A lire
Info-chalon.com a lu pour vous « Aurora » de Vincent Peillon
Publié le 15 Avril 2016 à 14h13
L’ancien ministre de l’Education nationale a ressorti de ses tiroirs un projet de roman commencé il y a plus de trente ans. Le genre de tâche à laquelle on s’attelle lorsqu’un projet qui vous tient à cœur tombe à l’eau plus vite que prévu... Pari romanesque tenu.
Les cadavres s’entassent vite, dans le premier roman de Vincent Peillon. Ce ne sont pas ceux que l’on attend. Les observateurs rigolards de la vie politique française qui espèrent le dessoudage en règle d’un petit Catalan nerveux, d’un amateur de scooter à l‘humour discutable et autosatisfait, d’un grand gars bruyant aux fantastiques cuvées en seront pour leurs frais s’ils guettent des règlements de compte issus d’un autre univers agité. Le monde d’ « Aurora » se suffit à lui-même.
C’est un roman qui se déploie à l’échelle de la planète, s’enracine dans ses sous-sols. L’intrigue, la plupart du temps, se passe dans des terres froides d’Europe, et a pour enjeu les énergies fossiles du Groënland. Elle chemine par les réunions secrètes de services discrets, de double ou triple jeu, de stratégies gigognes, de massacres minutés, de lassitude et de colère partagées. Tout est affaire de tunnels, de passerelles. De Hambourg au Maroc, de Copenhague à Tel-Aviv. Des liens noués, tordus, trahis. Les personnages ne sont jamais où on les attend. Ce sont de vieux camarades de jeu qui s’offrent une dernière récréation. Kuntz, le personnage principal, ne croit plus en rien. Il ne vit plus vraiment quand la fille d’un vieil ami vient le chercher. Cette dernière mission lui offre une série de frissons qui au final, le rendront un peu plus humain. Tuer, pour lui, c’est revivre un peu.
L’histoire est complexe, les personnages nombreux, l’univers décrit, celui des soldats, des multinationales, de l’OTAN, d’un quarteron de mercenaires, est définitivement frigorifiant. Même si l’horizon finit par se dégager. Les phrases sont courtes et efficaces. On est loin des essais savants, des phrases longues aux amplitudes universitaires qui collectionnent les notes de bas de page et les références. On se laisse emporter par l’histoire, même si par moments, elle nous perd.
Au final, une trentaine de personnages aura été supprimée de diverses manières avant le mot fin, en quelques jours. Car les gars dont on suit les pérégrinations, à travers l’Europe et parfois un peu plus loin, connaissent leur travail et maîtrisent leur agenda. Ils sont efficaces, sanglants, rapides et même après des années d’inactivité, ces agents du Mossad étonnamment autonomes renouent vite avec l’action. Une hécatombe de réactionnaires, un vieil homme qui rêve sur son lit médicalisé au retour des partisans d’Hitler, une fille inquiète qui croit son vieux père inoffensif et en danger, des agents secrets balourds qui se font déborder par une bande de plus agiles. Une galaxie de personnages qu’on n’a pas du tout envie de croiser dans la vraie vie tant ils ont su gommer l’affect pour exécuter en rythme. Le lecteur n‘a pas le temps de s’y attacher, car la plupart ne sont ni fréquentables ni très aimables. Le monde décrit par « Aurora » est blafard, sans illusion. L’intrigue comporte ce qu’il faut de fausses pistes torves pour tenir le lecteur en haleine. « Aurora » est un peu trop glaciale mais saignante et trépidante à souhait.
Florence Genestier
« Aurora » de Vincent Peillon, Stock, 384 pages, 20,99 €.
Extraits
« Qui aurait pu imaginer que cette figure exemplaire du patronat allemand, moderne, discrète, sérieuse, sociale, dissimulait un nostalgique du IIIe Reich occupé à organiser un vaste complot mondial à la revanche tant attendue ?».
« Aurora, c’est justement le nom qu’il a choisi pour le consortium qu’il a créé avec les Russes et les Danois afin de s’emparer des réserves du Groenland et de chasser les Américains de ce territoire qu’ils se sont annexé. Pétrole, gaz, uranium, terres rares, toutes les espérances sont permises. C’est son dernier coup et c’est un coup de maître. De l’argent bien sûr mais plus encore de la puissance. »
« Plus les jours passent, plus les réunions se succèdent, plus le lieutenant-colonel Herrings lui sort par les trous de nez. Son habileté, incontestable, finit par jouer contre lui. Il est trop intelligent et il a le même défaut que tous ces jeunes types trop intelligents. Il prend les autres pour des imbéciles et cela finit par se voir. Paulus ne se prend pas pour une lumière. Il est un bon soldat. Cela suffit à son orgueil. Mais il n’aime pas non plus qu’on le prenne pour un crétin fini, tout juste bon à porter des rangers, à aboyer des ordres et à tuer des basanés. »
« Deux minutes se sont écoulées depuis le début de l’action. Il a tué quatre hommes, en a blessé un cinquième et maintenant il doit exécuter la cible et partir. Il ne ressent ni émotion ni pitié »
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