TRIBUNAL DE CHALON - Menaces de mort à son épouse : « Je voulais la mettre à terre »

Par Florence Saint-Arroman

Publié le 15 Juillet 2021 à 20h49

TRIBUNAL DE CHALON - Menaces de mort à son épouse : « Je voulais la mettre à terre »

a passé le 14 juillet en prison. C’est un suisse allemand, alors la fête nationale française, bon, pas si important.

Par contre, comparaître sous escorte après deux nuits en cellule, parce qu’on a, le 20 juin dernier, envoyé à son épouse un message disant qu’on allait « la détruire »...

« Craignez autant que vous le pourrez, personne ne pourra vous protéger »

Madame habite à Diconne, monsieur, 44 ans, vit en Suisse, ils sont en instance de divorce, mais la distance n’empêche en rien l’impact du message qui précise : « Craignez autant que vous le pourrez, personne ne pourra vous protéger ». Ainsi les gendarmes vont trouver à son domicile une femme très angoissée, qui tremble, se met à pleurer, dit qu’elle a peur de son époux. Le 16 juillet 2020, monsieur était jugé et condamné pour des violences sur elle à 4 mois de prison entièrement assortis d’un sursis probatoire de 2 ans. Trois mois plus tard il est au domicile de madame, malgré l’interdiction de contact avec elle, « pour voir ses enfants », dit-il aux gendarmes qu’elle avait appelés.

« Je voulais (juste) la mettre à terre »

Le juge d’application des peines le convoque à Chalon ce mardi. Il est interpellé à l’issue de l’audience et le voilà dans le box, assisté d’une interprète. Alors, le message, il en est l’auteur, pas de souci, par contre il ne la menaçait pas de mort, non-non-non. Il voulait juste « lui faire peur sur le plan psychique ». Enorme. Il explique qu’il ne voulait surtout pas s’en prendre à elle physiquement, « parce que c’est la mère de mes enfants », mais « je voulais la mettre à terre ». On en reste sans voix.

L’apparence/la réalité

Ce n’est pas le cas de la vice-procureur qui lui fait remarquer qu’il a violé pour la seconde fois le cadre de sa probation. Il en convient. Faut dire qu’il n’a pas le choix. On dirait le monsieur qui posait pour la pub d’une lessive, un monsieur propre super costaud. Mais pas propre sur tous les plans, au final, parce que sa voix si douce ne masque pas sa façon de minimiser ses actes, ni sa façon d’être opposant en refusant de répondre à certaines questions comme celle de ses revenus, celle de la pension alimentaire qu’il verse pour ses enfants. Le président Dufour obtient qu’il réponde au tribunal.

« La personnalité de monsieur est inquiétante » 

« Il renverse les rôles, se positionne en victime, en père brimé. Il a déclaré ‘tirer son chapeau à la justice française qui fait une erreur, mais c’est simplement quelqu’un de violent qui ne supporte pas que son épouse lui échappe. Il ne voit plus ses enfants, parce qu’il est passé en force, en violation de la décision de justice. Il décide que tout doit se faire à sa façon » dit Aline Saenz-Cobo pour le ministère public. Elle développe la façon dont le futur ex-mari coince son épouse et elle insiste sur la menace de mort contenue dans le message qui prend soin, et ce n’est pas un hasard vu le profil de monsieur, de ne pas être clairement explicite. « Un comportement de toute puissance qui pour le coup est en train de détruire la victime. La personnalité de monsieur est inquiétante. » 
La procureur requiert une peine mixte de 12 mois de prison dont 6 mois assortis d’un sursis probatoire de 3 ans, maintien en détention pour 6 mois. Puis interdiction contact et domicile de madame, et last but not least une interdiction du territoire français pendant 10 ans. « Il ne veut plus payer la pension, méprise la mère et la menace. » 

L’avocat plaide une relaxe

Pour connaitre ce genre de situations et ce genre de profil infernal et destructeur, pervers dans son mode de relation, on se permet de remarquer au passage que tous les magistrats n’en prennent pas forcément la mesure, parce que ces gens sont des manipulateurs qui savent bien prendre la tête des autres. 
Maître Diry plaide la faiblesse de la qualification et le fait que les violations du cadre de la probation relèvent de la compétence du juge d’application des peines. L’avocat reprend la traduction du message, s’appuyant sur son étude de l’allemand : « rien ne pourra vous protéger », ce n’est pas un vous, c’est un « dich », qui ne concerne donc pas les enfants. On se dit qu’il a raison mais que le profil du prévenu est bien celui décrit par le parquet et, comme souvent, on est content de ne pas avoir à juger. L’avocat sollicite la relaxe du prévenu pour ce message qui « ne contient aucune menace de mort ». 

« Des erreurs » 

Laïus du prévenu. Que la prison lui a ouvert les yeux, qu’il regrette de tout son cœur, etc. C’est un peu long car il a écrit son discours. « Je suis désolé, j’ai fait des erreurs. » « Des erreurs » : d’un certain point de vue, c’est certain, car nombre de ses pairs (entendre : les personnes qui ont ce mode de fonctionnement – et non pas tous les hommes !) parviennent à passer entre les mailles, alors que lui, il est jugé. Pendant le délibéré, madame garde la tête baissée. Il lui jette des coups d’œil. 

7 mois de détention

Le tribunal estime qu’il s’agissait bien de menaces de mort, en conséquence, déclare le prévenu coupable et le condamne à une peine de 5 mois de prison, révoque 2 mois de sursis, ordonne son maintien en détention pour ces 7 mois. Interdiction de porter une arme pendant 5 ans.