Faits divers
Rififi en soirée puis on en découd avec la police.. le nouvel établissement de loisirs de Chalon a eu des sueurs
Par Florence SAINT-ARROMAN
Publié le 09 Septembre 2022 à 11h25
C’était sa première cuite, qu’il dit. Si c’est le cas, c’est une cuite mémorable : elle l’a entraîné avec trois membres de sa famille, à être jugé ce jeudi 8 septembre en comparution immédiate. Dix victimes se constituent parties civiles, dont cinq policiers.
Quelle soirée, ce 4 septembre ! T. et sa cousine S. se rendent dans un établissement de loisirs qui a ouvert la veille, à Chalon. Le directeur est à hue et à dia, et voilà ces jeunes gens qui veulent faire du trampoline, sans porter au moins des chaussettes antidérapantes, sans avoir pris le bracelet obligatoire. « Violation des règles de savoir-vivre en société, dit Alexandre Marey, substitut du procureur. Ces personnes répondent : on fait ce qu’on veut. »
« Elles m’ont mal parlé, elles voulaient qu’on sorte »
Le directeur intervient, il se retrouve plaqué au sol à prendre des coups. S. voit son cousin en train de se battre, et en plus de ça, des employées de l’établissement « m’ont mal parlé, elles voulaient qu’on sorte ». A juste titre, non ? Oui, reconnaît la prévenue. Tirages de cheveux, griffures, etc. Les vidéos attestent de leur culpabilité et du déroulement des agressions. La police arrive : les auteurs présumés se sont enfuis « en direction d’un camp pour les gens du voyage ». Fin du premier acte.
Tout le monde cherche T.
Entre-temps, on a prévenu la mère de T. Son fils s’est battu, elle doit venir le chercher. La mère y va, avec l’un de ses frères, et un autre de ses fils. La BAC de nuit voit arriver le fourgon alors que sur le camp, c’est déjà le bazar. Les policiers se font copieusement insulter, essuient des jets d’objets divers et variés. Pour finir, le parquet retient contre T. et S., les violences et dégradations dans l’établissement de loisirs, puis concernant T., des outrages et violences contre des policiers. Contre F., l’oncle, violence et outrages, contre V., sa sœur et mère du principal prévenu, des outrages. C’est l’acte 2.
« C’est pas grave, c’est mon oncle. C’est la famille »
T. reconnaît tout. « J’avais trop bu. Je me rappelle de rien de ce qui s’est passé. » Les policiers le voient se battre sur le camp. « C’est pas grave, c’est mon oncle. C’est la famille. – Du point de vue du tribunal, c’est de la violence, et c’est interdit par la loi. » Les « bandes de s…pes, je b… vos morts, fils de chien » assortis de gestes obscènes ? « Ben oui. » Le jeune homme avait quasi 2 grammes d’alcool par litre de sang « deux heures après les faits », précise la présidente Berthault.
Alexandre Marey, substitut du procureur, requiert la peine de 12 mois de prison dont 6 mois assortis d’un sursis probatoire mais son maintien en détention pour la partie ferme. Il demandera la même peine contre F., son oncle, placé en détention provisoire lui aussi. T. a 19 ans, une seule petite condamnation à son casier, « il est le seul à reconnaître sans minimiser » plaide Sarah Bouflija.
« Son maintien en détention est injustifié »
Son oncle F. est en mauvaise posture : il conduisait le fourgon, et, après que la police l’a gazé dans l’habitacle, il a voulu décamper mais a heurté la voiture de police stationnée sur le trajet. Le dommage est léger (« Même pas un enfoncement de carrosserie » rappelle maître Diry), mais la policière qui restait au volant a 4 jours d’ITT. F. vit en caravane à Angers, ses parents résident ici. Cinq condamnations pour vols. N’empêche, « son maintien en détention est injustifié », plaide Benoît Diry qui résume l’affaire concernant F. à « une interpellation musclée dans un camp particulièrement animé, avec des gars torses nus un peu partout ».
« Ben oui, c’est ce que je vous dis »
F : « Y a eu un peu d’engueulade entre nous et la police, c’est tout. On a dit ‘pourquoi vous allez pas dans les cités ?’, c’est tout.
- On vous reproche d’avoir dit ‘Vous êtes des s…pes’.
- Ah non j’ai pas dit ça !
- C’est pas ce que dit la police, il y avait des cris de partout.
- Ben oui, c’est ce que je vous dis. »
Puis : « Je m’excuse par rapport à eux, je suis désolé. »
« Un dossier de l’incivisme plutôt que de la délinquance »
Les deux femmes sont à la barre, elles comparaissent librement. La plus âgée, la mère de T., ne sait ni lire ni écrire, la plus jeune n’a aucun diplôme, juste pour dire que rien ne va de soi.
La mère est poursuivie pour outrages, « mangez vos morts, fumiers ». « On ne dit pas ces mots-là, non. – Vous n’étiez pas très calme, pourtant. – Ben oui ! On m’appelle, je viens chercher mon fils qui s’est battu, et ils me prennent mon fils. Je comprenais pas. » Maître Mortier-Krasnicki plaide une relaxe, « elle n’est pas connue pour outrage, elle va faire les vendanges ». L’avocate en justifie.
Quant à S., la cousine qui tire les cheveux et qui griffe, « c’est un dossier de l’incivisme plutôt que de la délinquance ». La défense est raccord avec le parquet.
Décisions
T. est condamné à la peine de 12 mois de prison intégralement assortis d’un sursis probatoire, avec obligation de travailler, d’indemniser les parties civiles et l’interdiction de mettre ne serait-ce qu’un doigt dans l’établissement où il a causé un trouble important, avec violences.
F. est condamné à la peine de 8 mois de prison entièrement assortis d’un sursis probatoire pendant 2 ans, avec obligation de travailler et d’indemniser. Pour le véhicule de police, il est acquis qu’il n’a pas voulu foncer dedans, mais « vous saviez ne pas pouvoir passer sans heurts ».
V., la mère, est condamnée à 2 mois de prison avec sursis, pour outrages envers deux policiers.
S. est condamnée à 105 heures de travail d’intérêt général, le sien étant compris dans le général. Qui sait si elle ne pourra pas trouver du travail pour elle ? Deux mois de prison à la clé en cas de non-exécution et interdiction absolue de se pointer dans l’établissement.
Maître Bibard pour les policiers, rappelait leurs devoirs mais aussi leur droit « à être respectés ».
FSA
Chacun devra indemniser qui de droit, selon les victimes. L’établissement, en revanche, est débouté de toutes ses demandes, faute de pièces suffisamment précises et probantes. C’est tout l’inconvénient des comparutions immédiates, ça va trop vite.
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