Cinéma

Claude Lorius : « Maintenant que, comme moi, vous savez, qu’allez-vous faire ? »

Claude Lorius : « Maintenant que, comme moi, vous savez, qu’allez-vous faire ? »

« Maintenant que, comme moi, vous savez, qu’allez-vous faire ? » C’est sur ces mots que s’achève le documentaire retraçant la vie de recherches en Antarctique de Claude Lorius : La glace et le ciel [1], présenté en avant-première au cinéma Axel mardi 20 octobre dernier par La bobine, en présence de Thomas Saucède, écologue marin, et de ACTE (Association Chalonnaise pour la Transition Energétique).

Après une brève présentation d’avant séance du documentaire La glace et le ciel, Jean-Luc Chemorin, secrétaire de La bobine, nous apprend que celui-ci comprend des images rares, en particulier concernant l’expédition Charcot à laquelle a participé Claude Lorius, puisque des pellicules ont été retrouvées et développées récemment. Luc Jacquet s’en est servi pour retracer la vie du scientifique dans son film.

                                                                                                             

Après des études à l’université de Besançon, sa ville natale, Claude Lorius décide de répondre à une petite annonce : « Recherche jeune homme, en forme physique excellente et avec un certain goût pour l’aventure ». Et il est retenu. Il se prépare ainsi pour sa première mission en Antarctique : « Quelle chance inouïe.  A 23 ans, j’appareille pour le bout du monde ». Le jeune homme prêt à découvrir le monde ne sait alors pas encore ce qui l’attend.

 

En Antarctique, les seuls habitants sont des pingouins. Les conditions de vie sont extrêmes et la recherche ne s’en trouve pas facilitée. Aussi Claude Lorius et ses compères auront à surmonter nombre de difficultés au cours de plusieurs missions effectuées sur ces terres glacées, hostiles : température pouvant atteindre – 90° C ; véhicule en panne qu’il faut abandonner au milieu de nulle part, et avec lui une partie du matériel qui ne peut plus être transporté ; balisage qu’il faut absolument suivre au risque de perdre son chemin et de ne jamais atteindre la base ; avancée sur de la neige qui cache des crevasses dans lesquelles tous peuvent tomber à tout moment ; tempête qui détruit ou enseveli le matériel de recherche ; avions qui explosent au moment du départ, imprégnant chacun de la crainte de ne plus pouvoir repartir ; début de scorbut et de cécité des neiges pour les hommes, etc. Mais la passion de la recherche est plus forte que tout et permet à Claude Lorius et aux autres scientifiques de tenir le coup dans ces conditions inhumaines : « La quête du savoir nous empêche de devenir fous ».

 

Durant ses différentes missions, Claude Lorius observera d’abord que les cristaux de neige sont plus ou moins fins selon les saisons, puis il étudiera la composition des bulles d’air et poussières incluses dans des carottes de glace. Ces travaux lui ont ainsi permis d’établir un lien entre le taux de gaz à effet de serre – dioxyde de carbone (CO2) et méthane – et l’évolution climatique sur des milliers d’années. Il a ainsi pu affirmer que les émissions de CO2 depuis cent ans ont entraîné une augmentation des températures à un rythme jamais connu et donc que l’homme modifie le climat de la Terre.

 

Pour expliquer les résultats de ses recherches, Claude Lorius est passé de stations de radio en plateaux de télévision et, alors qu’il a été récompensé pour ses recherches et que son travail est reconnu, constatant qu’aucune mesure sérieuse n’est prise au fil des différentes conférences sur le climat, il se dit : « Que vaut la reconnaissance quand l’alerte n’est pas entendu. J’ai parfois l’impression de n’avoir servi à rien. » D’où la question à la fin du documentaire qui lui est consacré : « Maintenant que, comme moi, vous savez, qu’allez-vous faire ? »

 

A l’issue de la séance, de nombreuses questions ont été posées à Thomas Saucède, écologue marin, maître de conférences en pathologie évolutive à l’université de Bourgogne, travaillant sur la biodiversité marine antarctique. Il a ainsi pu apporter des précisions concernant les conséquences du changement climatique sur les espèces et leur capacité ou non capacité à vivre dans des eaux plus chaudes [2], sur les courants marins changeants, sur les ravages de l’augmentation du niveau des mers, sur la pollution des océans. Et avec des spectateurs, il a regretté que « l’influence de l’activité humaine sur le climat étant invisible et non mesurable, des personnes peinent à y croire ». De plus, « Le réchauffement est quelque chose sur le long terme, qui s’accélère, mais qui n’est pas sur le même temps que les politiques ».

 

M.B.

 

[1] 2015. Durée : 1h29

Bande annonce :

http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19556024&cfilm=228538.html

 

[2] Sur ce dernier point lire l’article d’Info-Chalon, sur Joël Galissot, qui vient de publier un ouvrage relatif aux effets du changement climatique sur la nature :

http://www.info-chalon.com/articles/chalon-sur-saone/2015/10/18/16914/librairie-develay-a-chalon-rencontre-avec-le-passionnant-joel-galissot/