Agglomération chalonnaise
Martine a relevé un sacré défi : adopter une chienne reproductrice issue d’une usine à chiots !
Par Nathalie DUNAND
Publié le 05 Septembre 2022 à 13h40
La petite Ivoire n’a pas connu une vie facile jusqu’à sa rencontre avec Martine, sa maitresse providentielle. Elle a vécu l’usine à chiots, deux brèves adoptions ratées, avant d’établir une vie sereine qu’elle n’espérait plus. Et cela, grâce à une femme résolue.
« Depuis que nous habitons une maison, j’ai toujours eu des chiens, Ivoire est mon 3e, commence Martine Matheus. Mon père était marinier, et, à mes 17 ans, on a adopté un chien sur la péniche. Mais aujourd’hui, à mon âge, je ne voulais pas prendre un chiot ! Alors je me suis dit : à la SPA, il y a plein d’animaux malheureux, alors je vais prendre le plus malheureux et le plus bâtard parce que je sais qu’ils sont difficiles à adopter. »
C’est sur cette préméditation – courageuse – qu’elle visite une première fois la SPA de Châtenoy-le-Royal, début 2020. « Un moment, je suis passée devant une cage vide, je la croyais inoccupée, mais elle était déjà là, je l’ai su après. Elle se cachait dans son box, elle avait peur. »
Martine cherchait un chien de petite ou moyenne taille et ne le trouve pas lors de cette première visite.
Le temps passe, elle décide d’y retourner une seconde fois, en fin d’année : « Je vais bien voir », se dit-elle. Et elle a vu, oui, cette même cage vide ! En questionnant une bénévole de la SPA, elle apprend qu’une chienne l’occupe depuis 1 an, mais qu’elle ne se montre pas. « J’étais intriguée, je voulais la voir. Alors, la bénévole est allée chercher un biscuit pour attirer la chienne vers la porte grillagée. »
Ivoire montre prudemment le bout de son nez, prend l’obole et repart à l’abri des regards. Martine l’a enfin vue : c’est une femelle Bruno du Jura, âgée d’environ 6 ou 7 ans. Dans un piètre état psychologique… Triste indice de son passé supposé : ses longues mamelles pendantes et colorées. Elle vient d’une usine à chiots, le côté sombre du commerce des chiens de race.
Qu’est-ce qu’une usine à chiots ? Une vision d’horreur
Une usine à chiots, c’est un élevage indigne, une reproduction intensive dans des conditions horribles, c’est le chaos. L’enfer pour les femelles reproductrices qui enchainent portée sur portée, enfermées en permanence dans des cages exiguës, l’enfer aussi pour les chiots, entassés dans des conditions d’hygiène effroyables. Lorsque leur fertilité diminue, les animaux reproducteurs peuvent être tués, abandonnés ou vendus à une autre usine. Quant aux chiots, beaucoup ont des problèmes de santé et de comportement, difficiles à déceler au moment de l’achat. La Fondation 30 Millions d’Amis, entre autres associations, tente de les démanteler… (voir liens en fin d’article).
Et ces chiots atterrissent souvent dans les animaleries. À compter du 1er janvier 2024, la vente de chiots et chatons en animalerie sera interdite et la vente d’animaux en ligne sera mieux encadrée.
Martine-Ivoire : une adoption tout en douceur
« J’y suis retournée plusieurs fois sans rien demander, poursuit Martine, mais je parlais à travers le grillage, sans la voir, pour qu’elle s’habitue à ma voix. »
Sa décision prise, elle en parle à la directrice du refuge : « cette chienne m’intéresse, j’aimerais l’adopter. ». En refuge, l’adoption se fait au cas par cas, on ne confie pas un animal sur simple signature. Et dans celui d’Ivoire, le temps est un facteur important. On propose donc à Martine de venir quotidiennement à la SPA pour le moment de la promenade des chiens.
