaliers du Fiel

Chalon a croulé de rire sous les assauts répétés des Chevaliers du Fiel

Les Chevaliers du Fiel n’avaient jamais auparavant mis les pieds à Chalon pour y jeter en pâture l’une de leurs conceptions artistiques. Cette lacune est devenue caduque, et même mieux encore : le coup d’essai a pris les traits du coup de maître. Adoubé d’emblée par un public assoiffé d’humour à l’emporte-pièce, le duo a quasiment évolué à domicile.

En matière de pitrerie ils en connaissent un rayon

C’est à l’intérieur d’une salle Marcel Sembat archicomble que les Toulousains ont revisité en long, en large et en travers mardi soir leur patrimoine les ayant amenés là où ils en sont, plébiscite massif oblige. Avec ce « Best ouf » qui exhume leurs titres de gloire, Eric Carrière (le grand) et son alter ego Francis Ginibre n’ont eu qu’à se baisser pour ramasser les lauriers tressés par des spectateurs en étroite osmose du début à la fin. C’est par l’opportunisme d’employés municipaux en délicatesse avec les efforts à prodiguer dans le cadre de leur fonction, que les Chevaliers du Fiel ont très rapidement donné la marche à suivre. « Un employé municipal c’est un félin ; on ne le voit pas arriver, on ne le voit pas repartir ! » Avant d’entonner l’hymne qui leur est dédié : »Feuilles-rateau, c’est le chant des municipaux, feuilles-rateau, c’est bientôt l’heure de l’apéro ». Un programme d’enfer ! Tout est prétexte au glissement de terrain, aux galéjades surfant sur la planche savonnée. Les discussions oiseuses entre Emile et Fernand éternellement un verre à la main, ou bien chez la coiffeuse, font pouffer de rire l’assistance, laquelle a la vague impression d’avoir déjà eu affaire, de près ou de loin, à telle ou telle situation à la dimension grotesque. Ecorchée vive, hachée menu. La vie de beauf dans toute sa splendeur, la religion (« La religion c’est comme l’alcool, c’est un problème de foi »), la boulimie de sexe et ses déviances (exemple avec la perversion de certains ecclésiastiques) vues à travers un Petit Chanteur à la Croix de Bois abusé au centuple, les excès de la chasse, les mauvais côtés du nucléaire…il y avait de quoi en faire tout un plat. Les deux comiques ont également changé leur fusil d’épaule à plusieurs reprises, s’enfuyant vers le fantasque latin lover, l’artiste mal-parlant et mal-entendant qui pousse la chansonnette, les gitans…L’hydre de la déconnade carbure à plein régime sans jamais mollir. Même quand Eric Carrière est l’objet d’un refus de franchissement d’obstacle par sa mémoire, le bougre biaise, improvise, au point de presque faire croire qu’il progresse dans le droit fil de son histoire. Des moments aussi d’intense émotion lorsque le superbe hommage à feu Claude Nougaro, un autre Toulousain (en la personne de sa muse qui joue à merveille sa source d’inspiration) a mis chacun en émoi. Et l’épilogue du tordant spectacle devait rehausser le niveau culturel d’ensemble, grâce à cette Simca 1000 et à cette promesse d’envoyer dans l’habitacle au septième ciel l’heureuse élue…refrain repris en chœur, précédant une standing ovation attestant du degré haut perché de satisfaction collective.

                                                                                    Michel Poiriault