Châtenoy le Royal
Peut-on parler d'une carence de logements sociaux sur Châtenoy le Royal ?
Par Laurent Guillaumé
Publié le 28 Mai 2024 à 17h07
La guerre est déclarée. Un recours gracieux avait été déposé, espérant que le Préfet revienne sur sa décision. Face à l'absence de réponse, Vincent Bergeret est passé à l'offensive et attaque devant le tribunal administratif.
Une décision inédite pour la ville de Châtenoy le Royal mais qui a reçu l'unanimité du conseil municipal, y compris des élus d'opposition. C'est dire l'ampleur de l'agacement face à une décision préfectorale jugée non respectueuse des Châtenoyens et du travail entrepris depuis des années au profit du logement social. Parce que c'est bien du logement social dont on parle ici.
Mais qu'en est-il du parc de logements sociaux finalement ? Les Châtenoyens dénoncent une décision prise unilatéralement sans aucune concertation. Pire, l'ancien maire de Châtenoy le Royal, Marie Mercie, a même confié, que "cela fait 7 mois que je sollicite le Préfet à ce sujet sans aucune réponse". C'est dire le point de rupture entre les services de l'Etat et la commune de Châtenoy le Royal, qui s'étonne du comportement du représentant de l'Etat à leurs égards, sans que finalement personne ne réussisse à faire bouger les lignes.
Vincent Bergeret est agacé, et il n'hésite plus à le dire, à qui veut bien l'entendre. Une décision purement mathématique qui sanctionne Châtenoy le Royal en tant que collectivité mais aussi et surtout les Châtenoyens. En s'octroyant le droit de préemption comme une forme de sanction à Châtenoy le Royal pour non-respect du nombre de logements sociaux, c'est un fragile équilibre qui s'en trouve menacé.
Concrètement qu'est ça engendre ? Pour tout bien immobilier en vente et sur lequel un acquéreur pourrait se positionner, l'Etat est en mesure d'entrer dans la danse et de s'octroyer le bien au prix fixé par le vendeur. Pour en faire quoi ? Et c'est là où les choses se compliquent. Des tentatives ont été menées en vue de bouleverser de très fragiles équilibres dans certains quartiers de Châtenoy. Un fonds de voie sans issue avec quelques places de stationnement ... et soudainement peut sortir de terre sur une parcelle, une série de logements avec toutes les contraintes de circulation et de stationnement pour n'évoquer que ce sujet.
"A qui revient la gestion de la colère des habitants ? Qui gère les problèmes des habitants ? " lance Vincent Bergeret, remonté de se voir assumer des conséquences liées à des décisions prises en dehors de la représentation communale.
"Un Préfet au service de la population et des élus ?", visiblement, à Châtenoy le Royal, la conception d'un Etat au service du concitoyen, semble avoir pris du plomb dans l'aile.
"L'Etat ne prend pas en compte tous les efforts entrepris ni même les actions en cours"
"Est ce de la faute à la ville de Châtenoy le Royal si les bailleurs sociaux ont changé leurs projets initiaux ? Est-ce à la commune d'assumer des choix qui ne dépendent pas de nous ? Qu'en est-il du contrat de mixité sociale sur lequel on a travaillé sans aucun retour des services ? On ne reste pas les bras croisés mais est-ce notre fait si les lois plus restrictives nous ont bloqué dans les projets, nous retirant de nombreuses parcelles jusqu'alors aménageables. Il y a 40 logements sociaux lancés ou sur le point de l'être alors qu'il en fallait 39 pour être en conformité avec la loi. Comment ne pas prendre en considération ce travail réalisé par la commune et ses services ?".
"On n'a rien à voir avec un Neuilly Chalonnais. C'est quand même incroyable de se voir ainsi traité. De 2008 à 2022, le nombre de résidences principales a augmenté de 5,08 % tandis que celui des logements sociaux a augmenté de 31,2 %. Les logements sociaux ont progressé de 3 points sur la période et on continue".
Le nouvel arrêté de carence pris le 28 décembre dernier et portant sur les 3 prochaines années est "injuste. On fait notre part et on continue de le faire. Je pourrais comprendre si on n'avait rien fait mais là franchement".
