Ailleurs

Pour Caroline-Christa Bernard la chanson ne doit pas être un vil produit de consommation

Pour Caroline-Christa Bernard la chanson ne doit pas être un vil produit de consommation

La vie réserve parfois des surprises, et le hasard (si c’en est un !) fait parfois bien les choses. En la personne de Caroline-Christa Bernard, c’est une chanteuse que nous vous proposons de sonder, laquelle, atypique, se confie de manière explicite en boutant hors de son champ de vision le dénaturant fard, ce avec un style châtié et attrayant. De la pondaison d’écrits à l’incarnation du verbe en mode vocal, elle reste vraie sans outrepassser les limites d’une sensibilité nullement de façade, gage de souveraineté intellectuelle et d’unité de substance. Maintenant, à vous de voir…et de peser vocables et notes. Trois, deux, un…

Où êtes-vous basée actuellement ?

« Je suis Parisienne depuis trente ans. Paris est une source d’inspiration inépuisable pour mes chansons, car mes textes évoquent souvent l’univers urbain et les rencontres à la marge, dans les rues de cette ville. A Paris, j’ai croisé des artistes talentueux, perdus comme des clochards célestes, des poètes sans un sou mais dont l’existence reflétait une grâce et une force puissantes. Je suis très admirative des personnes qui tentent de poursuivre leur création malgré un parcours difficile, heurté ou marginalisé. »

Quels sont vos parcours et profil artistiques ?

« Après plusieurs années en galerie d’art et en management auprès d’amis artistes (musique, slam, peinture, sculpture), j’ai commencé à écrire quelques textes personnels inspirés de mon quotidien, des petits poèmes sous la forme de haïkus. J’ai enregistré mes premières ritournelles sur un petit dictaphone manuel qui convertissait ma voix en MP3. J’ai ensuite rencontré des musiciens qui m’ont permis de mettre mes mots en musique. Ces premières chansons ont bénéficié de quelques sélections presse et radios, ce qui m’a encouragée à poursuivre le chemin musical. »

Que représente le fait de chanter pour vous ?

« J’ai grandi dans une famille mélomane, très axée autour de la musique classique, avec une première approche du solfège et des instruments de musique, notamment le piano et le violoncelle. Mais étonnamment, depuis toujours, c’est l’univers de la chanson, du rock et de la pop, qui eut ma préférence. Déjà très jeune, j’écoutais sur les ondes des radios nationales (les radios libres n’existaient pas encore), les émissions dédiées à la chanson française. J’ai le souvenir précis d’une interview à la radio d’Alain Bashung consacrée entièrement à la sortie de son album « Roulette Russe ». Ce devait être en 1976 ou 1977, et malgré mon jeune âge, j’ai ressenti comme un émerveillement à l’écoute de ses chansons. J’avais pris conscience très tôt, d’une façon plus ou moins confuse, que ma vie serait orientée vers cet univers musical. Chanter est à mes yeux un espace de rencontre entre la poésie, les mots et le choix d’une couleur musicale. La force d’une chanson, c’est de devoir être efficace et percutante dans un format de 3 minutes. Le message, le voyage, les sentiments, tout doit passer rapidement, en quelques minutes, en tentant de laisser une trace, de percuter l’auditeur par des mots incisifs. La structure d’une chanson se construit dans cet objectif. »

Etes-vous uniquement interprète, ce qui n’est pas e soi péjoratif, ou en plus auteur, compositrice ?

« Sur mes projets musicaux, je suis auteur-interprète des textes, mais je n’interviens pas dans la composition de la musique. L’écriture vient de façon spontanée, au passage d’une idée, d’une rencontre. Dès que le thème de la chanson est trouvé, les mots s’articulent ensuite autour de cette ossature. Par le passé, j’ai eu aussi plaisir à interpréter des classiques de la chanson ou du rock, sous la forme de reprises a cappella. C’est un véritable plaisir de se plonger dans l’univers d’un artiste qu’on admire, de disséquer ses mots et la façon dont il a formulé sa pensée. A l’avenir, j’envisage peut-être de m’associer à un auteur pour une écriture à quatre mains. Collaborer avec autrui amène un autre regard et de la respiration. Le risque, en effet, lorsqu’on écrit seule, est de s’enfermer dans des automatismes et des répétitions d’écriture. »

Le timbre de voix qui est le vôtre relève-t-il du désir d’apporter une certaine gravité aux paroles ?

« Mon timbre de voix est, paraît-il, assez doux et paisible. Je ne suis pas une chanteuse « à voix », une technicienne des cordes vocales. Mon approche est davantage dans une forme de diction pour raconter des histoires. Il y a peut-être une certaine gravité dans mes paroles, mes textes évoquant à la fois la beauté et la dureté de la vie. J’évoque des parcours de vie et des existences où s’entremêlent le goût du risque, la quête d’absolu et les chemins de traverse. Pour mon EP 5 titres « Le Fracas », sorti cette année au mois de février, j’ai eu la  chance d’être accompagnée musicalement par des musiciens de talent : Atissou Loko pour la composition des morceaux et les percussions, Vincent-Marie Bouvot aux claviers et aux arrangements, et David Cook qui a réalisé un très beau mixage des titres. »

Avez-vous une actualité particulière ?

