Chalon /autour de Chalon

Trafic de drogues : pas d’escortes pénitentiaires ce jeudi

Trafic de drogues : pas d’escortes pénitentiaires ce jeudi

Trois hommes poursuivis pour trafic de stupéfiants, « deux trafics distincts mais en lien » disait la procureur lors de la première audience* auraient dû être jugés ce lundi 16 mai mais le box est vide. Suite à l’attaque volontairement meurtrière d’un fourgon de l’administration

Suite à l’attaque volontairement meurtrière d’un fourgon de l’administration pénitentiaire, ce mardi 14 mai à un péage de l’A154, dans laquelle deux agents ont perdu la vie et trois autres restent grièvement blessés, le centre pénitentiaire de Varennes-le-Grand est bloqué : pas d’extraction.

Il a été proposé aux trois prévenus qui sont en détention provisoire d’être jugés via une visioconférence, mais deux d’entre eux ont refusé. Le troisième est présent sur l’écran de la salle d’audience et le box est vide.

Extractions judiciaires, escortes pénitentiaires

Les escortes pénitentiaires, que ça soit celles de l’ARPEJ, du PREJ, des ELSP ou des ERIS**, sont soumises à un travail important : elles assurent tous les transferts, toutes les convocations devant les juges d’instruction, et toutes les extractions pour les audiences, correctionnelles, de comparutions immédiates (CI), ou comme ce jour, de comparutions à délai différé (CDD). 
Ce personnel indispensable au fonctionnement de l’institution judiciaire travaille en effectif insuffisant - cela peut-il encore étonner qui que ce soit ?, tant la question des effectifs se pose avec insistance dans tous les services publics. C’est la raison pour laquelle certaines CI sont interrompues pour cause de rotation : l’escorte remmène un prévenu au centre pénitentiaire puis en amène un autre. 
Ces services s’étaient développés pour limiter le recours aux forces de police ou de gendarmerie, elles-mêmes en nombre souvent limite pour assurer leurs missions.

Une organisation à toutes les échelles

L’organisation se lit comme suit : le département des équipes de sécurité pénitentiaire basé à Dijon s’occupe de toutes les extractions sur la Bourgogne Franche-Comté et le Centre Val-de-Loire. Ce département encadre l’ARPEJ et les PREJ (il y en a 4 ici : à Dijon, à Besançon, à Orléans et à Châteauroux). Ce personnel assure tous les transferts. 
Et puis il y a les ELSP, les équipes locales de sécurité pénitentiaire qui dépendent des établissements pénitentiaires. Ce sont des agents qui travaillent dans la prison et qui sont formés pour assurer des escortes.

Assassinés par une organisation criminelle (voir les armes utilisées)

L’attaque criminelle dont leurs collègues ont été victimes il y a deux jours a évidemment ravivé des revendications sur les conditions de travail – outre le réel choc et la peine suscitée -, au regard des risques que leur profession leur fait, de fait, courir. 
On ajoute que les assassinats commis ce mardi (puisque la préméditation est évidente – d’aucuns parlent d’« exécutions »), marquent sans aucun doute la montée en puissance de certaines organisations criminelles dont quelques échos nous parviennent en audience, y compris sur la juridiction de Chalon, au travers de procès pour trafic de stupéfiants, ou de procès pour règlements de compte au sein de ces trafics.

Les alertes des magistrats marseillais

Les pouvoirs publics sont face à une réalité qu’ils n’ignorent pas mais qui exige peut-être d’autres moyens encore si une réelle volonté de combattre les trafics continue de s’affirmer. Peut-être que le quantum de la peine encourue (10 ans) devrait être significativement augmenté, afin que le « risque judiciaire » soit lui aussi significatif. 
On renvoie aux alertes lancées par les magistrats marseillais, récemment, qui demandent un régime carcéral spécial (puisque les têtes de réseau continuent de gérer leurs trafics de la prison, de commanditer des expéditions punitives voire des assassinats de leurs cellules) et des cours d’assises spéciales elles aussi (on bascule alors sur le volet criminel au sens pénal). 
L’article du journal Le Monde (en date du 6 mars dernier) parle des moyens financiers parfaitement effrayants de ces trafics (et de leurs conséquences en termes de corruption, « de basse intensité » précise l’article), qu’on sait lourdement armés. 
Alors, certes, on est là à Marseille, mais mardi on était dans l’Eure, et l’on sait également comment les trafics attaquent le tissu social dans toutes ses dimensions, que ça soit au Creusot, ou à Chalon.

Deux points de deal rue Jules Ferry (des mots et un nom qu’on n’imaginait pas accolés)

Revenons aux trafiquants chalonnais, justement, puisque les deux plus jeunes avaient organisé des points de deal chez leurs mères respectives, dans deux appartements situés rue Jules Ferry (rien que le nom de la rue renforce le sentiment de faillite). 
La présidente est favorable à un nouveau renvoi, pour que les trois hommes soient jugés en même temps. Le prévenu en visio défend bec et ongles son cas : il veut être jugé aujourd’hui, il veut sortir de prison, il dit avoir les capacités pour aller travailler et vivre en dehors du trafic. Le tribunal ordonne le renvoi du jugement au 13 juin.

Les trois prévenus sont « sans emploi et sans ressources » 

La procureur précise ne pas douter des capacités du jeune homme mais rappelle qu’au cours de sa détention provisoire il s’est fait remettre du cannabis lors d’un parloir, alors elle doute de sa capacité à vivre immédiatement avec des moyens légaux, attendu « qu’il est sans emploi et sans ressources ». Madame Girard-Berthet requiert le maintien en détention provisoire des trois hommes.

Les avocats respectifs des prévenus ne ménagent pas leurs efforts

« La difficulté qui se pose aujourd’hui n’est de la faute de personne, mais monsieur X doit-il le payer du prix de sa liberté ? Un mois, pour nous, ce n’est rien, mais pour ceux qui sont en détention, un mois, c’est trop long » plaide maître Lépine qui défonce le critère du « risque de concertation » : « Deux d’entre eux sont dans la même cellule depuis leur placement en détention provisoire, alors s’ils avaient dû se concerter, croyez-moi, c’est fait, hein ! »

Un des prévenus souffre de schizophrénie

« La détention, c’est le dernier endroit où on s’éloigne des produits stupéfiants » plaide maître Diry pour le jeune homme qui est en visio. 
« Monsieur XX est une personne qui est malade, plaide maître Lopez pour le prévenu le plus âgé – celui qui est sous curatelle et qui a rencontré un expert psychiatre -. Quand il sortira, il retournera chez sa mère parce que sinon il serait à la rue. Le psychiatre a conclu à l’altération du discernement de monsieur XX : il a besoin de soins, à l’extérieur. »

Le tribunal ordonne le maintien en détention des trois prévenus, au vu du « risque de renouvellement des faits » et de « l’absence de garantie sérieuse de présentation en justice ».

FSA

* https://www.info-chalon.com/articles/2024/04/25/89365/rue-jules-ferry-a-chalon-les-policiers-ont-mis-fin-a-un-trafic-d-heroine-et-de-cocaine/   
** ARPEJ : autorité de régulation et de programmation des extractions judiciaires
PREJ : pôle de rattachement des extractions judiciaires
ELSP : équipe locale de sécurité pénitentiaire
ERIS : équipes régionales d’intervention et de sécurité