Bresse Chalonnaise

3 ans de prison et interdite de paraître sur la commune de Pierre de Bresse

3 ans de prison et interdite de paraître sur la commune de Pierre de Bresse

Un petit bout de femme entre dans le box. Deux yeux noirs qui courent partout, un joli chignon et un sentiment de persécution vissé à tout son être. Dans la salle d’audience, ce 12 mai, madame la maire de Pierre de Bresse ainsi que des pompiers.

 Qu’est-ce-qui fait joint entre une personne et le collectif ? Entre un citoyen et la société ? Cette question si passionnante est au cœur de bien des audiences mais dans l’autre sens : qu’est-ce qui disjoint ? Qu’est ce qui fait qu’une « bonne citoyenne » ait des comportements si contraires à toute vie commune qu’elle a déjà été jugée pour ça et le soit encore, aujourd’hui ? Trois procédures, onze infractions.

La présidente parvient à mener une instruction très claire, complète, calme, en dépit de la tchatche de la prévenue – 37 ans - et de ses contestations. Elle ne conteste pas tout : tout ce qui a été filmé, elle le reconnaît, « pas le choix », mais l’incendie volontaire de la porte d’entrée de son voisin du dessous en pleine nuit, non, non, c’est pas elle. 

Les faits 1 – dégradation de bien public

Le 17 mars dernier, madame Gruet, maire de Pierre de Bresse, dépose plainte contre la prévenue, laquelle avait causé grabuge et dégâts à la salle des fêtes où se tenait un loto. Le bout de femme s’était pointé la veille, passablement imbibée d’alcool, s’est faite éconduire de la buvette. « On m’a bousculée » veut dénoncer la prévenue qui s’est retrouvée au final à balancer doigts dits d’honneur à la cantonade et cailloux dans les vitres. 
La maire de la commune, « deux mille habitants », est venue au tribunal témoigner de ce que la communauté souffre trop des comportements et agissements de la prévenue qui est devenue un problème.  « Ça fait trop. »

Les faits 2 – incendie dans l’immeuble où vit madame

Le bailleur social avait déjà reçu plusieurs pétitions se plaignant de cette locataire souvent alcoolisée, qui hurle, fait du tapage, insulte son monde, altère la qualité de vie des autres habitants en troublant la quiétude de l’immeuble, et qui se branche « parfois » sur l’électricité des communs – plusieurs pétitions, donc, quand, dans la nuit du 7 avril les pompiers interviennent en urgence : le feu a dévoré la porte d’entrée d’un des locataires, la fumée est si épaisse « qu’on ne voit plus ses propres mains » dira un ami de madame. Cet homme la désigne comme l’incendiaire. 
La femme fut condamnée en septembre dernier pour menaces de mort et insultes à l’encontre de l’homme victime de l’incendie dont le départ fut volontairement causé, l’accès au bâtiment est sécurisé la nuit, qui d’autre aurait commis ce geste potentiellement criminel ?
La maire de Pierre de Bresse avait de son côté fait également un signalement pour dénoncer les nuisances multiples causées par cette femme depuis son arrivée : « Cette personne est très perturbante, c’est inacceptable. »

Les faits 3 – « De la folie »

Le 8 mai, les gendarmes sont rappelés : la femme est chez une connaissance, elle tient des propos suicidaires. Des gendarmes sont la cible de coups et d’insultes à la pelle. Elle se débat tant qu’il est très compliqué de parvenir à la maintenir. Des pompiers arrivent, eux aussi dans l’urgence, pour la secourir : « De toute ma carrière… j’avais déjà eu des gens agités et violents mais jamais ça n’a été si loin, à nous en vouloir… à nous en faire voir… On a pris des coups. Ça m’a démonté. » 
Une femme, infirmière et pompier volontaire, portera aussi un témoignage assez poignant sur le gouffre qui s’était ouvert ce jour-là entre personnes de bonne volonté, d’un corps de secours, et une femme « perdue » dira son avocat, qui ne « se laisse pas examiner », explique l’infirmière au tribunal. 
Le médecin régulateur à l’autre bout du fil (si on peut encore le dire ainsi) ordonnera son transport à l’hôpital de Chalon, laissant l’infirmière sapeur-pompier dans une forme de détresse morale de n’avoir pas pu faire son travail. « Je me suis posé beaucoup de questions… Si elle fait un arrêt cardiaque dans l’ambulance ? Si … ? » Tous les pompiers ont été bipés et arrachés à leurs domiciles ce soir-là, pour une femme « très-très violente ». 
La prévenue intervient : « Je suis sous le choc de ce que vous dites. Au point de me faire dessus ? Ça craint. Je me rappelle de rien du tout. Je m’excuse beaucoup. »