«Nous envisageons de réaliser un ou deux clips de mon EP à la rentrée de septembre, notamment pour le morceau « Circuit Carole » qui évoque l’univers de la moto. Cette chanson a été sélectionnée par plusieurs magazines de presse dédiés à la moto, et elle illustrera prochainement une vidéo présentant le parcours des douze femmes les plus talentueuses du Circuit Carole en 2015. J’ai également participé récemment à une prestation live pour le site de l’émission littéraire « Des mots de Minuit », en interprétant ma chanson « Petite Sœur » avec le guitariste François Baudin. » 

Comment peut-on vous écouter sur YouTube ?

1-Les Paires de Claques : https://www.youtube.com/watch?v=tFT47IYjyj4

2-Petite Sœur : https://www.youtube.com/watch?v=b gitXA7jCM

3-Circuit Carole : https://www.youtube.com/watch?v=xGqSnfVIGlI

4-Statue de la république : https://www.youtube.com/watch?v=i1uIdraxmZk

5 –Le Fracas : https://www.youtube.com/watch?v=wxzfRFZHnRE

Voici également le texte de ma chanson « Circuit Carole » qui évoque le goût de la vitesse et du risque, le danger des sports extrêmes et les premières amours :

« Circuit Carole,

Un terrain de jeux,

Loin de l’école,

Allumer les feux,

De mes clopes au menthol,

Tu crevais les pneus,

Le cœur de ma bagnole.

 

Circuit carole,

Le corps de la moto,

Entre mes guibolles,

Y laisser ma peau,

Se porter bénévole,

Pour ce rodéo,

Passer à la casserole.

 

Circuit Carole,

Vissée à l’arrière,

Je prends mon envol,

Jeune passagère,

Au chant du rossignol,

Je baisse la visière,

Et je tiens ma parole.

 

Circuit Carole,

Aussi vierge que l’huile,

Le prix du Gazole,

Sur mon cuir juvénile,

Remettre du pétrole,

Et pour éviter les tuiles,

Faire briller la carriole.

 

Circuit Carole,

Sombre promenade,

Une dose de vitriol,

Pas tomber en rade,

Le crack ou la colle,

Une dernière cascade,

Remporter le pactole.

 

Circuit Carole,

On calme les freins,

L’ardeur de la boussole,

Rechercher le témoin,

L’ombre de Carole,

Qui a 17 ans un matin,

Disparut en plein vol. »

Quels souvenirs gardez-vous de la Saône-et-Loire ? Apprécieriez-vous de vous y produire ?

« J’ai passé de nombreuses vacances d’été à Chagny, dans mon enfance, où mon oncle et ma tante étaient domiciliés. J’ai le souvenir d’une nature magnifique, avec des champs à perte de vue. Lors de nos promenades et jeux d’enfant, nous allions souvent nous perdre près du Château de Bellecroix. Je me souviens également des repas de famille à Chagny au cours desquels la qualité du vin et du cépage de la région de la Saône-et-Loire étaient régulièrement au centre des conversations. Ce serait une chance de venir jouer dans votre belle région, mais à ce jour aucune tournée n’est prévue, car mes musiciens sont engagés sur de nombreux projets musicaux, notamment à l’étranger, pour accompagner des corps de ballet et des opéras. »

Vous devez vraisemblablement caresser des rêves quant à une carrière qui serait la copie conforme de vos aspirations. Pouvez-vous lever un coin du voile ?

« Les rêves sont en effet un moteur dans toutes choses. On a forcément des modèles, des références lorsque l’on s’investit dans une discipline. Pour ma part, de nombreux artistes forcent mon admiration, mais je trouve important et essentiel qu’un certain mystère demeure autour de l’artiste. Cela renforce son aura et le culte qui accompagne sa carrière. A l’heure d’Internet et du buzz, certains musiciens très talentueux se retrouvent exposés à une surenchère médiatique. Leurs chansons passent en boucle sur les ondes et les médias, à coup de matraquage promotionnel. Cela finit par tuer tout le charme et le mystère, et on finit par se lasser de ces chansons. Voici quelques noms qui m’accompagnent sur mon chemin musical : Daniel Darc, Yves Simon, Gérard Manset, Dick Annegarn, Mathiew Boogaerts, Karen Dalton, Lou Reed, Joy Division, Kraftwerk. »

Vers quel style musical va votre préférence ?

« Pour mon travail personnel, je m’oriente davantage vers la chanson française et le rock. Mais d’autres styles musicaux sont aussi des viviers de talents (l’electro, le punk, le reggae, etc.). Ce que je privilégie en musique, ce sont le ressenti et l’éblouissement à l’écoute d’un morceau. »

 

Pour aller sur sa page Facebook : https://fr-fr.facebook.com/carolinechrista.bernard

                                                                                            Michel Poiriault