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La Réforme du collège : une polémique à en perdre son latin

La Réforme du collège : une polémique à en perdre son latin

La Ministre de l’Education Nationale, Najat Vallaud-Belkacem, a présenté le 11 mars dernier son projet de réforme du collège, qui entrera en application à la rentrée 2016. Ce projet a suscité de nombreux commentaires, notamment de la part des syndicats et du corps enseignant, ce qui lui a valu quelques déconvenues médiatiques. Info-Chalon met en lumière pour vous ce débat d’actualité.

Le projet de réforme, présenté le 11 mars dernier, prévoit entre autres de supprimer les options latin et grec de l’agenda scolaire en tant que matières à part entière, faute de participants pour justifier les frais de fonctionnement. Il est vrai que ces deux langues mortes, jugées trop élitistes, ne sont choisies que par 20% des collégiens français, dont certains sont contraints par leurs parents de les ajouter à leur emploi du temps. Au lycée, ils représentent moins de 5% à persévérer dans leur apprentissage, dictionnaire Gaffiot à la main pour l’épreuve du baccalauréat. Autrement dit un réel échec pour intéresser nos collégiens à l’origine culturelle de nos langues actuelles.

Nous sommes bien loin du début du XXe siècle, où le latin représentait alors un quart de l’emploi du temps obligatoire des élèves, de la 6e à la terminale. Terminé les « rosa », « dominus » (1) et autres déclinaisons à apprendre en boucle, ainsi que l’apprentissage d’une grammaire relativement complexe, en se demandant si on trouvera une utilité à tout cela un jour. Il faut dire qu’à l’heure du numérique, les post scriptum (2) de bas de page se font rares. C’est à se demander si les jeunes adolescents, avec leur langage qui n’est compréhensible que d’eux seuls, connaissent les abréviations latines – de type « etc. » (3) – qu’ils utilisent au quotidien. Ce n’est pas certain.

Toujours est-il que le latin et le grec, comme toute langue morte, déserte de plus en plus les tableaux de programmation scolaire, et ce n’est pas la réforme du collège de 2016 qui arrangera les choses. Ces deux options, enseignées aujourd’hui séparément – à partir de la 5e pour le latin et de la 3e pour le grec -, devraient être regroupées sous l’intitulé « Langues et culture de l’Antiquité » et seraient intégrées à l’un des huit « enseignements pratiques interdisciplinaires » (EPI) proposés en option par les établissements scolaires. Autant dire que la plupart des collèges ne pourront se permettre financièrement de mettre à la disposition des élèves l’ensemble des huit EPI, et que le choix qu’ils devront opérer pourrait fort bien de ne pas être en faveur des langues antiques.

Aussi, dès l’annonce de ce projet, les organisations syndicales et les professeurs de lettres classiques, ces derniers craignant de ne plus avoir d’élèves à qui transmettre leur savoir, sont directement montés au créneau. Ils sont d’ailleurs à l’origine du Collectif « Arrête ton char ! Les Langues et Cultures de l’Antiquité aujourd’hui » (4), présent sur la toile et les réseaux sociaux, et d’une pétition demandant à Madame la Ministre de l’Education de « maintenir l’enseignement optionnel du latin et du grec, chacun à part entière, selon les modalités d’enseignement actuelles, avec un vrai programme, et des horaires qui ne soient pas subordonnés à une quelconque autre matière dans le cadre envisagé des EPI » (5).

 

Le latin et le grec, qui ont vu leur nombre d’heures hebdomadaires diminuer au fil des années – actuellement le latin est enseigné 2 heures par semaine pour les classes de 5e et 3 heures par semaine pour les 4e et 3e -, restent pointés du doigt, faute de popularité. Il se pourrait même que ces langues mortes finissent à terme par être complètement… enterrées. Un sérieux manque à gagner en matière de culture générale, mais quoi qu’il advienne : alea jacta est (6).

 

M.M.

 

(1) Rosa, rosae (la rose) est le modèle de la première déclinaison latine des noms ;

Dominus, domini (le maître de maison) est le modèle de la seconde déclinaison latine des  noms

(2) Le post scriptum (P.S.) signifie littéralement « écrit après ». Il représente un court message ajouté à la fin d’une lettre, généralement après la signature.

(3) etc : cette locution est empruntée au latin « et cetera desunt », qui signifie « et le reste est omis ».

(4) http://www.arretetonchar.fr/

(5) http://www.avenirlatingrec.fr/images/Non%20%C3%A0%20la%20fin%20des%20langues%20anciennes.pdf

Version abrégée de la pétition sur le site internet suivant :

https://www.change.org/p/madame-la-ministre-de-l-%C3%A9ducation-nationale-de-l-enseignement-sup%C3%A9rieur-et-de-la-recherche-r%C3%A9forme-du-coll%C3%A8ge-non-%C3%A0-la-fin-des-langues-anciennes

(6) Locution latine signifiant « le sort en est jeté » ou encore « les dés sont jetés »