Furiosité et réquisitions

Le mot de l’audience – de presque 4 heures - revient à madame la procureur de la République : « furiosité ». 
La procureur livre des réquisitions à la hauteur des dommages causés par un bout de femme, au corps social que n’importe quelle commune constitue. « On est dans une escalade de comportements dangereux. » 
« A la salle des fêtes, madame est dans un état de furiosité. » 
« Furiosité » raconte la rage, la violence, voire la démence et porte aussi en lui la notion de lutte. On verra un peu plus loin comment la femme aux yeux noirs et fureteurs se vit être en lutte, sincèrement, mais faisant cible de tous, donc injustement. 
« Madame soutient la thèse d’une cabale contre elle, mais l’enquête de voisinage montre que les gens s’entendaient avant son arrivée. C’est factuel, ça. Madame insulte, injurie, quiconque se met sur sa route. » La procureur insiste sur la dangerosité de cette prévenue, aggravée par « son manque d’empathie » nourri d’alcool à fortes doses, et « rien n’est de sa faute ! Tout est en lien avec des éléments extérieurs à elle-même. » La magistrate requiert une peine de 36 mois dont 12 seraient assortis d’un sursis probatoire.

Défense - « perdue », « en déshérence totale »

Julien Marceau plaide les difficultés sociales et personnelles « que l’audience n’a qu’effleurées », de cette femme « perdue », « en déshérence totale », « qui boit pour oublier » : « elle ne voit plus ses enfants », « elle n’a plus un sou » (sans aucun revenu depuis janvier, elle ne peut plus payer ni loyer, ni aucune facture fut-ce celles des cantines de ses enfants les plus jeunes, dont le père est incarcéré), « elle fréquente des gens aux aussi en difficulté ». « Il faudrait réintroduire madame dans un parcours social. Il faut un sursis probatoire renforcé. » Pour l’incendie, l’avocat plaide une relaxe.

Position de la femme ce 12 mai

Accompagner vers une insertion dans un corps dont la prévenue, avec une spontanéité naïve, dit bien se défendre a priori ? Un jour peut-être, mais là tout de suite la coupe est pleine des deux côtés de la barre, d’ailleurs le tribunal ira au-delà des réquisitions. Qu’a dit la furieuse au fil de l’audience ? 
« Ben, j’ai été tellement violentée qu’aujourd’hui je ne me laisse plus faire », « si j’ai fait ça, c’est parce qu’on m’avait bousculée ! », « c’est toujours moi (qu’on accuse) ! », « c’est toujours moi qui prends », « quand les gendarmes m’ont montré les vidéos, ça m’a fait honte », « je suis la première à secourir les gens, faut pas tout le temps me mettre la perche dessus ».

Décision – 3 ans de prison ferme

Le tribunal, après une longue délibération, dit la femme coupable de tout ce qu’on lui reproche et la condamne à la peine de 4 ans de prison dont 1 an est assorti d’un sursis probatoire pendant 2 ans, avec obligations de travailler, de suivre des soins « en addictologie, psychologiques et psychiatriques », d’indemniser les victimes (la commune, des pompiers et des gendarmes), de payer le droit fixe de procédure ; interdictions de contact avec les victimes et de paraître sur la commune de Pierre de Bresse. 
Inéligibilité et interdiction de porter une arme pendant 5 ans. 
Le tribunal décerne mandat de dépôt pour les 3 ans ferme.

L’annonce de la peine a porté. La petite furie en lutte contre le monde entier fait place à une femme encore jeune, blessée et mangée de chagrin, les yeux baignés de larmes. Le 8 mai, enfin contenue par une ceinture et des menottes, elle crachait encore sur tout ce qui passait à sa portée.

FSA

Sont reçus en qualité de parties civiles :
L’homme victime de l’incendie volontaire, deux gendarmes, deux sapeurs-pompiers, la commune de Pierre de Bresse via sa représentante, le SDIS. L’OPAC voulait se constituer, on n’a pas entendu si c’est ok ou pas.