« J’accompagnais d’abord Michèle, la bénévole qui s’en occupait, puis, peu à peu, j’ai tenu la laisse. Ivoire se retournait toujours pour vérifier qui la promenait. Alors je lui parlais. J’ai fait ça pendant une douzaine de jours. »
Peu après, Martine devait partir en vacances dans le Midi. Étant donné le caractère très craintif d’Ivoire, il était préférable de ne pas l’emmener. « À mon retour, une semaine plus tard, Ivoire n’a pas montré qu’elle me reconnaissait. J’ai signé les papiers d’adoption, puis, après l’avoir promenée avec les autres chiens de la SPA, je l’ai menée à ma voiture. »
Sa nouvelle maison
« Lorsque je l’ai sortie de la voiture, elle est restée figée. On m’avait prévenue qu’elle mettrait du temps à s’habituer : elle a dû vivre trop longtemps enfermée, sans aucun contact, dans cet élevage sordide.
Pendant les 2 premiers jours, elle est restée prostrée dans le sous-sol. Je lui avais installé un coussin et de la nourriture. Elle n’osait ni bouger ni manger. Le 2e jour, je pensais appeler le vétérinaire, mais le lendemain, elle a mangé un peu. Elle n’osait pas quitter le tapis pour aller vers ses croquettes. J’ai dû éloigner la gamelle progressivement. Et pour manger, il fallait que je sois à côté, pour la rassurer avec ma voix. Elle jetait toujours des regards apeurés autour d’elle.
Puis elle a repris le plaisir de manger : je lui fais des préparations maison avec des abats, des légumes, des carottes, des haricots verts, elle adore ça.
Aujourd’hui, ça fait 1 an et 9 mois que nous l’avons accueillie : le 3 janvier 2021 précisément, qu’elle est avec nous. Elle a exploré peu à peu la maison – pas encore toutes les pièces – mais elle s’est fait ses repères. Même avec notre chat Marcel, la cohabitation est sereine. »
Martine est attentive à ses besoins : les promenades sont quotidiennes et Ivoire peut trotter à sa guise sans laisse – un luxe dont elle a été privée toutes ces années dans l’élevage de la honte. Elle découvre ainsi toutes les odeurs, rencontre aussi d’autres chiens : « elle n’a jamais été agressive et vient les sentir, parfois jouer avec eux » précise Martine.
Réussir une adoption dans un refuge, est-ce facile ?
En janvier 2023, cela fera 2 ans que Martine a adopté Ivoire, et réciproquement ! Un défi relevé grâce à l’attention et la patience de sa maitresse. Ça n’a pas été le cas pour les deux adoptions précédentes. Ivoire aurait d’abord fugué peu de temps après sa première adoption, sans que sa propriétaire le signale. Elle aurait vraisemblablement survécu seule, avant d’être repérée par des chasseurs dans un bois. Les deuxièmes adoptants ont ramené la petite chienne quelques jours après, expliquant que ce chien ne dormait pas dehors et ne gardait pas la maison. « Eh non ! confirme Martine, Ivoire n’est pas un chien de garde ! »
Alors, quelles précautions, quels conseils pour réussir une adoption ? « Ma fille et une amie m’ont dit qu’elles aussi, elles aimeraient adopter un chien à la SPA. Je leur ai dit simplement qu’avoir un chien, c’est des responsabilités. Il faut bien l’observer, comprendre ses besoins, son caractère, lui parler, l’éduquer et adapter son comportement. Et prendre du temps pour les promenades, bien sûr ! » Pour Ivoire, pas un jour sans ses promenades tant aimées !
Depuis janvier 2021, Martine envoie régulièrement des nouvelles d’Ivoire à Michèle, une bénévole qui promenait la petite pensionnaire à la SPA. « Elle mérite tellement d’être heureuse ! » avait-elle dit à Martine.
On peut dire que cette prière est exaucée (photos ci-après).
Par Nathalie DUNAND
[email protected]
Signaler une maltraitance : spa/signaler-une-maltraitance
Les élevages de l’horreur : 30millionsdamis-usines-de-chiens
Fondation Assistance aux animaux : ICI
Les missions de la SPA : spa-missions
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