Vincent Bergeret va même plus loin, lui qui fut de nombreuses années en charge du logement social à Chalon, en tant qu'élu chalonnais, "il y a une vingtaine de logements sociaux vides à Châtenoy le Royal et 1000 à Chalon sur Saône". Des chiffres à eux-seuls, viennent corroborer cette incompréhension municipale.
Du côté de la Préfecture de Saône et Loire,
"alertée une première fois au milieu des années 2000 par la commission départementale SRU que préside le préfet, la commune de Châtenoy le Royal avait alors produit des efforts de programmation remarqués qui avaient conduit à la mise en service d’un nombre conséquent de logements sociaux de 2008 à 2016. La dynamique ainsi amorcée il y a plus de 10 ans s’est soudainement interrompue à partir de 2014 et le préfet n’a pu que constater un arrêt total de la programmation de logements locatifs sociaux sur la période de 2014 à 2020, laissant perdurer le déficit communal.
Dans ces circonstances, la commune a été carencée une première fois par arrêté préfectoral du 17 décembre 2020 et de nouveaux objectifs de production lui ont été fixés sur la période 2020- 2022.
A l’issue de cette période triennale, le nombre de logements locatfis sociaux produit est demeuré inférieur à 60% de l’objectif.
Si la commune n’a pas contesté ce taux, elle a en revanche sollicité, par l’intermédiaire de la communauté d’agglomération du Grand Chalon, une exemption motivée uniquement par la faible tension en matière de demandes de LLS constatée sur le territoire de cet EPCI.
Or les caractéristiques de la commune en font un territoire favorable au développement du logement, ce qui s’exprime au travers du faible taux de vacance dans le parc privé (5%) et dans le parc social (2,17%), ainsi qu’au travers de la réalité de la demande de logement social sur la commune (36 attributions sur l’année 2022 pour 97 demandes).
Compte tenu de ces caractéristiques et de l’arrêt soudain de la production de LLS sur la commune, le préfet a émis un avis défavorable à cette demande d’exemption, avis qui a été confirmé par la commission nationale SRU et acté par décret n° 2023-699 du 31 juillet 2023.
Par ailleurs, dans le contexte de réaffirmation forte par la loi dite 3DS de 2022 des objectifs de production de logements sociaux en territoires SRU (solidarité et renouvellement urbains), la volonté de l’État de rappeler la commune à son obligation s’est ensuite traduite par une procédure d’intention de carence initiée au printemps 2023. Le maire n’a pas souhaité produire d’observation sur le bilan quantitatif dans le cadre du contradictoire. La proposition de carence a été suivie par la commission nationale de solidarité et de renouvellement urbains (CNSRU) réunie en juillet 2023 ainsi que par le comité régional de l’habitat et de l’hébergement (CRHH) à l’automne 2023.
Au terme de cette procédure, le préfet a prononcé la carence de Châtenoy-le-Royal par arrêté du 29 décembre 2023.bEn lien avec la communauté d’agglomération du Grand Chalon et son président, le préfet maintient le dialogue avec la commune afin de trouver une issue favorable pour le territoire. C’est dans cet esprit qu’il lui a proposé un accompagnement dans l’élaboration d’un contrat de mixité sociale (CMS) afin que la commune se dote d’une vision prospective et la traduise de façon opérationnelle dans les documents stratégiques locaux (PLUi, PLH). Une réunion a été programmées fin mai. Dans cette attente, l’application des effets de l’arrêté préfectoral de carence sont suspendus (pénalités financières et droit de préemption urbain).
Des propos qui ne suffisent pas à calmer la colère châtenoyenne, transpartisane, partagée à l'unanimité des conseillers municipaux. Le maire rappelant "ne pas avoir eu connaissance de la réunion du mois de mai évoquée par le Préfet" et insistant sur le projet de contrat de mixité sociale" il a fait l’objet de plusieurs amendements à la demande du Préfet La dernière version transmise au Préfet le 23 février 2024 est restée sans réponse ."
La réponse sera désormais entre les mains du tribunal administratif.
Laurent Guillaumé
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